L'audacieuse Sofia Capriaglini Tome 1 : enquête préliminaire

21 - La pause

Lundi, j'aborde ma semaine avec un mélange de fierté et d'anxiété. A la pause de 10h, je me retrouve dans la cour gravillonnée en compagnie de Do Sacramento. Il tire sur un gros cigare, son Blackberry à la main. Bien sûr, il ne calcule pas la secrétaire remplaçante en dehors des nécessités du travail. En comparaison, je fume une roulée assez peu assortie au reste de la panoplie tailleur-jupe-chignon.

Kévin a depuis quelques jours pris ses distances avec moi. Sait-il que Béné sait ? Ce n'est sûrement pas par lui que je serai renseignée. Son attitude se calque sur celle de ses collaborateurs dans une froideur polie.

N'y tenant plus, je décide d'envoyer un SMS à Béné pour savoir si mes doutes sont fondés. Et merde ! Plus de forfait. Je raccroche rageusement. Ils ont la bonne et agaçante idée d'avoir une adresse mail commune au couple. Trop délicat de la questionner depuis mon poste.

Do Sacramento se rapproche de l'entrée, trouvant mal venu de m'éterniser en pause après le patron, je lui emboîte le pas. Il me tend alors son Black Berry :

- Appelez-la votre amie.

Je le regarde un instant éberluée.

Répondeur. Je n'en saurai pas plus. Comme Kévin n'est pas ouvert au dialogue en ce moment, je profite du portable pour lui envoyer un SMS pour mettre fin à mes doutes. Bien sûr il est enregistré dans les contacts.

Comme je franchis le seuil de la porte d'entrée, Kévin me fait signe de le rejoindre dans son bureau. Je ne sais plus à quoi m'attendre. Encouragement ou reproche ? Professionnel ou personnel ? Il relève à peine les yeux de ses dossiers pour me parler.

- Tu viens dîner ce soir à la maison. 19h30. Cédric t'accompagne. Soigne ton apparence.

- C'est tout ?

- Oui, pourquoi ?

Il ne me demande pas si je suis disponible. Ce n'est pas une proposition, c'est un ordre. Qu'est-ce qu'il me réserve encore ?

Son visage se décompose en découvrant un SMS sur son téléphone.

- Do Sacramento a cherché à me joindre ! Il me semble déceler une lueur de panique dans son regard. Celle-ci se mue en stupéfaction. Tu m'as envoyé un texto par l'intermédiaire de Do Sacramento ?! Mais à quoi tu joues ?

- J'étais en rade de forfait, il m'a prêté son téléphone, c'est tout.

Silence.

- Il essaie de te serrer, c'est ça ?

Il semble vraiment inquiet, je ne peux réprimer un sourire.

- Ca te rendrait jaloux ?

Il se replonge dans son dossier.

- Non (le ton est péremptoire). A ce soir.

Mon portable vibre dans la poche de ma jupe comme je regagne mon poste. « Je comprends que tu sois mal après l'autre soir au bureau. Je le suis aussi. Faut qu'on oublie. Et non, je ne suis pas jaloux, je m'inquiète pour toi ».

Do Sacramento passe devant mon bureau et m'adresse un compliment surprenant :

- J'apprécie votre travail. C'est dommage, ma petite Sofia, vous allez nous manquer

- Mais je ne pars que dans trois mois.

Une drôle d'expression se dessine sur son visage. L'arrivée de son client me prive d'explication.

Perturbée par sa remarque, je me rue sur le site d'offre d'emploi du cabinet et découvre déconcertée que le poste que j'occupe est à pourvoir à partir de la semaine prochaine.

Je me rends dans le bureau de Kévin et attaque sans préambule :

- C'est quoi cette histoire ? Vous me remplacez ?

Il relève trop calmement les yeux de son écran. Mon agacement monte d'un cran.

- Tu es énervée, Sofia. J'ai un rendez-vous. Ce n'est ni le lieu ni le moment d'en parler ».

J'ai l'impression qu'il est derrière tout cela. Il se sert de moi comme d'une marionnette. Me donne du travail, me le reprend, me conseille sur mes fréquentations. Je n'en peux plus. J'ai envie d'exploser. Des larmes de colères me montent aux yeux. Je vais faire comme si de rien. Je ne vais pas lui donner ce plaisir de me voir en colère et lui offrir une autre occasion de me faire la morale. Ce soir, avec Béné, je pourrai enfin me détendre.