Chapitre 25 : Enquête

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Wilhelm claqua la porte de la maison et monta les escaliers quatre à quatre. Il était rentré en taxi, en compagnie de Thérance. Henri était resté au chevet de son père et personne ne pouvait les ramener. Le vieil homme manqua de rentrer en collision avec Wilhelm alors que ce dernier grimpait l'escalier à toute allure, pressé de s'installer derrière son bureau et de se mettre au travail.
- Will ! Comment s'est passée la...Mais qu'est-ce que tu as à la tête ?
Le jeune homme toucha le pansement à son front. D'après l'infirmier Longus, son crâne avait percuté le rebord d'une table lors de son malaise mais la plaie demeurait superficielle et il y avait plus de peur que de mal.
- Je me suis cogné lors d'un malaise, avoua-t-il sans dissimuler son impatience.
- Tu as encore fait une crise ? s'inquiéta Henri.
- Oui mais je suis à nouveau en pleine forme. D'ailleurs il faut vraiment que j'aille faire mes devoirs, j'en ai beaucoup à rattraper.
- Tu ne me demandes pas ce que le médecin a dit à propos de l'état de ton père ?
Wilhelm préféra ignorer le ton légèrement accusateur d'Henri et répéta :
- Qu'est-ce que le médecin a dit à propos de l'état de mon père ?
- Qu'il est dans une sorte de coma. C'est un cas très rare et difficile à expliquer mais ça arrive. Il est préférable de le laisser ici pour le moment mais si son état perdure et qu'il commence à dépérir, nous devrons le transporter à l'hôpital.
S'il n'avait pas possédé la vision, Wilhelm aurait presque pu croire à cette excuse. Cependant il connaissait la vérité et n'arrivait pas à trouver les mots d'Henri crédibles. Évidemment qu'ils n'allaient pas déplacer son père ! Statufié comme il l'était, il devait peser une tonne ! Il faudrait plus qu'un brancard pour le transporter...
- J'espère qu'il se réveillera vite, chuchota le jeune homme.
- Moi aussi. Allez, file travailler.
Wilhelm ne se le fit pas dire deux fois. Il s'assit derrière son bureau, attrapa une feuille blanche et un stylo. Il dénuda ses bras couverts de notes, prêt à en découdre avec le conte. Il organisa rapidement ses pensées et commença à écrire en suivant le plan inscrit sur son épiderme :

Mais la peur poussa le prince à demeurer en retrait. La malédiction se rapprochait de jour en jour et les siens se lamentaient sur son sort inévitable. En effet, le cœur du prince demeurait fermé à l'amour après la trahison de sa reine et le temps lui manquait pour éprouver de nouveau ce sentiment. Résigné, il attendit que le destin frappe. Un soir, à minuit, alors qu'il était allongé dans son lit, il sentit son corps se raidir. La pierre commença à courir le long de sa peau, elle transforma la chair en marbre dur et froid. D'homme, il devint statue.
Ses enfants le découvrirent le lendemain et s'affligèrent. Le cadet, qui avait appris l'origine de cette terrible malédiction par des voies détournées, se mit en quête d'une solution. Il aimait sincèrement son père et désirait le délivrer de sa prison de pierre plus que tout au monde.
Sans l'aide de son aîné ou du devin, il entreprit de retrouver la reine au cœur de pierre. Il ne disposait pas de magie ou d'une armée mais il était intelligent et rusé. Grâce à sa persévérance, il retrouva la trace de la reine et alla à sa rencontre, armé de ses mots et de son courage. Il tenta de la convaincre de rompre le sort par tous les moyens mais elle le repoussa en refusant de libérer le prince.
Cependant la détresse et l'insistance du cadet réussirent à raviver une étincelle d'émotion dans le cœur mort de cette ensorceleuse. Alors qu'elle le chassait, elle repensa à la douceur de ses nuits en compagnie de son ancien époux et des jours heureux qu'ils avaient coulé, main dans la main.
La nostalgie éroda son cœur de granit et elle se rendit au chevet de son bien-aimé à la faveur de la lune. Bien que statue, il lui sembla aussi beau que la première fois qu'elle l'avait rencontré. Le carcan autour de son cœur s'effrita un peu plus et ses émotions refirent timidement surface, comme les pousses des perce-neiges à l'approche du printemps. Elle lui parla de longues heures et revint nuit après nuit sans se lasser. Elle s'affligea de ne pas obtenir de réponse de son prince et s'accabla de reproches. Hélas, elle ne pouvait briser la malédiction. Elle continua de le visiter, incapable de se détourner de lui une seconde fois.
Depuis sa prison de pierre, le prince maudit percevait sa présence. Tout d'abord effrayé et dégoûté par cette femme sans cœur qui avait provoqué tant de malheurs, il prit peu à peu goût à ses rendez-vous au point de les attendre avec impatience. L'étincelle dans le cœur de la reine se mua en brasier et sa haine se changea en amour.
Un soir semblable à tous les autres, elle s'infiltra dans la chambre silencieuse de son aimé et se pencha sur lui. Elle chuchota : « Je vous aime, je n'ai jamais cessé de vous aimer. ». Ses lèvres se posèrent sur celles du prince de pierre. Le cœur figé de la statue recommença à battre, réchauffé par ses paroles. Il se réveilla de son sommeil de pierre et la prit dans ses bras. Ils se regardèrent longuement sans échanger une parole puis s'aimèrent une nuit entière.
La malédiction fut rompue et leur amour renaissant ravit le cadet. De son côté, l'aîné vit cette seconde union d'un mauvais œil, tout comme les parents du prince. Ils décidèrent de s'opposer aux deux amants mais ceux-ci n'écoutèrent personne, ivre d'amour l'un pour l'autre. Alors le plus âgé de leurs enfants, rendu fou de colère, décida de les séparer avec l'aide du roi et de la reine. Il fit l'acquisition d'une épée magique capable de rompre leurs sentiments avec l'intention de s'en servir contre ses propres parents. Grâce à ses ruses, le cadet eut vent de ses projets et décida de s'interposer pour empêcher que l'irréparable se produise.
Avant que son frère puisse nuire, il lui vola l'épée. Il alla trouver le devin qui lui indiqua comment la détruire. Pour cela, il devait la lancer dans le puits sans fond. On disait que tout ce qui tombait dedans n'en revenait jamais. Le cadet transporta l'épée dans ce lieu, poursuivit par son frère. Ils se battirent face au puits, plus violents que jamais l'un envers l'autre alors qu'ils n'avaient toujours formé qu'un. Dans l'affrontement, l'aîné précipita le cadet au fond du gouffre. Celui-ci tomba et entraîna l'épée dans sa chute.

Les contes de RosenwaldOù les histoires vivent. Découvrez maintenant