Chapitre 37 Des Confidences

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BILLIE

Tyler fait tout ce qu'il peut pour que je sois bien, que je me repose, que je mange un peu. Ça fait six jours que je suis rentrée. La douleur de l'opération s'efface. Je reprends des forces peu à peu et j'ai hâte de pouvoir me lever. L'infirmière arrive pour refaire mes soins quotidiens et m'aider à me laver.
J'en ai marre de me faire servir et de dépendre de quelqu'un.
— Vous pensez que je pourrais me lever demain ?
— On pourra faire un essai. Peut-être même ce soir.
Elle défait le pansement. Et reprend
— Les cicatrices sont belles.
— Elles se voient beaucoup ? Je veux dire elles sont grandes ?
Je sais que Tyler écoute depuis la cuisine. Je l'entends poser un truc de façon un peu brutale.
— Elles sont très roses pour le moment, mais ça va s'estomper avec le temps.
Elle ne dit rien à propos de leurs tailles. Je redoute d'avoir un truc énorme.
— Elles remontent jusqu'où ?
Mes questions emmerdent sérieusement l'infirmière qui n'ose pas me répondre. Elle soupire
— Jusqu' ici (elle me montre, sur elle avec son doigt, presque sous sa gorge), et elle descend jusqu'ici (elle descend son doigt jusqu' en dessous de son sein), la seconde est plus petite, environ cinq centimètres. C'est très fin. D'ici peu ça ne se verra presque plus. Elle me sourit.
— Ok. Merci beaucoup.
Je n'entends plus Tyler dans la cuisine. L'infirmière passe devant lui et s'en va sans le regarder.
Il sort. Je vois bien ses yeux rougis.
— Qu'est-ce que t'as ?
— Rien.
— Tu sais ...tu peux me parler aussi.
Il me regarde et m'embrasse.
— C'est pour la question que je lui ai posée ?
— Ouais, je m'en fous de tes cicatrices. Je veux dire, t'es en vie. On est ensemble. Ça aurait pu être bien plus grave.
— C'était juste de la curiosité. Tout va bien. T'as entendu peut-être que ce soir je vais enfin pouvoir essayer de me lever. J'en ai marre d'être au lit si tu savais. Je rigole.
Il n'y arrive pas.
— Hey. Je t'aime.
— Moi aussi. J'ai une question qui me trotte dans la tête depuis le jour où on s'est embrassés.
— Ah ouais, quoi ?
— Si tu ne veux pas répondre, je comprendrais et je t'en voudrais pas, mais puis ce que tu parles de cicatrices... Dans ton dos, il y en a une différente des autres, on dirait une entaille, qu'est-ce qui t'es arrivé ?
— T'es sûr de vouloir savoir ? En fait ce sont deux cicatrices jointes. On se regarde.
— Deux cicatrices ? Dis-moi qui t'a fait ça.
— Ok...C'est un de mes secrets les plus glauques t'es sûr ?
— Vas-y.
— Ils ont appelé ce jeu « Pomme ou crève ».
— Qui « ils » ?
— Les dealers de ma mère, elle leur devait du fric, ils ont cru qu'en s'en prenant à moi elle paierait, mais vu qu'elle n'en avait strictement rien à foutre de moi... Les larmes me montent aux yeux mais je continue, il me prend la main.
— J'avais sept ans et demi, et ils m'ont dit de me mettre face à un mur, ils ont mis une taie d'oreiller sur ma tête, comme tu t'en doute, j'étais terrorisée, je me suis même fait pipi dessus.
Ils ont placé une pomme juste au-dessus de ma tête puis deux autres dans mes paumes, j'avais les bras écartés. En fait le jeu était d'envoyer des couteaux dans les pommes ou sur moi, ce qui était censé mettre la pression à ma mère.
Mes larmes coulent maintenant et Tyler est en colère. — C'est pas vrai, c'est pas possible de faire ça à une petite fille ?! J'ai rien lu de ça dans ton carnet !
— Tout n'y est pas tu sais, il y a encore beaucoup de choses qui me sont arrivées, et dont tu n'es pas au courant.
— Vraiment beaucoup ?
— Les plus choquantes on va dire.
Il secoue la tête et soupire.
— Putain mais, je comprends pas...quel humain peut faire ça ? Comment tu trouves la force ?
— Tu sais, j'ai toujours connu ça, j'ai cru pendant un certain temps que c'était normal, que tous les enfants vivaient ça. Mais quand j'entendais les autres à l'école, ils partaient en vacances, fêtaient leurs anniversaires, leurs parents venaient les chercher en les embrassant avec un gouter à la main, ce genre de choses...c'est là que j'ai compris que non, alors je disais rien, je me cachais quand j'avais des bleus, je ne jouais jamais avec les autres petites filles qui avaient les dernières poupées à la mode et que moi je ne connaissais pas, ou qui parlaient de séries télé, de jeux vidéo ou de musique, alors je m'isolais pour ne pas paraître l'abrutie de la classe, mais du coup, j'étais devenue la petite fille sauvage qui ne parlait à personne.
Quand tu t'es montré si gentil et protecteur avec moi, c'était quelque chose de nouveau pour moi parce que... même si Éloïse s'est rapprochée de moi en me prenant sous son aile ce n'était quand même pas pareil, c'est pour ça que je te regardais comme une parfaite abrutie, je n'étais pas habituée à autant d'égard ou d'attention tu vois.
Bref, de cette fois-là, je me souviens surtout du bruit des lames qui fendaient l'air et quand les couteaux se plantaient, tu sais, « schlak, schlak ».
Ils atterrissaient tous dans les pommes, je tremblais tellement que les pommes ont fini par tomber, alors comme elle ne réagissait toujours pas ils ont fini par en lancer deux sur moi, presque au même endroit. C'est une douleur brève mais cuisante. Je me suis bien sûr écroulée, ils ont pris peur et sont partis. Ma mère m'a conduite aux urgences en disant qu'on s'était faites agressées dans la rue.
Elle ne l'a pas fait par amour, juste parce que sinon elle risquait gros avec l'école et qu'aussi, elle perdait ce qui lui rapportait de l'argent. Heureusement pour moi aucun organe n'a été touché.
Faut savoir que ça ...c'est issu des aveux que ma mère à fait à la police, moi je n'ai que leurs voix et ces bruits en souvenirs, elle a tout balancé aux flics sans chercher à mentir, elle était plus en sécurité en taule que dehors.
Tout, tout, tout est dans le dossier de la police. Sauf certaines choses qui n'étaient que dans mon carnet et donc que toi seul connais maintenant. Si tu te souviens bien, j'ai écrit que je me suis retrouvée chez les flics une veille de Noël. Le flic qui était de garde, regardait la télé en attendant qu'on me foute dans cet hosto, il a laissé mon dossier sur son bureau, j'ai tout lu... Mais Stephen l'a ce dossier, tu n'as qu'à lui demander.
« Pomme ou crève » n'est pas le pire de ce que j'ai vécu tu sais, mais ça, je ne peux pas le raconter parce que c'est trop difficile d'en parler et je vais refaire des cauchemars et je ne veux vraiment pas et je t'assure que toi non plus, parce que ce ne sont pas les
« gentils cauchemars » dont tu as l'habitude maintenant. Je suis désolée.
Je pleure maintenant, il se penche pour m'embrasser.
— Pardon d'avoir raviver tout ça, je voulais pas te faire du mal. Pardon ma puce. Il place son visage dans mon cou.
— Tu as d'autres questions ?
— Une seule mais ça peut attendre.
— Non vas-y pose là. C'est quelque chose que tu as lu dans mon carnet ?
— Ouais... au mois de Septembre quand les trois grosses merdes t'ont fait chier, qu'est-ce que tu aurais fait si j'étais pas venu ?
— Ah ...ouais merde, non tu veux pas savoir non plus. J'aurais préféré que tu ne lises pas ce passage là...
— Dis-moi s'il te plaît.
— Je voulais ... (merde je chiale) me barrer et m'ouvrir les... (je fais le geste), j'en avais tellement assez tu sais. (Je baisse les yeux car il s'est relevé d'un coup). Je suis partie pour être heureuse et en fait quand ils m'ont fait ça, que j'ai été autant humiliée dans ce que je pensais être mon nouveau départ, tu vois parfois je suis pas si forte que ça... (je soupire et m'interrompt un instant car il a un sanglot, je pose ma main sur sa joue) mais mon ange gardien aux beaux yeux clairs a frappé à ma porte.
— Putain mais je pensais pas que tu avais eu autant de souffrances ! Je suis bien content d'être venu ce jour-là, je peux pas croire que tu...
Il ne peut pas continuer et serre ses bras autour de moi, enfoui son visage dans mon cou puis m'embrasse fort.

Pour Les Yeux D'un Ange...Je Suis Là     Partie 1Onde histórias criam vida. Descubra agora