Chapitre 16 - La raison de mettre sa vie en jeu

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Immédiatement, une douce ambiance se répandit dans la pièce. Jamer, habillé d'une veste en lin marron fatiguée par l'usure, rappelait à la blessée sa terre natale. Après tant de jours la plupart du temps seule, un visage familier lui procurait un bien fou. Des souvenirs se formèrent dans son esprit. La douceur des peaux de bêtes qui recouvraient les sols. L'odeur de bois mouillé à cause des murs par temps de pluie. Le son du feu crépitant au milieu du salon. Il arrivait régulièrement au jeune homme de venir chez Yona certains soirs, pour y jouer à des jeux ou écouter des histoires de son père. Lorsqu'ils le pouvaient encore, ils finissaient souvent par dormir dans le même lit, les paupières trop lourdes pour leurs jeunes yeux. Le teint clair, les cheveux foncés, Jamer souriait à pleines dents en pénétrant la chambre. Il cala avec délicatesse un sac en tissu contre un mur, et vint rapidement à son chevet à l'aide d'un petit tabouret.

En oubliant un tant soit peu ses douleurs, Yona tenta de se redresser, afin de regarder son ami d'enfance droit dans les yeux. Ce dernier l'aida à placer correctement son oreiller, avant d'engager la conversation, hésitant.

– J'aurais bien commencé par un simple « comment te sens-tu ? », mais je pense que la réponse est évidente. Tu n'as pas trop mal ? demanda-t-il d'un ton sincèrement soucieux.

– Tant que je ne bouge pas, je n'ai pas à me plaindre, déclara la bûcheronne toute souriante, son optimisme à toute épreuve.

– Qu'est-ce qu'il s'est passé ? Comment as-tu fini dans cet état ? Qu'avez-vous fait en mon absence ?

Yona inspira un bon coup, et entama la narration de ses péripéties. Elle commença tout naturellement avec Koud, en omettant qu'elle avait cambriolé le château, se contentant de dire qu'ils y avaient récupéré une carte nécessaire pour le reste de leur périple. Jamer lui fit remarquer que lors de son propre passage dans la capital du nord, la milice y demeurait très active aux entrées et sorties. Son hypothèse était qu'il s'agissait d'un comportement normal dans une grande ville. Yona changea vite de sujet, peu fière de son exploit et des conséquences qui se sont abattus par sa faute.

Cependant, elle raconta plus longuement leurs mésaventures à Newels, et la dureté de leur séjour. Face à de tels souvenirs, le regard de Yona se voila un instant, avant de reprendre le cours de son histoire.

Enfin, elle expliqua les évènements au lac gelé, du moins ce qu'elle en gardait. Ensuite, le trou noir jusqu'à son réveil ici.

– Je suis aussi passé à Newels. Tout n'était que désolation, c'était une triste vision. Et pour ton arrivée en ville, Ries m'a parlé il y a quatre jours pour m'annoncer votre venue. Mais ça ne fait que trois que tu t'es réveillé. Il m'a également affirmé que nous partirions dans une semaine et demie. Tu penses pouvoir voyager d'ici là ?

Yona laissa s'échapper un rapide rire étouffé.

– Voyager ? Je ne peux même pas me retourner dans mon lit sans geindre de douleur. Alors monter sur un cheval, je ne préfère pas imaginer. Cependant, ma convalescence s'avérera peut-être plus courte que je ne le pense. Un homme est venu hier pour changer mes bandages, et une des serveuses de l'auberge me rend visite tous les jours pour accrocher une nouvelle poche en cuir, quel que soit son contenu. Ries m'a affirmé que c'est une substance qui amenuise la douleur. S'il faut, elle possède d'autres propriétés curatives. Quoi qu'il en soit, j'espère me lever d'ici une petite semaine, voire plus.

Le sourire de Jamer s'effaça presque entièrement. De son point de vue, il ne voyait pas l'étendue des bandages sur les jambes de son ami. Cependant, il savait à quel point elle demeurait résistance et sportive. Rien ne l'arrêtait lorsqu'ils se baladaient dans la forêt il y a encore quelques années, que ça soit les obstacles ou les blessures. Aussi, elle ne tombait presque jamais malade. Une santé de fer finalement. Ainsi, observer une personne si chère à son cœur dans l'impossible de se mouvoir librement, le jeune homme en ressentait un pincement dans sa poitrine. Mais il fut vite sorti de sa mélancolie par Yona.

Voyage au centre du soleilOù les histoires vivent. Découvrez maintenant