Voyage au centre du soleil

Chapitre 12 - La dure réalité

Ries regarda à travers la fenêtre. Réflexe idiot en l'occurrence. Il aurait bien aimé analyser les alentours, mais impossible dans cette situation. Seule une brume homogène se perdait dans les rues et cachait le ciel. Une luminosité légèrement bleutée prenait place partout, ne provenant d'aucune source réellement. Tout semblait tranquille de l'intérieur. Il inspira un grand coup, et actionna lentement la poignée de la porte.

Aucun bruit particulier ne se dégagea de celle-ci, du moins pas assez fort pour alerter Ries, et donc la créature. Il l'ouvrit avec assez d'espace pour passer de profil, et ne prit même pas le temps de la fermer. S'il parvenait à trouver le sorcier, il pourrait assurément arrêter ce monstre. Du moins, il le fallait. Sinon, il n'avait aucune idée de comment partir de ce fichu village vivant !

Dès qu'il se mit à arpenter les pavés gris, il longea la rivière dans le sens du courant. Luem lui avait parlé d'un pont un peu plus bas, aménagé spécialement pour Wansin. En effet, il aurait été peu pratique pour le magicien d'utiliser un bac à longueur de journée. Les bruits se firent à nouveau entendre, mais rien de dangereux pour le moment. Malgré leur distance, les percevoir donnait des frissons au marchand. Ce silence devenait dérangeant au possible, autant ne pas traîner.

Il atteignit sans difficulté le pont, même s'il avait dû pour cela avancer à la vitesse d'un estropié. Il se tenait maintenant devant la structure de bois. Deux hautes marches amenaient au niveau du passage. Il posa un premier pied, et s'éleva doucement. Il bougea son pied lentement sur la deuxième, et répéta l'opération. Pour l'instant rien ne grinçait, et tant mieux. Un pont en bois récent ne devrait pas montrer de problème, du moins il l'espérait. Et ici, impossible de trouver la moindre diversion sonore.

Il progressa prudemment, encore plus que dans les rues. Chaque erreur pouvait le faire valser dans l'eau, ou pire, lui être fatale. Ne percevant que difficilement l'autre rive, estimer un temps de traverser était compliqué. Néanmoins, c'est à peu près à la moitié, après de longues minutes interminables, que Ries vit les problèmes arriver. Il ne s'agissait pas directement de la brume, mais la vue lui fit tout de même froncer un sourcil. Un énorme trou séparait en deux le pont, impossible de le traverser en marchant. Cependant, une planche sur la gauche allait un peu plus loin, permettant un saut jusqu'à l'autre côté. Mais pour cela, il fallait courir, et donc faire du bruit. Mais Ries n'avait pas le choix, il devait trouver le magicien. Il recula jusqu'à encore apercevoir sa plateforme de saut, remplit ses poumons d'air, et effectua son sprint le plus rapide. Sa seule course fit beaucoup trop de bruit. Ses bottes frappant le bois, le pont qui grince, sa bourse qui tinte. Cela allait forcément alerter la brume. Il atterrit lourdement de l'autre côté, dans une roulade peu gracieuse. Il se releva sans plus tarder, et continua au même rythme. Dans sa tête, c'était la seule option viable. Le bruit du saut allait ramener la créature, et donc le mettre en danger là où il demeurait le plus faible. Autant poursuivre jusqu'à la terre ferme, où il aurait plus de chance de se faire discret. Mais quand il entrevue la fin du pont, une force vint le heurter dans le dos avec une puissance prodigieuse.

Le souffle coupé, il se fit propulser avec violence sur plusieurs mètres et s'étala tête la première sur de la terre, puis glissa jusqu'à de l'herbe. Le choc était si rude qu'il avait craché du sang, recouvrant maintenant une partie de son visage, de ses mains, ainsi que le haut de sa chemise. Il se força à rester calme, malgré l'impossibilité de respirer. Il employait tous ses moyens pour obtenir la plus petite parcelle d'air, sans pour autant l'inspirer à pleins poumons. Il ne pouvait plus se permettre le moindre son. Car seul point positif dans cette attaque, il avait fini sa chute dans de l'herbe, ce qui avait considérablement réduit son bruit, malgré quelques crissements à cause de ses vêtements qui subsistaient.