Passion des Océans

Un nouvel Aurore

     Le brouillard durait depuis déjà bien longtemps, tellement longtemps qu'il en était impossible de déduire s'il s'était agit de minutes, d'heures, de jours, de mois ou bien d'années. Peut-être même bien plus que ça, le temps n'avait plus le moindre effet ici. Ce flou infernal ne semblait juste pas avoir de fin. Flotter à l'intérieur donnait l'impression de ne pas avoir de corps, de ne pas exister bien que l'on reste présent pour subir son tourment infini. Peut-être étais-ce ça, l'Enfer. Un endroit où ni le temps ni l'espace n'avaient d'impact et où notre corps n'a plus la moindre forme d'existence. Alors que faire d'autre à pars fermer les yeux et d'accepter son sort? Celui d'une éternité d'errance. 
     Soudainement, venu de nulle pars et se réveillant hasardeusement dans ce qui fût autrefois un corps, une douleur lancinante qui brûlait comme le feu proche des vestiges d'un cœur luttant dans ses derniers battements, se rependant comme des coulées de lave au travers de ses membres et des veines qui se réveillaient un à un comme par miracle dans cet amas de chair qui se redéfinissait de plus en plus. Il y avait de nouveau l'espace qu'il ressentait agir sur lui, mais aussi le temps qui avait tout d'un coup recommencé à laisser couler ses grains dans l'immense sablier de la vie. Et alors qu'il ne pensait être privé à jamais de cette chose si simple, Eddie ouvrit les yeux.

     Ses paupières papillonnèrent un moment avant d'enfin réussir à stabiliser le dédoublement de sa vision, la lumière violente dans la pièce laissant encore un peu floue sa perception. Son ouïe captait un long sifflement constant et intense qui provenait probablement de l'intérieur même de son crane, comme si un canon venait d'exploser près de ses oreilles. Quand à son corps.. Son corps ! Malgré l'horrible brasier qui lui perforait le centre du torse, le pirate se sentit soulagé d'à nouveau pouvoir le ressentir.
     Lorsque ses rétines parvinrent enfin à percevoir son environnement, il se mit à détailler ce qui l'entourait pour définir où il se trouvait et surtout comment il avait eu la chance de pouvoir s'y réveiller. D'abord, il remarqua un plafond. Un plafond simple fait de poutres et de lattes de bois. De nombreuses choses pendaient au dessus de lui accrochées à celles-ci : des fioles contenant des plantes, des plumes, des attrape-rêves... Il ne lui fallut pas plus longtemps pour sentir son visage se tendre sous un sourire, comprenant juste ainsi l'endroit qui l'avait accueilli. Il se trouvait dans le lit de Mathilda.

     - Oh nom d'un p'tit bonhomme il est réveillé ! Mathilda ! Mathilda !

     Avant qu'il n'ait eu le temps de voir qui venait de hurler à son chevet, Eddie vît une silhouette disparaitre par la porte à toute allure. Probablement pour aller chercher Mathilda. C'est donc quelques instants après que la femme pénétra dans la chambre, elle aussi précipitée dans sa démarche et les mains crispées sur les pans de sa jupe pour être plus à l'aise dans sa course. Elle portait un visage inquiet que le jeune homme lui avait peu vu durant leurs années passées ensemble, ce qui lui fît comprendre que ce qu'il avait subit devait être sacrément grave.
     La soigneuse s'assit au rebord du lit don le matelas courba légèrement sous son poids, venant entourer d'une main le visage de son cher protégé pour l'observer un moment. Elle examina ses yeux, puis se redressa un peu sur elle-même sans abandonner son air préoccupée. Elle demanda avec un ton presque grave.

     - Comment tu te sens?
     - Je ne sais pas trop.. J'ai très mal dans la poitrine et j'ai l'impression que mon bras gauche est ensevelis sous un tas de gravier..
     - Tu sens ton épaule? La lame a pénétré au niveau de l'accroche des nerfs juste sous la clavicule, proche du cœur.
     - Ce qui veut dire?
     - Que si tu ne sens plus ton épaule, c'est que tu dois avoir perdu ton bras. Alors, tu le sens ou pas?

     Le Capitaine ouvrit de grands yeux à cette déclaration plus que directe et surtout effrayante, tout d'un coup terrifié à l'idée de devenir manchot. Alors c'est sans attendre qu'il se mit à faire des ronds avec son épaule, un coup de foudre parcourant son corps de haut en bas et lui faisant serrer les dents.