Memento mori.

25 octobre 2012.

Louise a choppé la crève. Je crois qu'il y'a une épidémie, en ce moment. Tout le monde tombe les uns après les autres : Cacilie, Charles, Louise... je devrais peut-être rester un peu plus avec eux, je pourrais peut-être rester clouée au lit et éviter de moisir dans ce lycée qui me donne la nausée.

Alors j'ai passé la journée avec Domitille. J'avais un peu pitié de sa mine hagarde, comme si sans Louise, elle était perdue. Au début, elle était plutôt timide, bien que reconnaissante. Elle a commencé à me poser des questions un peu ridicules, comme si je lui faisais peur. "Il va bien Charles ? Ah merde, il a la crève..." "Tu sais ce qu'elle a Cacilie ? Oh, la crève aussi ?" puis elle fixait le bout de ses pieds.

Puis, finalement, je lui ai demandé si elle avait vu Amélie Poulain. Nous avons vu le film dans le week-end. Maman a adoré (elle a un peu pleuré et elle a demandé à tout le monde si une frange lui irait bien), Charles s'est mis en tête de prendre un gnome pour le mettre dans le jardin, Papa a trouvé la couleur verte omniprésente dégueue et Louise l'a trouvé d'un nunuche sans nom. Faut dire qu'elle peut paraître franchement niaise et un peu écoeurante de gentillesse. Je pense que Louise ne l'a pas compris, en fait : elle a un peu du mal à comprendre comment on peut vouloir sauver tout le monde.

Note à moi-même : informer Louise sur le syndrôme du super-héros.

Moi, j'ai trouvé le film très beau, très doux, avec une héroïne un peu niaise mais on l'aime pour ça aussi. Et puis, il y'a cette phrase que j'ai retenu "Vous n'avez pas les os en verre, vous pouvez vous cogner à la vie."

"J'ai adoré Amélie Poulain ! a affirmé Domitille fièrement. C'est un de mes films préférés. J'aimerais bien être comme elle."

Ca ne m'étonnait que très peu, au fond. Et puis, je la voyais bien avec un mec aussi perché que le mec du film. Et puis, au final, elle était là à s'emmouracher d'un mec bidon qui draguait sa meilleure amie en secret.

"Bah, tu peux l'être ? ai-je dit, un peu surprise. Qu'est-ce qui t'empêche de commencer à collectionner les trucs qui te font plaisir et d'arranger des trucs entre les gens?"

Domitille a esquissé un petit sourire triste. J'ai aperçu une espèce de profondeur, comme si pour la première fois je voyais plus loin que sa niaiserie envahissante. Je me suis sentie coupable de l'avoir sous-estimée.

"T'as raison, je vais commencer à faire ça."

Pour le déjeuner, elle a proposé des sandwichs de la boulangerie. Ca nous a fait du bien de déjeuner hors du brouhaha ambulant de la cantine, je pense. Nous avons déambulé dans la ville et je dégustais mon thon mayonnaise.

Je pense que Domitille s'est crue dans un film parce qu'elle a commencé à fredonner un air qui m'était inconnu. Mais je la comprenais. Il y'avait quelque chose de presque magique dans l'air. L'automne qui commençait, les feuilles oranges, le bruit des vagues et le bruit de nos pas sur le sol.

Je ne serais sûrement jamais une grande amie de Domitille, mais je crois que je la trouve un peu plus intéressante.

domitille (nunuche)