CHAPITRE 24 - Loup

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— Tu gardes de la place pour la tarte aux pommes, c'est ça ? m'interroge Gauthier en essuyant le gras qui recouvre ses lèvres.

— Il y a de la tarte aux pommes en dessert ? demande un petit cousin tout excité.

— Quoi ? lui fait échos d'autres jeunes à l'autre bout de la table.

En un rien de temps, l'information s'est propagée à l'ensemble des enfants et chacun se dépêche de terminer son assiette pour se garantir une bonne part de tarte.

— C'est ta mère qui a laissé filer l'info, avoue Gauthier.

— J'ai bien fait de pas reprendre de petits pois alors, sourit Salomé.

— Je vois pas pourquoi t'aimes tant ces machins verts, souffle Gauthier, hésitant à se resservir du poulet.

— C'est bon pour la santé, lui rétorque ma sœur.

— T'as bien raison, si tu veux te trouver un mec, il va falloir que t'en manges tous les jours.

Le sourire de Salomé s'évanouit et je lance un regard noir à Gauthier tandis que Julien semble plutôt amusé par sa remarque. Voyant qu'il ne s'excuse pas, je lui envoie un coup de pied sous la table pour qu'il voie mon regard énervé.

— Non mais je dis pas que t'es grosse, tente-t-il de se rattraper. Pas du tout, regarde-toi, tu es toute menue. Simplement, les mecs aiment pas trop les filles rondes, donc continue de manger tes petits pois pour rester comme ça.

— Arrête de lui mettre n'importe quoi dans la tête, je lance. Elle a à peine quatorze ans.

— Il faut s'y prendre tôt, poursuit-il. Tu sortirais avec un boudin toi ?

Salomé est encore plus choquée et sur ce coup-là, je le suis aussi, même si j'ai l'habitude d'entendre Gauthier parler comme ça. Il a toujours dit des choses crues, mais jamais pour faire mal intentionnellement, pas comme papy Raymond. Il dit juste tout ce qui lui passe par la tête, sans réfléchir. Il me fait beaucoup penser à Alban.

Je me contente de hausser les épaules pour répondre à sa question, peu désireux d'entrer dans ce genre de discussion.

— T'as déjà eu une copine au moins ? me demande Julien en riant.

Je secoue la tête.

— Quoi ? s'exclame Gauthier. T'as quel âge déjà ? Seize ans ? Et t'as jamais embrassé personne ?

— J'ai pas dit ça.

Je regrette immédiatement d'avoir répondu ça, mais c'est trop tard. Julien insiste déjà.

— Qui ça alors ?

Gauthier me fixe, le visage fermé. On dirait qu'il a lâché l'affaire et j'aimerais que Julien en fasse autant, mais je sais qu'il ne me laissera pas tranquille tant que je ne lui aurais pas apporté tous les détails.

— Laisse tomber, lui lance finalement Gauthier, à ma grande surprise. C'est qu'un puceau, ajoute-t-il ensuite.

J'aurais dû me douter que ma tranquillité n'arriverait pas si simplement. Salomé se tourne vers moi, attendant que je me défende, mais je me contente de baisser le regard sur mon assiette vide.

Le dessert arrive finalement et toute la table est en transe. J'avale ma part de tarte en silence, le plus rapidement possible, afin de pouvoir quitter la table au plus vite. Mal à l'aise à cause de cette situation que j'ai moi-même créée, je ne pas sûr d'en saisir pleinement les raisons.

Je suis le premier à quitter la table et aucun adulte ne le remarque, trop occupé à se disputer par rapport aux nouvelles lois mises en place concernant l'enseignement à l'école. Je me précipite vers les escaliers, bien décidé à récupérer mon portable au plus vite pour tenter une énième fois de trouver du réseau dans ce trou. Ça fait des jours que je n'ai pas pu parler avec Saïd alors que j'ai tant de choses à lui raconter. Je sais à quel point il aime m'écoute lui parler de ma famille, de toutes les petites histoires qui circulent pendant les vacances. Il me dit toujours à quel point ma famille est fascinante, même si je ne vois pas vraiment en quoi. Il ne me parle pas souvent de la sienne, car hormis ses parents et sa petite sœur, il n'en a pas vraiment.

LE JOUR OÙ LES ÉTOILES ONT CESSÉ DE BRILLERWhere stories live. Discover now