Chapitre 16

Depuis le début
                                    

Je m'autorise quelques secondes de répit dans une clairière, j'observe les traces de pas des animaux dans le sol. Je me rapproche pour mieux les distinguer et je reconnais des empreintes d'élan.

Étrangement, cela me met du baume au cœur de me dire qu'une telle bête est passée ici quelques dizaines de minutes plus tôt – vu la profondeur de l'empreinte et sa précision.

J'ai envie de suivre les traces. C'est bien plus raisonnable que de retourner au lac. Je me décide à le faire dans l'espoir d'apercevoir la bête à qui elles appartiennent.

Je marche plusieurs heures sans même m'en rendre compte. En fait, c'est la faim et mon travail qui me poussent à rebrousser chemin.

Je fixe le village qui se dessine plus bas.

Elizabeth est là-bas. Je ne veux pas la voir.

Ou peut-être que si ?

J'avance au pas de course pour redescendre la montagne. Je suis partagé entre le souhait de tomber nez à nez avec elle pour lui poser ces mille questions qui me hantent et l'envie de la revoir de près. La colère que j'éprouve à son égard n'a pourtant pas diminué.

Je termine la descente jusqu'au village et le traverse pour rentrer au chalet. Je me crispe en entendant une voix familière...

Et merde !

Je tente de faire demi-tour, mais mes jambes trahissent ma tête et s'avancent vers la femme à qui appartient cette voix.

Que suis-je en train de faire ?

Non, arrête, stop !

J'ai envie de la voir...

Elle me dévisage, bouche bée, tenant son téléphone à quelques centimètres de son oreille. La seconde main pendante dans le vide. Nos regards s'accrochent et tout ce qu'il y autour disparaît un instant. Je fouille ses pupilles et elle m'observe sans refermer sa bouche. La seconde d'après, elle bredouille quelque chose en français à son interlocuteur avant de raccrocher et notre monde s'écroule.

— Que-qu'est-ce que tu fais ici ? C'est un magasin d'accessoires de patins, pour... les... les... touristes, bégaye-t-elle dans un anglais approximatif.

— Hein, comment ça, boutique de patins ? m'emporté-je en tiquant sur ce dernier mot.

— Bah, une boutique de patins à glace. C'est toi qui m'avais appris à en faire, t'as pas l'air de t'en souvenir. (Elle s'arrête un instant et me détaille du regard. Elle secoue la tête comme pour effacer le moment présent et enterre encore un peu plus le précédent.) Peu importe.

Elle me tourne le dos pour nouer les patins autour de son pied et je mets plusieurs secondes avant de me rendre compte de ce qu'elle s'apprête à faire.

Non. Non ! NON. Hors de question, elle ne peut pas aller patiner ! Surtout pas sur ce foutu lac. Il en est hors de question !

Et s'il lui arrivait quelque chose ?

Non, je ne peux pas imaginer ça...

— Qu'est-ce que tu fais ? l'interpellé-je. Tu ne peux pas faire ça ! Non, ne va PAS patiner, PAS sur le lac !

— Purée, mais c'est quoi ton problème ?

— Toi ! je dis sans réfléchir.

Parce que c'est vrai. Elle est la cause de tous mes problèmes, mais peut-être aussi la solution d'un bon nombre d'entre eux...

— Bah lâche-moi les baskets alors ! Tu m'as quittée, alors maintenant barre-toi, je n'ai rien à faire avec mon ex. Et j'ai le droit de patiner sur ce foutu lac si l'envie me prend.

Nos âmes enneigéesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant