Chapitre 19 - Quelque chose de bien plus grand

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- C'est quoi le souci ? interrogea Mada.

– Le gamin est mort.

Le patron d'auberge ne réagit pas tout de suite. Il resta silencieux quelques instants, referma correctement les pans de son manteau, et répondit enfin.

– Et ? Il a dû se faire choper par des canailles du coin qui veulent gagner un peu d'argent facile. Il a toujours eu une tête de victime.

– Possible, mais pas sûr, et je n'aime pas le doute. Cherche des informations là-dessus. Trouve les coupables. Si ce sont des canailles comme tu dis, ils doivent dépenser tout l'argent à l'heure qu'il est. Déniche-moi quelque chose de solide avant midi. Tu sais que je paierais bien. Je vais voir l'autre chauve.

Le marchand partit sans attendre de validation de la part de Mada. Sans revenir sur ses pas, il s'éloigna encore plus de l'auberge. Les faubourgs de la Basse Ville semblaient montrer l'humanité sous son pire visage. D'abord par l'aspect visuel, très dur à supporter par certains moments. Des gens vivaient à même le sol, avec pour seuls abris quelques misérables planches de bois. Malheureusement, Ries demeurait bien incapable de tous les aider. Il avait rapidement compris dans sa vie que ses actions étaient limitées, tant par ses capacités que par son devoir. Ici et maintenant, sa priorité était de retrouver les assassins de Jamer. Il espérait par cette action apaiser un tant soit peu Yona de son chagrin, même s'il doutait fort de sa théorie. Plus il y réfléchissait, plus il en venait à la conclusion qu'il essayait de se soulager lui-même. Si des coupes bourses totalement banals avaient mis un terme la vie du jeune livreur, Ries s'en sentirait assurément moins coupable. Mais dans sa tête, une petite voix ne se taisait pas, et s'amplifiait de minute en minute. Et si, par le plus grand de hasard, il y était lié ? C'était pour balayer tous ses doutes qu'il continuait d'arpenter les rues, malgré l'air froid qui lui brûlait les poumons et l'odeur abominable des quartiers qui lui donnait envie de vomir.

Il vit dans une ruelle sombre un groupe de démunis s'injecter une dose de Dop. Ils laissent s'échapper des cris de douleurs, puis ces derniers se firent remplacer par des bruits de plaisir. Dû à la drogue ou à ce qu'ils se faisaient entre eux ? Ries ne voulait même pas connaître la réponse. Mais si la substance leur produisait autant d'effets, qu'ils soient positifs ou négatifs, ils avaient probablement atteint le point de non-retour.

Devant lui, plus loin dans la rue, un homme en poignarda un autre et s'enfuit en courant, le son des rares pièces que le défunt portait sur lui s'affaissant avec la distance. Ce qui effraya le marchand, c'est que personne autour ne s'en étonna. Les meurtres étaient communs à Narvosing, et devenaient carrément anodins dans la Basse Ville. Qu'ils aient un but précis ou une simple rixe qui tourne mal, on tuait pour un rien ici. Alors pour survivre, soit on suivait les plus forts sans poser de question, quitte à se faire maltraiter, soit on arrivait à faire profil plus que bas d'une quelconque façon. Si vous n'êtes personne et pauvre, à quoi bon faire l'effort de vous ôter la vie ?

Pendant que cette triste réalité décidait du quotidien de milliers d'habitants, Ries continuait son chemin, les idées bien en place. Il parvint enfin au deuxième lieu qu'il avait en tête après le bordel où se trouvait Mada. Le temps passait bien trop vite à son goût, et le Soleil se montrait déjà entièrement. Du moins, il le supposa à la luminosité, les bâtiments ainsi que la Haute Ville lui cachant presque intégralement le ciel. Car c'était aussi ça la Basse Ville : le noir total la nuit, contre une pénombre le jour.

Il bifurqua dans une très étroite ruelle, devant légèrement se placer de profil pour avancer. Il gagna une petite cour carrée de six pieds de large. Rien en apparence, hormis une double porte au niveau du sol. Ries s'en approcha et s'agenouilla à côté. Il tapa du poing une première fois, attendit quelques secondes, cogna à deux répétitions, patienta le même temps, et s'exécuta à nouveau. Il recula, et les battants s'ouvrirent de l'intérieur. Une arbalète sortit en premier, suivie d'un homme au crâne rasé.

Voyage au centre du soleilWhere stories live. Discover now