Chapitre 2 - Contrats

Depuis le début
                                    

Yona n'avait jamais réellement réfléchi à la question. Elle se contentait de prendre chaque jour comme il venait. Elle trouvait compliqué de penser à ce genre de choses.

– Eh bien moi non. Mon apprentissage chez maître Wulier se passait bien, mais bon, le bois reste un matériau limité. On fabriquait des meubles en tout genre, voire quelques bijoux de temps à autre, mais ça s'arrête là. Je veux également explorer le monde, Yona. L'artisanat est une activité que j'aime sincèrement, mais imagine aussi tout ce que l'extérieur peut nous offrir ! Toutes les techniques que je peux apprendre, les gens que je peux rencontrer, les paysages que je peux découvrir... Plus j'y pense, et plus je me dis que Verlore m'emprisonne. Je souhaite admirer de mes yeux les inventions fantastiques de Narvosing, observer à l'œuvre les puissants mages de Noodlot, arpenter le désert brûlant de la Terre Sainte ainsi que des plaines verdoyantes à perte de vue... On ignore encore beaucoup trop de choses. Tu vois ce que je veux dire ?

Yona ne sut pas vraiment quoi répondre. Elle avait une vision assez restreinte de la vie. Son père lui contait certes des tonnes d'histoires fascinantes qui parlaient du continent tout entier, mais Verlore était son foyer. Elle aimait ce qu'elle y voyait, le quotidien qu'elle y menait. Elle n'avait jamais eu une envie de le quitter aussi forte que Jamer. Les quelques livres qu'elle avait lus l'avaient indéniablement transportée, mais sans pour autant refaire toute sa conception de la vie. Mais cela resterait-il le cas encore longtemps ? Un doute naquit dans son esprit.

– Mais je sais que ce n'est pas vraiment ton style. Tu te sentais bien à Verlore. Alors pourquoi du jour au lendemain, tu décides de tout plaquer pour suivre un inconnu ? Il te plaît ?

– Non ! s'écria-t-elle d'une voix plus haut perchée que d'habitude. C'est juste que, je ne sais pas si tu es au courant, mais il y a eu une avalanche il y a trois jours. J'ai été prise dedans. Ries m'a sauvé d'une mort certaine. Et ça m'a fait comprendre que je n'avais finalement rien accompli depuis ma naissance. J'ai bien sûr appris les bases pour survivre dans les bois et travailler en tant que bûcheronne, mais à part ça ? Rien du tout. Je n'ai pas réalisé un seul projet. Les autres filles de Verlore sont des cailles qui ne demandent qu'à trouver un mari et faire des enfants, mais cela ne me dit pas du tout pour l'instant. D'autant plus que personne ne m'intéresse vraiment au village. Je veux vivre une vie avec laquelle je pourrais regarder mon père dans les yeux après ma mort, quand je le rejoindrai au royaume de Tyd. L'offre de Ries est juste arrivée au bon moment. Finalement, tout ce que je peux dire c'est que quelque chose au fond de moi me pousse à sortir de ma zone de confort, pour aller vers l'inconnu. Ça me fait peur, bien sûr ! Mais je la surmonterai. Et aussi, t'avoir à mes côtés est rassurant.

Les deux jeunes gens se sourirent, leur complicité visible comme le nez au milieu de la figure. Ils dégustèrent ensuite leurs clafoutis, avant de se séparer pour aller dormir. Quand Yona ferma la porte, Jamer s'était de nouveau déplacé jusqu'à son lit. La bûcheronne avait éteint toutes les bougies pour lui. Dans la lueur du feu mourant, sous la couverture épaisse, le jeune ne put s'empêcher de penser.

Et je n'ai pas encore réussi à lui dire... Fais chier. C'est à chaque fois pareil. Je ne suis qu'un dégonflé... Mais elle a dit que personne ne lui plaisait au village, ça m'inclut ? Ah et puis zut ! Je trouverai bien une autre occasion.

Le lendemain, Yona se fit réveiller par des coups sur sa porte.

– Yona ? Tu es là ? demanda d'un ton énergique Ries.

– Oui ! répondit-elle d'une voix encore molle.

– Parfait ! Je t'attends dans la salle commune, il faut qu'on parle.

Voyage au centre du soleilOù les histoires vivent. Découvrez maintenant