Presque courtois

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     - Vous êtes aussi belle que la dernière fois que je vous ai vu Mademoiselle Cunningham, si ce n'est plus. Je vous trouve particulièrement radieuse aujourd'hui.
     - Surveillez vos mots Monsieur, nous sommes encore susceptibles d'être entendus par ici.
     - Pardonnez-moi mon langage déplacé. Je ferai attention à l'avenir. 
     - Ne vous atterrez pas pour autant je vous en prie. Vos intentions sont belles. Mais la Coure ne permet pas ces ce genre de courtoisies. 
     - Pourtant notre avenir est commun, c'est insensé d'ainsi restreindre nos conversations. J'espère bientôt pouvoir vos couvrir de louanges sans que les regards fugaces ne nous maudissent pour de telles futilités. Vous méritez le ciel, si ce n'est plus encore.
     - Arrêtez, vous allez me gêner.
     - Je suis désolé.

     Marchant côte à côte dans le jardin, les futurs fiancés avançaient ensemble le regard au vent, tenant une certaine distance entre leurs personnes pour ne pas paraître déplacés à ceux qui avaient le malheur de croiser leur chemin. Il s'était écoulé un an depuis leur dernière rencontre, et chacun d'entre eux avait secrètement jubilé d'impatience à l'attente de ce jour où ils pourraient enfin se délecter de la présence de l'autre. Une année était à la fois trop longue et trop courte à leurs yeux, les plongeant dans une attente interminable lorsqu'il s'agissait d'à nouveau s'échanger quelques mots ainsi que quelques regards, mais ne les rapprochant pour autant pas assez du jour où ils pourraient enfin s'unir sous les yeux de Dieu. Cette alliance désignée trop tôt dans leur vie les hantait chaque jour pour de nombreux motifs, tous pénibles à leur façon. L'âge adulte était loin et leur calvaire ne faisait que commencer, ils le savaient bien. Ils se montreraient patients cependant, car le couple était conscient que c'était ce que l'on attendait d'eux dans leur famille respective.
     La Comtesse s'arrêta sous un kiosque au milieu du parc, saisissant les pans de sa lourde robe pour pouvoir s'asseoir confortablement sur l'un des bancs fleuris de la structure. Son corset déjà très serré pour son âge jeune étouffait sa poitrine et elle ressentait maintenant le besoin de se reposer, manquant d'air. Elle ouvrit son éventail peint à la main de dorures imitant des feuilles d'acanthes pour s'en ventiler, faisant voleter ses quelques mèches bouclées qui se dégagèrent de sa gorge claire. Quand au jeune homme qui l'accompagnait, il s'épaula sur l'un des piliers auprès d'elle, ne s'autorisant pas à s'asseoir à ses côtés. Il enfonça ses mains dans ses poches, la contemplant naïvement alors qu'elle tentait de soulager sa peine. Il sourit, faisant arquer un sourcil à Chrissy qui se stoppa dans son geste.

     - Que faites-vous Monsieur?
     - Je vous contemple. N'en ais-je pas le droit? Vous êtes un véritable tableau à vous toute seule Mademoiselle Cunningham.
     - Il ne vous a pas fallut longtemps pour rompre vos engagements je vois.
     - Cela vous déplaît-il?
     - Bien sûr que non.. Mais je voudrais être sûre que nous ne nous attirions pas d'ennuis.
     - Il n'y a personne alentours Mademoiselle, nous ne serons pas entendus je vous l'assure.
     - Sait-on jamais. Vous êtes un gredin.
     - Qui donc a un langage déplacé maintenant?

     Christine ne put s'empêcher de rire à cette remarque, couvrant sa bouche de son éventail pour dissimuler cette expression qu'elle ne s'autorisait jamais à laisser transparaître publiquement. Le garçon s'en sentit déçu, quittant sa place et venant s'agenouiller tel un prince devant elle pour se saisir de sa main, l'abaissant pour dévoiler les coins relevés de sa bouche qui dessinait un sourire radieux, contaminant les lèvres du jeune homme.

     - Oh non par pitié de cachez pas votre visage. Je veux apprécier votre rire comme il se doit.
     - Vos manières sont tellement inconvenables pour un Marquis.. Ne savez-donc vous pas vous tenir..?
     - Je dois admettre peiner à garder mon sérieux lorsqu'il s'agît de vous Madame. Vous entrez dans ma tête pour me faire perdre mes moyens, je vous l'assure.
     - Est-ce bien vrai ce que vous dites?
     - Je n'oserais vous mentir Mademoiselle Cunningham.. Au monde entier peut-être, mais pas à vous.
     - Mon Dieu mais quelle passion vous anime pour ainsi vous exprimer à moi?
     - J'espère la même que la votre, Madame?
     - Je l'espère également Monsieur..

Passion des OcéansWhere stories live. Discover now