Alors rendez-vous dans ce bal avorté
J'ai mal dansé pendant tant d'années
J'ai trop tenté d'arrêter le temps
Planté sur ton étoile filante
J'ai manqué la mesure au point de
N'avoir su que recouvrir de neige
Notre Eden de velours désuet
Pour mieux demeurer...

A bout de souffle





Peut-être que tu souris, aujourd'hui

Du sourire de tous tes masques confondus

Mais tu dois savoir

...


De quoi parle Lillie ? Mes mains tremblent et je n'y comprends rien.

Mais est-ce Lillie qui chante ?


Qui es-tu ?

Je te reconnais.

Tu essaies de m'entraîner avec toi dans des boucles sans fin

Que deviendrai-je sans toi pour m'accompagner ou contre qui lutter ?

Que reste-t-il de moi si tu t'en vas ?

Je te suivrai jusqu'à l'autre monde.


Tu dois savoir...

Tu dois savoir !


Les tambours d'Andreas retentirent, comme une trahison salvatrice. 

Oh non... Arrête. Arrête, laisse-moi au moins cela ! 

Tu sais, je t'aime au-delà de tout. Je ne peux pas l'abandonner ! Comment peut-on disparaître ainsi sans rien révéler de son mystère ?

« Crie pour moi ! »


Non, ne pars pas !

La tête me tourna, mais je retins le hurlement libérateur.

Je ne veux pas que ce soit la dernière fois, ne pars pas.

Ne pars pas !


« Sonne ces coups, Vincent ! » me cria Andreas, le bras levé, prêt à frapper son tambour.


Silence


Silence


Restons-en là




Je t'ai survécu


Lorsque je rouvris les yeux, je ne vis que Lillie qui me dévisageait, dressée devant moi dans le silence chaotique de la fin du concert, illuminée par toutes les étoiles.






« Prenons la mer ! »

Il était deux heures du matin.

« Prenons la mer ! » répéta Andreas.

Lillie et moi étions couchés à l'arrière du van qui nous amenait dans la maison de Cassandra et Elena, face à face. Les larmes coulaient sur ses joues. Je continuais de la regarder, hébété, de mes yeux brûlants, brûlés, épuisés, au-delà de la fatigue, de la raison.

Et je psalmodiais :

« Arrête, il n'y a rien... Il ne reviendra jamais...

Arrête...

Il n'y a rien...

- Tais-toi, Vincent, sanglota-t-elle.

- Il est revenu...

- Qui ?

- Tu sais. »

Elle essuya ses joues mais de nouvelles larmes dévalèrent aussitôt sa peau.

« Quand as-tu oublié que tu étais Orphée ?

Tu croyais parler de toi, mais personne n'arrivera, même en y passant des siècles, ni à te comprendre ni à t'égaler.

Et toi, tu es déjà au-delà !

Vincent, regarde.

Tu croyais être Narcisse mais... il y a une autre histoire à son sujet.

Il avait une sœur jumelle qu'il cherchait en regardant son propre reflet... 

Jusqu'à mourir. »

Quoi ?

« Mais toi, ne sois pas Narcisse ! Ne te retourne pas ! « Arrête ! » de rester là, à chercher ce qui n'existe plus.

Il est derrière toi pour te pousser à avancer. Laisse-le partir.

Ne le regarde plus, nous passerons d'autres lignes. »

Je n'entendis plus la radio, ni le moteur. Puis disparurent Guillaume qui discutait avec Andreas, mes battements de coeur, et les sanglots noirs de Lillie couvrirent mes paupières, comme une chape obscure 

Rideau.


« Qui ? 

- C'est pas ta faute, gémit-elle, tes parents n'ont pas supporté, alors ils t'ont élevé comme un diable, mais c'est pas ta faute.

J'ai essayé de te le dire, tu n'écoutais pas.

J'étais toute petite quand c'est arrivé. Je ne me souvenais pas. J'ai demandé à mon père si c'était vrai. Il a dit que

Vous étiez deux à ta naissance, il était déjà faible en arrivant au monde, il n'a même pas crié

Tu as juste eu le temps de prendre sa main, dans la couveuse. »


Sans fracas de tambours, ni artifice ni explosion. Elle arrive ainsi, la révélation

Dans le noir, l'épuisement, à bout de moi-même.



« Nous sommes arrivés. »


Je reconnais le parfum des pins. Quelqu'un m'attendait par ici, quelqu'un qui me donnait envie de chanter, pour qu'il chante avec moi.


Comment, il faut encore se lever ? Mes membres tremblent, je les sens à peine. Il n'y a plus rien qui brûle au fond de moi. Plus rien pour me repousser. Je suis plus seul, désormais, que je ne l'ai jamais été. Je l'ai connu toute ma vie. Y a-t-il encore assez de moi pour former un être entier ?

Qui tient mon bras encore, si serré ? Laissez-moi là... Un immense rideau noir est tombé devant moi et je me tiens debout, seul, face à cet écran obscur

qui prétend encore l'appeler « mer »


« Promets-moi que nous continuerons de chanter, jusqu'à ce que nos voix s'éteignent. »


Oh, je me souviens ! la quête était si belle... !


Aussi loin que je regarde, il n'y a devant moi qu'un abîme noir.


Il n'y a plus rien.




~ FIN DU MOUVEMENT 4 ~

ScènesWhere stories live. Discover now