Chapitre 22 - L'arbre né d'une légende - partie 2

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– Il paraît que cette herbe rivalise avec la soie, lui souffla Ries, la coupant dans son admiration. Certains ont bien essayé de la commercialiser, mais dès qu'un brin est arraché, il se détériore immédiatement, et un autre le remplace. Comme si une force mystérieuse souhaitait que cet endroit s'éternise ainsi. Suis-moi, le reste est tout aussi incroyable.

Elle se releva et reprit ce chemin. Ils arrivèrent au niveau du tronc, qui étonnamment était creux. Vide sur une hauteur d'une énorme maison de bien quatre ou cinq étages, une belle statue se tenait au centre. Une femme enveloppée d'un simple drap pointait du doigt le ciel. Dans un coin de l'œil gauche, Yona crut voir comme une sorte d'imperfection maladroite. Tout autour de la sculpture, des bancs en pierre avaient été disposés. Certains visiteurs s'y étaient assis, admirant paisiblement le lieu. D'autres, à genou non loin de la statue, priaient.

Là encore, Yona était sidérée. Tout se montrait si beau, harmonieux et apaisant. Et une fois de plus, Ries la sortit de ses pensées pour lui expliquer ce qu'elle regardait.

– Il s'agit de la Déesse Émosie. D'après la légende, à la création de ce monde, l'arbre n'existait pas. Un jour, lors d'un voyage, la Déesse s'est éprise d'un mortel. Réputée pour de nombreuses choses et notamment sa beauté, Émosie mit tout en place pour séduire l'élu de son cœur. Hélas, rien n'y fit, l'homme se détourna d'elle, la laissant seule. Submergée par le chagrin, elle pleura pendant sept jours et sept nuits sans interruption, nourrissant abondamment la terre. Peu de temps après, l'arbre se mit à pousser, et prit des proportions gigantesques très rapidement. La ville s'est développée autour de ce phénomène incroyable.

– C'est triste, dit Yona d'une voix faible.

– Et beau à la fois. Émosie est probablement la Déesse la plus généreuse et gentille. Après un chagrin d'amour, beaucoup de gens se seraient tournés vers le désespoir ou la colère. Mais elle a décidé de laisser un chef-d'œuvre naturel aux yeux de tous, pour qu'eux gardent le sourire quand ils passeront par des moments difficiles. Enfin, c'est comme ça que je l'interprète.

Yona fut étonnée qu'une telle philosophie puisse sortir de la bouche du marchand. Après environ un mois de voyage ensemble, elle ne le connaissait peut-être pas aussi bien qu'elle le pensait.

– Bon aller ! lança énergétiquement Ries. Ce n'est pas tout ça, mais plus on perd de temps ici, moins on pourra grimper à l'arbre. En route !

Ce rappel de l'objectif premier fit faire un tour au sang de Yona, qui se rapprocha de son partenaire d'un pas vif. Ils sortirent du tronc et le contournèrent jusqu'à atteindre un chemin élaboré de grandes et larges lattes de bois. La voie suivait la forme de l'arbre, s'élevant rapidement dans les airs. Sans hésiter, ils s'engagèrent dessus. La pente n'était pas très raide, afin de garder une montée agréable.

Ils effectuèrent un premier tour. Puis un deuxième, et un troisième... Et Yona arrêta vite de compter, tant l'ascension allait s'avérer longue. Du moins, elle doutait qu'ils atteindraient la cime de l'arbre, mais jusqu'où allaient-ils grimper comme ça ?

Les maisons réduisirent petit à petit, prenant la taille de petites répliques en bois qu'elle était enfant. Les plaines bossues qui entouraient la ville recouvrirent la quasi-intégralité du paysage, illuminé par le Soleil qui montait progressivement dans le ciel.

Cela devait déjà faire plusieurs heures qu'ils marchaient. La vue devenait de plus en plus une dimension époustouflante, mais en ce qui concernait l'arbre, il était impossible de dire où ils en étaient. Collés au tronc ainsi, aucun repère n'était envisageable. Alors ils avançaient, dans l'espoir d'apercevoir quelque chose de différent.

Yona sentait ses jambes de raidir de plus en plus, changeant du picotement lointain à la douleur. C'était encore largement supportable, mais elle redoutait que cette douleur ne se transforme en torture, voire pire, qu'elle ne puisse plus se mouvoir selon sa volonté. Elle s'attarda également quelques instants sur Ries, et fut étonnée de voir à quel point il se retrouvait en nage. Elle le savait peu sportif, mais à ce point ? Son visage se crispait par moment, comme s'il éprouvait lui aussi de la souffrance. Mais avant qu'elle puisse lui en parler, il prit la parole.

Voyage au centre du soleilWhere stories live. Discover now