Chapitre 4 - Découvertes et rencontres

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– Mais papa, pourquoi je devrais faire ça ? Tous les autres sont en train de s'amuser au village ! Il y a un barde !

Mend entraîna Yona un peu plus dans la forêt. Ils ne distinguaient plus la lisière à présent.

– Tu ne te souviens pas ce qui est arrivé l'année dernière ? rappela Mend d'un ton sec.

Yona sentit la culpabilité monter en elle, comme à chaque fois que le malheureux évènement était évoqué. Combien de temps avait-elle vu les regards accusateurs se poser sur elle, en particulier les parents de Sigg ? Il n'avait que seize ans, et pourtant, il est mort en la cherchant. Son père avait alors dû dédommager financièrement Hersher et sa femme, ainsi qu'en promettant de loyaux services. Du coup, Mend avait décidé de rendre Yona plus apte à survivre dans la forêt. Presque tous les jours, après le travail terminé, ils partaient dans les bois jusqu'au coucher du soleil. Quatre saisons s'étaient écoulées, et Yona ne craignait plus le noir, contrairement à la suite de son traumatisme. À cette époque, il fallait forcément deux bougies allumées pour qu'elle réussisse à s'endormir.

– Je n'aurais pas dû hésiter à en venir là. Ta mère me l'a demandé, mais c'était une erreur. J'aurais dû commencer bien plus tôt. Désolé, Ordane, mon amour...

Ils arrivèrent finalement au lieu d'entraînement. Mend avait dégagé une petite zone où Yona pourrait pratiquer toutes sortes d'efforts physiques. Enjambement d'obstacles, tir à l'arc, armes de jet, combat à mains nues et à l'arme blanche, équilibre, prise de décision rapide... Il répétait à peu de choses près ce qu'il avait appris lors de ses années de formation. À tout cela s'ajoutaient les leçons matinales, ainsi que la lecture du soir. Mend ne venait pas d'un petit village au fin fond des montagnes, et il voulait transmettre son savoir à sa fille, avant qu'il ne l'oublie lui-même. Certains qualifiaient son éducation de rude ou sévère, lui la voyait comme complète. En vérité, il lui trouvait des défauts, mais il essayait de faire de son mieux avec les moyens du bord. Il fallait rendre Yona autonome. Car plus les années passaient, et moins il serait apte à lui enseigner. De plus, elle voudrait peut-être quitter Verlore un jour. En père inquiété, il ne pouvait pas voir partir sa princesse sans savoir qu'elle pourrait se débrouiller toute seule.

Yona se mit en place, comme d'habitude, et attendit le signal de son père.

– Top !

La petite fille de neuf ans se lança vers le premier obstacle, escalada la planche de bois à l'aide de son élan, et poursuivit en traversant un précipice peu profond sur une maigre branche, étonnamment solide. Une fois le sol retrouvé, elle se saisit de l'arc et des flèches posées contre un arbre, et se mit à viser les cibles.

– C'est bien, continue comme ça ! l'encouragea Mend.

Yona garda les yeux grands ouverts, coupa sa respiration, et décocha le projectile, qui partit se loger au cœur d'une cagette pas plus grosse que la tête d'un homme adulte, à l'autre bout de la clairière.

C'est au son du métal contre le bois que Yona se réveilla. Ou plutôt, qu'elle se décida à sortir de son lit. C'est souvent quand elle émergeait d'un somme qu'elle se souvenait de moments passés avec son père, parfois agréables, ou non. Mais peu importe sa nature, la bûcheronne chérissait quelques instants le fragment de sa vie, avant de reprendre le cours de celle-ci. D'ailleurs, il fallait qu'elle s'attaque au jour où elle deviendrait bien plus compliquée.

Ries n'avait absolument pas déchanté sur l'idée du vol, bien au contraire. Yona sentait qu'elle perdait du terrain à chaque conversation. Elle avait maintenant promis au marchand de faire de son mieux pour y parvenir. Les intestins noués par le stress, elle se mit un peu d'eau sur le visage. N'ayant pas passé la nuit sous des couettes épaisses, le liquide la glaça. Mais c'était une habitude à Verlore, et ce petit rituel l'aidait à s'éveiller correctement. Elle rassembla ses affaires et partit en direction de la salle commune.

Voyage au centre du soleilWhere stories live. Discover now