Chapitre 19 - Quelque chose de bien plus grand

15 2 2
                                    


Ries était sorti en trombe de la chambre où se trouvait encore Yona, mais il s'arrêta très vite. À quelques mètres à peine des Échos du Savoir, il fixait ses pieds. La pluie avait cessé, transformant la terre en boue à la surface. L'odeur d'humidité mêlée à celle des détritus s'engouffrait dans ses narines. Son corps brûlait à l'intérieur, mais se rafraîchissait à l'extérieur à cause des températures basses en ce début de matinée. Il s'efforça de calmer son rythme cardiaque. Il ne devait pas se laisser emporter par ses émotions. Pourtant, la seule chose qu'il voyait en permanence dans son esprit, c'était le visage de Yona, totalement anéanti. Et cela le mettait hors de lui. Il n'aurait peut-être jamais dû l'emmener. Ainsi, elle serait à l'abri chez elle, à Verlore, et Jamer ne les aurait jamais suivis. Il aurait eu une mort de moins sur la conscience. Mais il était trop tard dorénavant. Il devrait vivre avec le reste de sa vie, aussi longue soit-elle.

Il avait promis à Yona de trouver les coupables, et il comptait bien tout essayer. Jamer, même s'il le détestait, ne méritait pas ça. Ainsi, il se mit en quête de Mada.

S'il ne se situe pas à l'auberge, il ne peut y avoir qu'un autre endroit, pensa le marchand.

Il fit demi-tour et partit dans la direction opposée d'un pas pressé. Les rares habitants éveillés de la Base Ville le regardaient filer, bien trop énergique par rapport à eux. Il gagna après plusieurs dizaines de minutes de marche un établissement. En bois sombre, il n'arborait aucun signe sur la devanture. Pour le connaître, il fallait le fréquenter. Deux vigiles deux fois plus grands et larges que Ries gardaient l'unique porte du bâtiment. Il s'approcha, sans hésitation, jeta une pièce d'or à chacun, et se précipita à l'intérieur.

L'imposante salle dans laquelle il pénétra semblait tout à fait normale. Des fauteuils confortables, de nombreuses cheminées aux feux puissants, des décorations sobres, mais élégantes, ainsi que des volutes de fumée indiquant que les clients consommaient du tabac. Sans y prêter attention, le marchand se dirigea au comptoir et interpella la jeune serveuse.

– Mada est là ?

– Qui le demande ? susurra sensuellement la femme.

Sans répondre, Ries posa une autre pièce d'or devant lui, et affina sa question.

- Quelle chambre ? lança-t-il peu amical.

La serveuse perdit de sa superbe. Sa posture et son attitude changèrent du tout au tout, ainsi que le ton de sa voix.

– Au fond à droite, lâcha-t-elle en mâchant ses mots. Et ne dis pas que tu le sais de moi.

Encore sans répondre, il se dépêcha et entra sans frapper. Il ne s'étonna pas le moins du monde du spectacle. Mada se trouvait intégralement nu, entouré de deux femmes dans le même apparat. Ils s'arrêtèrent tous dans un cri de surprise, et avant que qui que ce soit ait le temps de dire un mot, Ries prit la parole.

– Ramène ton cul, c'est urgent. Je t'attends dehors.

Le patron sortit à peine une minute plus tard. En gagnant dans la rue, il était encore en train de mettre son manteau. Il s'approcha de Ries qui était adossé contre le mur d'en face. Quand le marchand le vit arriver, il ne put s'empêcher de claquer de la langue. Il avait besoin de Mada avec toutes ses facultés. Mais là, ses yeux possédaient encore des traces violettes typiques de la Dop. Les progrès scientifiques réalisaient des merveilles, mais aussi les pires folies. Et pour certains, tout peut se transformer en un moyen pour s'enrichir. S'injectant par goutte sur la rétine, celle-ci procurait des sensations bien plus puissantes que l'alcool ou le tabac, en plus d'agir plus vite. Cependant, elle était bien plus chère, et provoquait des effets secondaires assez violents. Mais bon, Ries n'avait pas le choix, il allait devoir faire avec.

Voyage au centre du soleilOù les histoires vivent. Découvrez maintenant