Voyage au centre du soleil

Chapitre 23 - Nouveau départ

Yona se réveilla après une bonne nuit de sommeil. En émergeant, elle réalisa vite que Ries n'était plus à côté du lit. La couverture qui lui servait de matelas était soigneusement pliée et posée sur une chaise. Elle observa les alentours, et l'aperçut sur le balcon. Tout en bâillant, elle alla le rejoindre. Sans un mot, elle s'accouda à la barrière à côté de lui, et s'imprégna de la vue unique qui s'offrait à elle.

À cette hauteur, en haut de l'arbre au centre de la ville de Kruis, son champ de vision s'étendait sur les dizaines, peut-être même les centaines de lieues avoisinantes. Majoritairement d'un vert clair au relief indiscernable à cette distance, la couleur changeait vers la fin pour passer petit à petit au jaune pâle du désert de la Sainte Terre. Et mêlé encore légèrement à l'horizon, le Soleil brillait avec intensité. D'ailleurs, avec l'altitude, Yona avait plus l'impression qu'il se dégageait du sol plutôt que se révéler de derrière l'horizon. Quoi qu'il en soit, ils quittèrent au bout de quelques minutes de contemplation le balcon pour aller manger leur petit-déjeuner.

Une fois fait, ils réunirent le peu de bagages qu'ils avaient amenés, et descendirent de l'arbre. Retrouver la terre ferme leur prit autant de temps que de la quitter, à savoir à peu près les trois quarts de la journée. Lorsqu'ils furent en ville, ils se dirigèrent directement vers leur auberge afin de récupérer leurs chevaux ainsi que le reste de leurs biens.

Quand ils pénétrèrent la salle commune, Yona fila s'assoir sur une chaise — rapidement suivit par Ries — pour reprendre son souffle, et surtout pour reposer un peu ses jambes. Sa guérison n'était pas encore complète, et les utiliser autant lui amenait forcément des douleurs, de plus en plus intenses.

- Que veux-tu faire ? lui demanda Ries. Nous pouvons dès maintenant partir pour une prochaine destination, ou alors nous poser une dernière nuit avant d'arpenter à nouveau les routes.

Yona n'hésita pas longtemps. La conversion la veille au soir avait fait ressortir de nombreux sentiments. Mais ce qu'elle en gardait, c'était une profonde détermination. Elle voulait continuer ce voyage pour trois raisons. La première, la plus triste, retourner à Verlore un jour pour annoncer le décès de Jamer. La deuxième, la bûcheronne en était de plus en plus persuadée, le destin du monde était probablement entre leurs mains. Il fallait coûte que coûte que son employeur parvienne à réunir les quatre objets pour les amener en Terre Sainte. Et enfin la dernière, elle voulait vivre une aventure. D'une part pour elle-même, afin de découvrir le monde si vaste et incroyable dont Ries parlait, mais aussi pour son défunt ami, qui n'avait désormais plus la chance de le faire par lui-même.

- Donne-moi quelques minutes, et on pourra y aller ! lui répondit-elle avec énergie.

Le marchand, ravi de cette nouvelle, partit regrouper ses affaires et fit sceller les chevaux. Quand Yona se hissa sur sa monture, elle comprit tout de suite la différence entre les gammes de selle. Ce n'était pas encore confortable comme un lit, mais la sensation de s'assoir sur du bois s'était envolé, laissant place à une pile le linge. Loin d'être parfait, elle espérait quand même sentir une amélioration après une longue randonnée équestre. Et alors qu'il devait rester maximum quatre heures avant le coucher du Soleil, ils quittèrent la ville-étape.

Quand Kruis ne fut plus en vue — ce qui ne prit que quelques dizaines de minutes —, Ries fouilla dans une de ses sacoches de selle, et en saisit un cylindre, qu'il tendit à Yona. Cette dernière savait très bien ce qu'il renfermait. Elle l'ouvrit, et en sortit la carte. Cela faisait des semaines qu'elle n'avait pas pratiqué la magie. Ainsi, elle se sentit très peu à l'aise avec le procédé, comme si c'était l'une des premières fois. Après quelques minutes d'efforts, ses mains se mirent à la picoter, et le bout de parchemin vierge révéla les alentours, ainsi que le chemin menant à leur prochain objectif, qui s'avéra étonnamment proche.