- Le Labyrinthe - Fanfiction -

Chapitre 24 - Le bleu

 Les garçons hissèrent le nouvel arrivant à l'aide d'une corde faite de lierre. Les coffreurs le prirent par les aisselles et par les chevilles et le portèrent jusqu'à une chambre de la ferme, talonnés par Clint et Jeff. Rhys restait en retrait, pas encore prête à examiner le patient après la trouille qu'il lui avait foutu. Elle gardait encore la trace de ses ongles sur son bras.

– Et bah, siffla la voix arrogante de Newt. Tu ne sais vraiment pas te faire oublier toi.

 Elle ne lui fit pas le plaisir de lui répondre.

– Tu le connais ?

– Bien sûr que non.

 Elle doutait que les garçons aient entendu le nouveau murmurer Etyca. Ils savaient juste qu'il lui avait adressé la parole avant de s'évanouir. Et elle ne comptait pas leur révéler le mot qu'il lui avait soufflé.

– Lui il te connait en tout cas.

– Quelle veine.

 Rhys finit par retourner à l'infirmerie pour donner un coup de main à ses compagnons, mais aussi et surtout pour s'éloigner de Newt.

 Elle trouva les medjacks à l'étage, dans la chambre où elle avait elle-même était placée. Alby supervisait l'examen du patient depuis une extrémité de la pièce. Les bras croisés sur son torse combiné à son regard sévère lui donnait l'allure d'un vrai chef. La jeune fille passa discrètement la tête dans l'encadrement de la porte, son corps restant dans le couloir.

– Besoin de quelque chose ? fit-elle d'une petite voix.

 D'habitude, elle ne craignait pas le grand à la peau mate. Elle adorait même défier son autorité. Mais en ces circonstances, elle avait l'intuition qu'elle devait se faire petite en sa présence.

 Il ne manqua pas de la remarquer.

– Rhys, tu manques à ton poste, lui signala-t-il de sa voix de stentor.

 Ses yeux brillants de désapprobation se posèrent sur la fille. Elle lui renvoya un sourire maladroit et nerveux.

– Ouais, euh, j'étais au toilette, mentit-elle.

 Alby alla droit au but.

– Tu connais ce gars ?

– Non.

– Pourtant il a l'air de te connaitre.

– Tu communiques par télépathie avec Newt ou ça se passe comment ? Il m'a dit la même chose. C'est agaçant de t'entendre le répéter comme un perroquet.

 Dans un coin de la salle, Jeff lui lança un regard d'avertissement, que Rhys ignora délibérément. Elle ne changerait jamais.

– Tu pourrais très bien me mentir.

– Oui, je pourrai. Et tu ferais quoi, hein ? Tu m'enfermerai au gnouf ? Tu crois que ça va t'apporter les réponses que tu cherches ? Nan, mieux ; tu me torturais ?

– Rhys ! la réprimanda Jeff d'une voix outrée.

– Laisse, Jeff, fit Alby.

 Le chef sortit de la chambre, entrainant la blocarde avec lui en l'attrapant par le bras. Ils s'arrêtèrent dans le couloir.

 Plaquée contre un mur, Alby approcha son visage du sien pour qu'elle soit la seule à entendre ses avertissement.

– Tu devrais redescendre de tes grands chevaux et te faire discrète pour un moment, tocarde. N'oublie pas que je t'ai vu durant ma Transformation, et t'as de la chance que je ne puisse pas en parler, parce que je t'assure que t'avais pas le bon rôle.

 Rhys déglutit. La façon dont il plantait ses iris dans les siennes la déstabilisa. Si ses yeux avaient été des poignards, il l'aurait éviscéré.

 Comme elle gardait le silence, Alby recula, lui lançant un dernier regard si incendiaire qu'elle crut prendre feu, puis disparut dans les escaliers.

 De nouveau seule dans le couloir, la blocarde souffla.

 Elle retourna auprès de Clint et Jeff.

– Il a quoi ?

– On pense qu'il est dans le coma. Une autre bouche qu'on va devoir nourrir à la soupe et à la petite cuillère.

– Je peux m'en occuper si vous voulez, proposa-t-elle.

 Elle s'était postée au bout du lit. Les garçons la rejoignirent, et les trois medjacks observèrent leur patient.

– Y'en a qui on était gâtés par Mère Nature, souligna Jeff en admiration devant la beauté du nouveau.

 Rhys aussi profitait du spectacle. À présent qu'elle savait qu'il n'était pas mort, c'était moins sordide de s'ébahir devant cette somptueuse sculpture.

 Clint fronça un sourcil. Il regarda tour à tour le garçon et la jeune fille, et une vérité le frappa.

– Tu ne trouves pas qu'il te ressemble, Rhys ?

 Elle lui renvoya un air étonné, mais réfléchit à sa remarque.

 Avec ses cheveux coupés, elle ressemblait légèrement au nouveau. Même chevelure épaisse et décoiffé. Même forme du visage. Seul leurs iris étaient différentes. Elle les avait vert, il les avait bleu.

 Elle était une version féminine de lui.

– Peut-être. Mais j'ai plus de charme, plaisanta la jeune fille.

 Elle refoula l'idée derrière l'humour. Elle s'interdit d'y pensée à l'avenir.

 Rhys venait de finir de nourrir son patient à la petite cuillère. Ce fut long et méticuleux, mais au moins, il ne mourrait pas de faim dans les prochaines heures.

 Elle posa le bol au sol et contempla le visage endormi. Ses doigts virent se poser instinctivement sur la chair à nu du garçon. Elle effleura sa peau, remontant son bras dans un va et vient régulier.

 Plus elle y songeait, plus ce visage au premier abord inconnu lui parut familier. Elle le connaissait, avant. Au même titre qu'elle connaissait Thomas. Mais quelle relation se cachait derrière ce souvenir absent ? Elle avait hâte qu'il se réveil pour lui demander ce qu'il savait sur elle. Ou sur Etyca.

 Rhys finit par remarquer la main fermée du jeune homme. Intriguée par la manière dont il serrait son poing, elle déplia facilement les doigts calleux et trouva dans sa paume un bout de papier blanc roulé en boule.

 Elle le défroissa et lut son message.

– Oh plonk...

 Elle devait trouvé Newt et Alby au plus vite.

 La blocarde était sur le point de se lever et de partir précipitamment quand une poigne de fer la retint. Elle poussa un hoquet de surprise.

– Qui es-tu ? Où suis-je ?! trembla une voix rauque et paniqué.

 Deux yeux cyans se posèrent sur elle et l'éblouirent tel une biche en plein phare.

 Rhys faillit lui crier de la lâcher, mais elle se retint à temps. Elle se souvenait qu'elle aussi, elle était passé par là, alors elle se montra indulgente.

 Un sourire remplaça son air livide.

– Salut le bleu. Bienvenue au bloc.