Les Rescapés de l'Ordre du Temple

Chapitre 2

Samedi 20 Mai 2017, Washington
10h30, institut de formation de l'Ordre

    Lance ne comprend pas pourquoi. Ils allaient se marier dans quelques mois pour l'amour du ciel. Après l'obtention de leurs diplômes, qui signerait la fin de la formation des deux Érudits, ils devaient commencer à préparer leurs mariages. Taylor ne paraissait pas réticent à l'épouser. Conformément à la demande des chefs, ils se rencontraient une fois par semaine, afin d'apprendre à se connaître. Durant ces soirées, le jeune homme semblait enthousiasme de leur union. Alors Diable, pourquoi aurait-il fui ? Ça n'a aucun sens.

    L'hypothèse du dragon qui aurait pu dévorer les deux amis, a vite été écartée. Il y aurait forcément des restes, comme leurs vêtements, or, il n'y en avait pas. Ce qui rend la réalité encore plus dure à avaler. Leur disparition était un choix. Au-delà de se sentir trahi, Lance est surtout inquiet. Il ne cesse de penser à Taylor et où il peut être.

    À force de tourner en boucle ses questions, un mal de tête pointe le bout de son nez. Il se frotte le visage en soupirant. Le brouhaha ambiant lui martèle le crâne. La main de sa mère sur son épaule ne le réconforte pas. Il veut que quelqu'un passe cette foutue porte et annonce que Taylor et Jude ont été retrouvés. Personne ne le fait. Il retire ses doigts et tombe sur le dos de son meilleur ami. Égoïstement, il ne s'est pas interrogé une seule fois sur la façon dont William vit les choses.

    Ce dernier est entouré par ses parents. Donna a la tête relevée vers son fils, son expression est contrite, bien loin de celle inquiète de tous les autres. Lance ne prend pas la peine de s'attarder dessus, à dire vrai, il n'y fait pas plus attention que ça. Il a d'autres chats à fouetter.

    La citation, ne dit-elle pas : «On se rend compte de l'importance d'une personne dans notre vie, seulement lorsqu'on la perd » ? Et bordel, Lance réalise que c'est vrai. Il ne sait pas ce qu'il ressent pour Taylor. Il ne s'est jamais interrogé dessus. Ce n'est pas aujourd'hui, surtout pas aujourd'hui, qu'il va le faire. Leur union était un devoir que leurs chefs lui avaient confié et il comptait bien l'accomplir. Il est un Guerrier, il est entraîné à suivre les ordres de ses supérieurs. Il n'a pas songé une seule seconde à contester celui-là.

FlashBack:
Lundi 5 janvier 2009

    Malgré le frisson qui traverse son échine, Lance garde le dos et la tête relevés. À ses côtés, son meilleur ami s'agite, il connaît assez William pour savoir que ce dernier se contrôle pour ne pas exploser. Lance est le calme du duo, le plus posé, tandis que William est le sanguin, l'impulsif. Ils n'ont pas besoin d'être des Érudits pour comprendre les paroles des deux chefs. Ils savent additionner un plus un.

    Il admet que son coeur a un léger sursaut en entendant les mots de Naomi. Par contre, il est incapable de dire si c'est d'appréhension ou d'un sentiment contraire, comme de la joie. Ce qui serait absurde. Doit-il être content d'apprendre que l'ange de l'amour l'a lié avec quelqu'un ?

    Des dizaines d'informations et de questions se mélangent dans sa tête. Pourtant, une ressort parmi tout ce foutoir, est-il seulement attiré par les hommes ? En son for intérieur, il doit l'être pour avoir été lié à un autre garçon. Comment des gens, dont ses propres parents, peuvent-ils être au courant de quelque chose sur lui-même, qu'il ignore encore ?

    Il a besoin d'une minute pour reprendre ses esprits. Il n'ose pas regarder l'adolescent en face de lui. Son... son âme-soeur, s'il a correctement additionné un plus un. Seigneur ! Lance n'a que seize ans, il est certes un Guerrier, mais il a toute sa vie devant lui.

- Nous pensions que c'était important de vous rencontrer, affirme Donald.

    Un élan de rébellion assaille Lance. Ce n'était pas aux adultes de décider pour eux. Au vu de la contraction du bras de William, près du sien, il pense la même chose. Lance parvient à bouger son cou, un exploit tant il est crispé, pour dévisager son chef. Celui-ci a un grand sourire, pas déstabilisé pour un sou d'avoir balancé une bombe pareille. En fait, il semble sincèrement heureux.