Chapitre 40 - La vente aux enchères

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Le petit marteau du crieur tambourina le pupitre en bois derrière lequel il se tenait.

– Adjugé au numéro trente-quatre ! Le lot numéro sept est adjugé au numéro trente-quatre !

Toute la vaste salle applaudit poliment. La somptueuse peinture qui venait d'être vendue se fit emporter dans les coulisses, alors qu'un nouveau lot prenait place. Cette fois, il s'agissait d'une collection de petites statuettes blanches pas plus hautes de quelques pouces. De son siège, Yona ne parvint pas à en distinguer les détails, mais le meneur de cette soirée expliqua plus en détail.

– Et voici notre prochain lot ! Cinq magnifiques sculptures représentant les cinq sens, venues tout droit d'une mystérieuse tribu qui réside en plein milieu du désert ! Il paraîtrait que le matériau qui a servi à réaliser ces statuettes a comme origine la Terre Sainte elle-même, et résiste à presque tout ! Le prix de départ est à huit pièces d'or.

Les petites pancartes tenues par les participants se levèrent à tour de rôle, annonçant une surenchère. Moins impressionnant que pour la peinture précédente, la bûcheronne fut quand même sidérée de voir à quel point le prix monter vite. En à peine quelques minutes, la somme des deux cents pièces d'or fut atteinte et adjugée par le crieur. La salle applaudit de nouveau, et comme la tradition le veut, le récent propriétaire — quelques rangs plus bas, sur la gauche de Yona — se leva et salua l'assistance. Dans un manteau entièrement rouge, la capuche relevée, il était impossible de discerner le moindre détail le concernant. Son visage restait également à l'abri, derrière un masque de porcelaine blanche affichant un sourire. Il se rassit après une poignée de seconde, un nouveau lot fut amené sur scène, et le cycle recommença.

La garde du corps n'attendait que deux lots, pour lesquels elle se battrait corps et âme. Mais pour l'instant, à part observer patiemment l'évènement, elle n'avait pas grand-chose pour s'occuper.

Pour atteindre le lieu de la vente, il fallait passer par un autre bâtiment. Officiellement, l'orphelinat Redder organisait une soirée de charité pour une levée de fonds exceptionnelle avec un thème masqué. Une fois à l'intérieur, les convives dans la confidence pouvaient se faire indiquer une pièce au fond du rez-de-chaussée, accessible uniquement sur présentation d'une invitation. Il fallait s'y rendre à une heure précise, avec le nombre exact d'invitations et d'invités. Une fouille rapide était effectuée, pour s'assurer qu'aucune arme n'était amenée.

Enfin, il fallait emprunter une série d'escaliers et de couloirs en pierre afin d'être conduit à la vente. Ils avaient ensuite été guidés, toujours sous étroite surveillance. Yona n'avait eu aucun doute qu'un bon nombre d'activités toutes illégales se déroulaient dans ce complexe, et les organisateurs de l'évènement ne voulaient pas que des convives s'égarent et tombent sur certains secrets sensibles.

La salle dans laquelle elle se trouvait ressemblait grandement à un amphithéâtre, dont l'usage devait varier en fonction des soirées. Une vingtaine de rangs en arc de cercle surplombaient la large scène en latte de bois. Deux accès aux coulisses étaient visibles aux extrémités. Les murs comme le plafond se révélaient assez sobres, d'un blanc immaculé avec quelques gravures de-ci de-là, mais sans grande ambition. Cependant, la pièce était très bien éclairée, avec de nombreuses lampes à huile sur les côtés, et plusieurs lustres pendants quelques pieds au-dessus de la tête des convives, eux aussi préférant efficacité à beauté.

Toutes les lampes étaient allumées au maximum lors de leurs installations. Yona avait pu voir plusieurs groupes d'invités, identifiables à leurs vêtements similaires. Comme le précédent acheteur, une dizaine de personnes portait la même cape rouge. Certains les imitaient en optant pour une couleur plus neutre, comme du noir ou du marron. D'autres au contraire avaient préféré des tenues de soirée, resplendissant dans des robes ou des costumes de très bonnes factures. Malgré ces différences, ils avaient tous deux points communs. Premièrement, ils étaient tous très élégants et affichaient une certaine richesse. Et deuxièmement, ils cachaient tous plus ou moins leurs visages. Certains choisissaient des masques pour ne rien laisser transparaître, alors que d'autres, plus à l'aise avec ce genre d'évènement, avec simplement un bandeau de dentelle sur les yeux.

Voyage au centre du soleilOù les histoires vivent. Découvrez maintenant