9 - Attirance

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9 – Attirance

Le soir je savoure un peu d'insouciance avec Cédric. Je suis déçue de cette deuxième semaine de filature qui se termine. Non seulement, cela s'avère inutile mais en plus j'ai eu l'air imbécile avec Kévin. Plus ou moins comme d'habitude. Cédric le devine même si je me garde de lui en parler. Mon obstination après Marine le gonfle et je le comprends.

Il semble décidé à me remonter le moral. Il allume la musique et pose deux verres sur la table basse. Comme ni l'un ni l'autre n'est motivé par les tâches ménagères, la vaisselle s'entasse dans l'évier. Au bout d'une semaine, la pénurie d'assiettes propres nous pousse à tirer au sort celui qui s'attaquera à la corvée. Veinarde, pour la troisième fois, j'y échappe. Pourtant, Cédric a l'air tellement fatigué, en partie à cause des rondes de nuit que je lui impose, que je lui propose de prendre son tour.

- Tu veux quoi en échange ? Demande t-il. Tiens un CD.

- Pas besoin, je peux l'écouter chez toi.

- Quoi d'autre ?

- Que tu m'allumes, tiens ! Je propose cela sans réfléchir, certaine qu'il va se dégonfler.

Un regard de défi, une ébauche de sourire. Je suis encore fière de ma provocation tandis que Cédric se lève pour mettre un autre morceau de musique. Il pose sa clope sur le rebord du cendrier et commence à retirer lentement son pull.

Mes rires pourraient lui gâcher son effet mais il ne se démonte pas. Le tissu entraine la chemise qui se soulève à son tour, dévoilant quelques centimètres de peau au-dessus des hanches, c'est-à-dire juste à hauteur de mes yeux comme je suis installée sur le canapé. Mon colocataire continue de danser langoureusement ; j'arrête de rire, il est convainquant. Il parvient presque à me faire oublier qu'on passe autant de soirées l'un près de l'autre.

Cédric retire sa chemise d'un torse que je ne pensais pas aussi musclé. Peut être que ça vient de l'éclairage tamisé ou alors que je n'y ai jamais prêté attention. Je me mords involontairement la lèvre, il semble flatté.

Il m'incite à me lever et m'attire contre lui, mes lèvres frôlent son cou. Cette proximité inédite me trouble, l'envie d'embrasser sa peau me taraude. Je ne suis que sa pote, il relève juste le défi que je lui ai lancé. Impossible.

Il doit penser la même chose et me repousse doucement sur le canapé. Il commence à défaire sa ceinture, après tout c'est ce que je lui ai demandé. Hésitation. Il s'arrête là. Le morceau de musique prend fin et me laisse dans une gêne envahissante.

- C'est tout ? dis-je bravade.

- T'as dit : allumé. Fais attention à ce que tu demandes la prochaine fois.

Cédric me plante frustrée dans le salon et disparaît dans sa chambre. Ce n'était qu'un jeu entre nous, je le sais, néanmoins, je vrille une partie de la nuit sur le canapé, envahie d'une ébullition incompatible avec le sommeil. A trois heures je déambule dans le salon. Je dégage le rideau de la fenêtre, une fine pluie tombe dans la ruelle, pas vraiment un temps pour une balade nocturne. Certaine de faire une bêtise, je pousse la porte de sa chambre.

Je m'approche prudemment de son lit :

- Cédric ?

- Quoi ? Il a le sommeil léger, je viens de le réveiller.

- Je n'arrive pas à dormir.

Le drap le découvre jusqu'au nombril. Il m'invite à le rejoindre dans son lit. En fait, je m'attends à ce qu'il dise quelque chose du style : t'en as mis du temps. Sûr de lui et blagueur. Mais non. Il a peur au moins autant que moi de foutre notre relation en l'air. Pourtant le faux pas, c'est moi qui viens de le faire. J'ai peur de dire un truc stupide, qui sonne ringard. A l'instant me revient l'image de Béné qui à ma place saurait quoi dire. Elle a déployé des trésors d'imagination pour draguer mon frère. C'était plus facile pour elle qui n'a jamais laissé d'ambigüité. Depuis leur rencontre, elle considère Kévin, non pas comme un ami mais comme un homme. Avec Cédric mon entreprise semble plus délicate. Pire, je suis à présent allongée dans son lit et je n'ose pas risquer une main vers lui. Jusqu'à ce soir, on pouvait au moins se toucher sans crainte ni arrière-pensée. Plus les secondes passent plus je me sens devenir bête.

Il me tire d'embarras.

- De quoi t'as envie ?

Après une courte hésitation, je réponds :

- De toi.

Il retire le drap. Je ne regrette plus d'être rentrée.

Doucement, les effleurements deviennent des caresses. Les baisers se font plus intenses, j'arrête de penser. Mon pyjama disparait. Je le chevauche.

- Attends, m'arrête-t-il.

Peut-être que ma fougue le dérange.

- Si je n'ai pas retiré mon fut tout à l'heure...

- Quoi ? Demandé-je inquiète.

- C'est parce que je bandais. Quand tu étais collée contre moi juste avant...

Sa confession balaie mes appréhensions. Mon attirance est réciproque.

L'étreinte se resserre, les soupirs font place aux gémissements. C'est mieux que je ne l'ai imaginé, d'autant que jusqu'à cette nuit je n'ai jamais rien imaginé de pareil ensemble. Comme le jour perce à travers le Velux, il vient de mettre fin à des mois de frustration. Je m'endors enfin, apaisée par son odeur.

L'audacieuse Sofia Capriaglini Tome 1 : enquête préliminaireWhere stories live. Discover now