Cheval de Troyes

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     Le jeune homme cessa de tourner en rond dans sa chambre lorsqu'il se rendit compte qu'il avait perdu la notion du temps à force de se tourmenter. Il reposa donc ses jambes en s'asseyant sur la première chaise qui passa à sa portée, celle de la coiffeuse blanche qui ornait l'un des murs de sa chambre. Il soupira en appuyant ses coudes contre le meuble, venant prendre sa tête entre ses mais et secouer ses cheveux. Et lorsqu'il releva les yeux vers son propre reflet, il tomba face à une mine désemparée et confuse. Jason ne reconnus pas son propre regard.
     Qu'est-ce qu'il avait bien pu se passer aujourd'hui? A peine quelques heures plus tôt, le Marquis avait croisé un fantôme qu'il croyait depuis longtemps appartenir au passé, et de nombreuses questions lui avaient traversé l'esprit depuis. Carver ne savait plus quoi faire de toutes ces pensées qui se bousculaient dans sa tête, se demandant si il serait bien d'en parler à son beau père le Duc Cunningham pour peut-être obtenir quelques éclaircies sur tout ça. Après tout, l'homme était celui qui avait découvert le Manoir en feu ainsi que la dépouille du jeune Munson par la suite. Mais après l'avoir soi-disant rencontré ai pied de ce peloton, il avait totalement remit sa perspective de la réalité en question. Jason espérait obtenir quelques explications sur ce qui avait vraiment pu se passer ce jour là, car à présent il doutait de toute parole.
     En baladant ses mains tout au long des boîtes gravées et peintes que sa femme avait laissé derrière elle pour suivre ce pirate qu'elle aimait tant, l'une d'entre elles attira plus son attention que les autres. Il la saisit entre ses doigts et la posa à plat sur sa paume, ouvrant le dessus avec la clé qu'il gardait sur lui en permanence. Il l'ouvrit pour pouvoir en soulever le couvercle, découvrant sans surprise que le médaillon qu'il avait lui-même glissé à l'intérieur avait disparu. Le pendentif des Munson lui avait été arraché, probablement par Chrissy lorsqu'il avait eu le dos tourné. Probablement pour le rendre à son réel propriétaire, n'est-ce pas? Il ne s'en sentait étrangement pas particulièrement fâché.
     Le jeune homme reposa la boîte pour aller guetter à sa fenêtre le retour de la calèche appartenant à Cunningham qui avait dû s'absenter toute une semaine pour affaires et qui en rentrant entendrait sûrement parler du fiasco du bal de la veille ainsi que celui de la pendaison de ce matin. Et d'ailleurs il la vît arriver dans l'allée frappée par la pluie torrentielle, plusieurs subalternes postés en haie d'honneur pour l'accueillir là en bas. En temps normal Carver s'y serait joint volontiers et en compagnie de sa femme, mais aujourd'hui il n'en fît rien. Il avait honte de la situation et préférait pour l'heure rester caché derrière les rideaux.
     C'est après un petit moment que le Marquis se décida enfin à quitter sa chambre, traversant nerveusement les couloirs du Manoir pour se rendre au bureau de son beau-père qui défaisait encore sûrement ses valises de papiers importants et autres affaires. Jason toqua, il entendit une invitation à entrer, ce qu'il fît. Le jeune homme passa la porte, saluant Cunningham d'un hochement de tête respectueux.

     - J'espère que vous avez fais bon voyage Phillip.
     - Mon voyage s'est très bien passé, mais j'ai plutôt été remué par les nouvelles qui n'ont pas tardé à venir à mes oreilles vois-tu Jason.
     - Je vois. Vous savez donc déjà eu vent de ces derniers fiascos.
     - TES derniers fiascos. Tu as encore laissé filer ce pirate, et ma fille avec par la même occasion. C'est la seconde fois qu'il te roule et qu'il s'en sort. Tu devrais avoir honte de toi. Moi en tout cas, pour l'heure j'ai honte que tu sois mon gendre. Non mais regarde un peu l'état de ton visage, tu oses apparaître ainsi devant moi?
     - C'était une erreur impardonnable et je m'en excuse. Cependant Phillip, si vous me l'accordez, j'ai tout de même une question à vous poser à propos de tout ceci.
     - Fais vite, j'ai à faire.
     - N'est-ce pas vous qui avez retrouvé le corps de Edward Munson le jour de l'incendie? Vous l'avez fait déclarer mort et c'est la raison pour laquelle j'ai été sommé d'épouser Christine à sa place. Hors, ce "pirate" comme vous dites, s'est présenté de ce nom. Votre fille m'a également certifié qu'il s'agissait bien de lui. Vous auriez peut-être une explication à me donner?

Passion des OcéansOù les histoires vivent. Découvrez maintenant