Voyage au centre du soleil

Chapitre 16 - La raison de mettre sa vie en jeu

– Et toi ? Raconte-moi tout ! Comment s'est déroulé ton voyage ? Depuis quand es-tu ici ? Comment trouves-tu ville ?

Devant tant d'enthousiasme, une nouvelle vague de détermination monta en Jamer. Il se redressa sur son tabouret, comme un ménestrel qui s'apprête à donner une représentation.

– Pour atteindre Narvosing, j'ai fait au plus vite ! lança-t-il plein de motivation. Je ne savais pas quand vous y arriverez, et je me suis dit que je ne voulais pas vous faire attendre. Avec l'argent que Ries m'a prêté, j'ai acheté à Koud un cheval, un peu de vivres, et j'ai foncé à travers les plaines !

Jamer s'était mis à parler avec de grands gestes de mains, pour imager au mieux ses propos.

– Je chevauchais dès le Soleil pointait à peine ses premiers rayons, jusqu'à ce qu'il se cache entièrement. Je dormais souvent à la belle étoile, quand je ne parvenais pas à atteindre une auberge à temps. J'ai aussi régulièrement fini dans une écurie ou une grange, quelques grains de paille en guise de matelas. Mais c'était très amusant ! On vit vraiment une aventure comme ton père nous les racontait !

Cette remarque fit chaud au cœur à Yona. Certes, la perte de Mend était encore récente, plus ou moins, mais elle souhaitait toujours en parler. Il l'avait élevé, lui avait inculqué toutes les valeurs qu'elle brandissait haut et fort aujourd'hui. C'était un homme bien, un homme juste, et elle voulait plus que tout qu'il vive aussi longtemps que possible, à travers sa mémoire ou celles des autres.

– Une fois à Newels, j'ai vendu mon cheval pour une somme ridicule comparée à celle d'achat, pour me permettre de monter à bord d'un navire jusqu'à Narvosing. Ries m'avait donné l'adresse d'une connaissance à lui, Mada, le patron de cette auberge. Quand je lui ai dit que je venais de la part de ton employeur, il m'a regardé de haut en bas très attentivement, puis avec un agacement qu'il ne cachait pas, m'a donné une minuscule chambre dans les combles du bâtiment. Et n'ayant plus assez d'argent pour la payer, Mada m'a assigné du travail en tant que livreur. Je transmets pour lui des lettres ou des colis en ville. Je gagne un salaire de misère en réalité, me permettant à peine de rester ici et de manger à ma faim. Et malgré tout ça, je trouve ma vie absolument géniale ! J'ai l'occasion de voyager, de découvrir deux capitales en moins d'un mois, c'est extraordinaire !

– Tu ne regrettes pas de m'avoir accompagné ? Verlore ne te manque pas trop ?

– Bien sûr que notre village me manque. Ma famille et mes sœurs aussi. Mais un jour, j'y retournerai, et je leur raconterai des histoires ! Et à leurs enfants ! J'en aurai un stock impossible à épuiser !

» Ici, la ville est construite de manière tellement différente de ce que j'ai vu jusque-là. D'après ce que j'ai appris, la zone ne formait que de vastes marécages avant l'arrivée des Fondateurs. C'est un groupe de personnes qui aurait eu en leur possession un grand savoir, et qui aurait permis de changer la terre en sol fertile. Tu imagines ? On voit au loin que les bourbiers se montrent toujours présents, mais tout autour de la ville, ce sont des plantations Yona ! Et encore, ce n'est que le début.

La jeune garde du corps était suspendue aux lèvres de son ami, buvant ses paroles dans un silence respectueux.

– Il n'y a pas véritablement de murailles. Aux quatre coins de la ville, de grands escaliers permettent d'atteindre la Haute Cité. Ils mesurent des centaines de marches. Pour les avoir empruntés quelques fois, je peux t'assurer que c'est épuisant. Mais j'ai des cuisses en acier maintenant !

Pour amuser un peu son auditrice, Jamer se leva et contracta le quadriceps. Le changement se fit à peine voir, mais il agit comme s'il était un véritable guerrier. Il enchaîna les poses qui auraient pu se montrer glorieuses sur un combattant, mais qui se révélaient pittoresques dans son cas. Pourtant, Yona rigolait à cœur joie, mettant une main devant sa bouche.