36. Héliotrope

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« Elle trouva refuge dans un jardin héliotrope et y découvrit la vérité

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« Elle trouva refuge dans un jardin héliotrope et y découvrit la vérité... »

– « Un cœur en fleur », Allie Rivoire

– « Un cœur en fleur », Allie Rivoire

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Comment... comment expliquer ce qu'étaient Hébène et Mathilde, ou, comme je le craignais, ce que je tendais à devenir ? 

Comment réapparaître aux yeux de mes proches ? 

Comment sauver Hans ? 

Ces trois questions, aussi irréelles soient-elles, devaient trouver réponse ici et maintenant. 

Il le fallait.

Autrement, tout ce que mon petit ami et moi avions construit partirait en fumée. Notre amour, nos querelles, nos souvenirs... notre vie.

Si Hébène avait refusé de m'aider à comprendre ce qui se jouait entre nous, alors il était nécessaire que je résolve ce puzzle en solitaire, quand bien même étais-je rongée par la honte et la culpabilité.

Les romans que je dévorais depuis l'enfance m'avaient toujours appris que se battre pour ceux qu'on aimait impliquait toutes sortes de sacrifices, des vols licencieux aux trahisons les plus douloureuses. 

Pour lui, et pour moi. 

Je pris une grande inspiration, m'efforçant tant bien que mal de contrôler les tremblements qui secouaient mon corps épuisé. Le soleil inondait le centre de Grenoble, mais je m'étais réfugiée à l'ombre d'un sycomore, près de la roseraie du Jardin de la ville. Je ne sais pas si ce furent les fleurs, ou ses ressemblances avec le château de Mussy qui m'apaisèrent, mais j'ouvris le manuscrit de l'abbé de Villars le cœur un peu plus léger, prête à découvrir les secrets qu'Hébène n'avait pas su me révéler. 

Le texte était bref, et composé d'un unique tome sur les quatre annoncés au début. Je fronçai les sourcils. La suite avait-elle été publiée, ou l'auteur s'était-il brusquement arrêté de l'écrire ? Comme toujours, je ne pouvais pas m'empêcher de présager le pire. 

À raison, cette fois encore. 

Les prédictions d'Hébène apparaissaient quelques pages seulement après le début du récit :

« Une sylphide devient immortelle et capable de la béatitude à laquelle nous aspirons, quand elle est assez heureuse pour se marier à un sage ; et un sylphe cesse d'être mortel du moment qu'il épouse une de nos filles ». 

Si Hans s'unissait à Mathilde, il était perdu. 

Mais, ce qui m'interpella le plus, ce furent les termes associés à ce constat : une sylphide, un sylphe. 

Ils abondaient dans l'ensemble de l'ouvrage. Le narrateur les décrivait tantôt sur le mode de l'admiration la plus totale, tantôt sur celui de l'horreur la plus cruelle. 

Une sylphide, un sylphe. 

Était-ce ce qu'étaient Mathilde et Hébène ? 

Je refermai le livre et composai à nouveau le numéro de ma sœur, affolée. Elle avait peut-être laissé son téléphone en silencieux, tout à l'heure, ou n'avait pas pu décrocher pour une raison que j'ignorais...

Bip. Bip. Bip.

Un soupir de frustration m'échappa. J'avais terriblement besoin d'entendre sa voix. De donner du sens à ce que je vivais, subissais depuis des jours. 

Bip. Bip. Bip.

Ce ne fut que lorsque mes yeux s'embuèrent de nouveau que je me résignai. J'étais seule, aujourd'hui plus que jamais. Je pouvais m'apitoyer sur mon sort autant que je le désirais, mais les pleurs ne m'aideraient pas à me sauver. 

Je repris ma lecture avec encore plus d'appréhension, craignant d'y découvrir d'autres révélations que je me savais n'être pas prête à affronter. Un nouveau passage me glaça d'effroi : 

« Ah ! Nos sages n'ont garde d'imputer à l'amour des femmes la chute des premiers anges ; non plus que de soumettre assez les hommes à la puissance du démon, pour lui attribuer toutes les aventures des sylphes, dont tous les historiens sont remplis. Il n'y eut jamais rien de criminel en tout cela. C'était des sylphes qui cherchaient à devenir immortels. »

Traduction : les sylphes sont prêts à tout pour devenir immortels. À tout. 

Le manuscrit me tomba des mains, mais je m'en réemparai aussitôt, chaque ligne supplémentaire confirmant l'une de mes funestes intuitions. Le narrateur comparait les sylphes à des fantômes, les présentait comme des élémentaires de l'air, et insistait sur leur beauté hors du commun. 

Bien que chacun de ces points corresponde à Mathilde, c'est le visage d'Hébène qui se manifestait encore et toujours dans mon esprit. 

Oui, c'était sûr : Hébène était un sylphe. 

Une terreur pure m'envahit. Mathilde avait peut-être charmé Hans, en mon absence, mais je pris subitement conscience qu'elle n'était pas la créature qui avait représenté le plus grand danger, pour mon petit ami comme pour moi. 

Car tout avait commencé avec Hébène. Et, depuis l'instant où j'avais posé les yeux sur lui, il n'avait rien cherché d'autre qu'à me séduire. 

Même si je ne le connaissais pas. 

Même si j'étais en couple. 

Même si je ne l'aimais pas. 

Hébène de Mussy était peut-être un sylphe, mais il était surtout un prédateur...

Et, pour mon plus grand malheur, il avait fait de moi sa proie. 

Que pensez-vous de ces révélations glaçantes ? 🥶

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Que pensez-vous de ces révélations glaçantes ? 🥶

Vous aussi, vous êtes parvenus aux mêmes conclusions que Roxanne ? 

– Totalement !

– Pas vraiment... 

Que feriez-vous, à sa place, là, tout de suite, maintenant ? 🥹

Les extraits cités dans ce chapitre proviennent tous du Comte de Gabalis ou Entretiens sur les sciences secrètes (1788), de l'abbé de Villars, accessible gratuitement et légalement sur Gallica (le site de la BNF). 

SYLPHIDEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant