Chapitre 3 - Passés et avenirs

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Quand une des serveuses de l'auberge réveilla Yona, elle avait encore les yeux bouffis de sommeil, malgré l'heure précoce à laquelle elle s'était couchée. Elle s'habilla rapidement, rassembla ses nouvelles affaires et partit rejoindre Ries aux écuries. Le marchand ayant annoncé son départ à maîtresse Herber, elle avait pris le soin qu'un minimum d'employés soit disponible. Cependant, elle ne serait pas présente pour les saluer. Ainsi, Étoile et Tempête se montraient déjà prêts, piaffant d'impatience de sortir de leurs boxes. Ries tenait son cheval par la bride, et se retourna quand Yona arriva. Étonnamment, Jamer était également là, assis sur un baril en bois. Elle avait appris que le jeune homme ne partirait pas, le temps de se soigner. Il était venu lui annoncer lui-même la veille.

– Tu restes prudente, d'accord ? implora Jamer.

– Bien sûr. Et toi aussi ! répliqua de bonne humeur Yona. On se revoit bientôt.

Elle se dirigea ensuite vers son cheval. Ça allait être la première fois qu'elle monterait un équidé. Le palefrenier l'aida à installer ses possessions, puis lui tint l'étrier. Elle mit un pied dedans, et sauta pour se hisser. Son pied heurta la croupe de l'animal, et elle faillit en tomber. Mais elle parvint à retrouver son équilibre, et à finalement finir les fesses sur la selle. Pendant une seconde, elle crut basculer de l'autre côté. Mais la peur de terminer la tête contre les dalles de pierre la fit se cramponner aux rênes, tellement que ses jointures blanchirent. Une fois sûre qu'elle était bien stable, elle fusilla Ries du regard, qui avait rigolé pendant toute la manœuvre. Le marchand grimpa élégamment sur sa monture, et se dirigea vers la sortie. Par réflexe, Tempête suivit le mouvement, ce qui surprit Yona, la faisant presque tomber vers l'arrière. Au pas, le duo chevaucha vers la lisière du village, au sud.

Ils prirent la route les menant à Koud, la ville la plus grande du nord de Wêreld. Contrairement à la piste qui effectuait la jonction entre Verlore et Cascade, ce chemin se révélait bien plus simple à emprunter. En effet, il suffisait de suivre la rivière, serpentant au milieu de la forêt de moins en moins dense. Un ciel bleu accompagnait leur départ, et ils étaient même épargnés par le vent. Une journée calme en somme.

Mais un élément allait rendre cette journée très longue : la chevauchée. Cela ne faisait pas une heure qu'ils étaient partis, mais Yona sentait déjà son postérieur la torturer. Elle le manifesta à Ries, qui s'esclaffa un coup avant de répondre.

– Je suis au courant que ça peut être dur au début, mais à part te conseiller de serrer les dents, je ne peux pas vraiment t'aider. Bon courage !

Il lança sa tirade d'un ton à la fois attentionné, et en même temps hautain ! Yona enrageait, mais elle savait que ce n'était pas contre Ries. Il demeurait simplement la seule personne à plusieurs lieux à la ronde. La bûcheronne tenta de voir les choses de façon positive. Elle chevauchait ! C'était la base de toutes les histoires que lui racontait son père quand elle était enfant. Un groupe d'aventuriers, cheveux au vent, se dirigeant vers une destinée glorieuse ! Bon, elle ne commandait pas réellement la bête, Tempête se contentant de suivre Étoile, contrôlé d'une main de maître par Ries. Ou plutôt, par des genoux de maître, car le marchand ne prenait même pas la peine de tenir les reines, se contenant de quelques pressions à l'aide de ses jambes. De plus, ils allaient manifestement plus vite qu'à pied. Certes, ils restaient au pas, afin que les chevaux ne se blessent pas à cause d'une racine ou autre cachée sous la couche de neige présente au sol, mais cela s'avérait toujours plus efficace que de s'enfoncer jusqu'aux genoux et de passer la journée trempé à greloter de froid. En parlant des températures hivernales, Yona avait fait l'acquisition d'un beau manteau, ou plutôt d'une cape de voyage. Maintenu sur ses épaules par une petite cordelette au niveau de sa poitrine, le vêtement marron foncé lui allait comme un gant. Elle avait dû pour ça entrer dans une boutique d'homme, mais ce n'était pas la première fois, et sûrement pas la dernière, même si ce moment la mettait toujours mal à l'aise. De plus, la capuche relevée sur sa tête conservait la chaleur de son corps, et ce n'était pas désagréable. Il s'agissait probablement de son vêtement le plus élaboré. Pourtant, Ries l'avait considéré comme simple, « digne d'un village aussi petit » avait-il dit. Mais Yona ne se laissa pas ruiner sa bonne humeur.

Voyage au centre du soleilOù les histoires vivent. Découvrez maintenant