L'ÉPOPÉE - LUNATHIEL (BL/TERMINÉE)

Chapitre 15 - Et l'épée s'abattit

Lunathiel

Quelques minutes plus tôt.

Quitter Rob avait été compliqué, mais j'avais été galvanisé par le fait de partir avec lui. Plus tôt mes affaires auraient été faites et plus tôt je pourrais le rejoindre à notre point de rendez-vous : chez le vieux Octer. Mon cœur battait à tout rompre lorsque j'arrivais devant ma demeure. Les grands jardins de Veillune étaient assombris par le ciel nuageux. Une pluie diluvienne arrivait, encore. Les fleurs blanches dansaient au rythme du vent et je sus que ce serait la dernière fois que je les verrais ainsi.

Je ne pensais pas revenir et même si je le faisais, j'étais certain que l'Ordre, que les Fléaux d'Arkya allaient s'abattre très bientôt sur Dragsyl. Je me sentais... différent, comme si quelque chose m'avait transformé, ou quelqu'un. En montant dans mes quartiers, je me demandais comment j'en étais arrivée là. J'avais été si dévoué à ma famille, à mon nom. Je m'étais dévoué à Sent Equin au point de vivre et d'atteindre la perfection pour le satisfaire, mais il m'avait rejeté.

Était-ce une raison suffisante pour agir ainsi ? Je m'immobilisai, quelques vêtements dans mes mains. L'euphorie m'avait gagné, mais est-ce que c'était réel ? Est-ce que ce n'était pas que la joie de voir quelqu'un m'être aussi dévoué qui m'avait attiré ? J'adorais profondément Rob, mais si Sent Equin ne m'avait pas rejeté, est-ce que j'aurais ressenti les mêmes choses pour lui ? La peur prenait le dessus. Je ne connaissais rien au dehors des murs de Dragsyl.

Rob serait ma seule ancre, mais si mon ancre décidait de m'abandonner ? Si Sent Equin m'avait rejeté alors même que j'avais atteint la perfection, qu'est-ce qui empêchait Rob de faire de même ? Par Thiel, à quoi je pensais ? Bien sûr que Rob ne ferait pas ça. Il ne m'avait encore jamais rien demandé, pas avant aujourd'hui. Il avait été si respectueux envers moi, si tendre, si doux et attentionné. Il était la bonté incarnée et je ne pouvais pas douter, pas lorsque je m'étais noyé dans ses paroles et dans ses yeux.

Je fermai les yeux, me remémorant sa voix si unique. C'était... comme l'écho d'une voix qui traversait une caverne pour venir s'écraser sur les vagues. Oui, j'en avais une idée si claire. J'étais inquiet parce que je n'avais jamais entendu parler d'une telle chose. Deux étrangers s'enfuyant ensemble... Je ne le connaissais que depuis peu, mais j'étais prêt à sauter avec lui. C'était fou, incessant, mais bien réel. J'y croyais. Je voulais y croire et je ne voulais pas qu'on m'arrache ça.

Je ne voulais pas que mes noires pensées m'empêchent de vivre ma vie comme je le désirais. Aujourd'hui, je voulais me retirer avec lui et j'allais le faire. Je voulais saisir le bonheur tant qu'il en était encore temps.

Pitié Thiel, accordez-nous le bonheur.

Je jetai mes affaires sur le lit et retirai une valise de sous mon lit. Elle m'avait été utile pour mes premières années à l'académie, lorsque les premières années, dont moi, devaient séjourner là-bas. À l'époque, elle avait été le reflet de ce que j'avais désiré toute ma vie : devenir un libéré. Aujourd'hui, je renonçais à tout cela et elle serait complice de ma nouvelle vie. Je restais convaincu que Rob était un dragon. Il était mon dragon. Si je n'étais pas un libéré de Dragsyl, je serais simplement le sien.

Humain ou dragon, je le serais. Je lui appartiendrais.

J'ouvris la valise et ne pris pas le temps de plier soigneusement mes affaires comme je l'aurais fait. Le temps pressait. Je la refermai et sortis précipitamment, le cœur fou. Soudain, je me figeai. Un cri. Mon frère venait de crier. Je n'avais pas vérifié la présence de quiconque à la maison, je comptais partir sans éveiller les soupçons, mais en entendant son cri, je lâchai ma valise et dévalai précipitamment les escaliers.