Chap. 28 : Fake

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Je n'en revenais pas : les conversations que j'avais eues avec Jonathan étaient censées rester privées et voilà que sa "fiancée" suggérait qu'il les avaient partagées avec elle.

Sybil s'était assise à côté de moi et ne m'avait toujours pas lâché la main, la tenant comme s'il s'agissait du dernier 2.55 de Chanel sur terre et qu'il était soldé. Alors que Lala commençait à se mêler, comme toujours, de la conversation après avoir réclamé un café, je restai silencieuse, la main emprisonnée dans celle de Sybil. Je l'observai de biais. C'était une vraie poupée Barbie, en version brune, qui devait avoir cinq ou six ans de plus que moi. Sa peau bronzée contrastait avec la mienne, très pâle et ses longs cheveux noirs qui bouclaient aux extrémités ne pouvaient pas être plus différents des miens, blonds et lisses. Elle était pulpeuse et bien proportionnée,quand j'étais maigrichonne. Et surtout avenante, souriante, alors que je suis plutôt réservée.  Nous étions vraiment très différentes.

Mon premier mouvement avait été de la détester. Même si je ne m'avouais qu'à demi-mot que Jonathan me plaisait, j'avais immédiatement considéré Sybil comme LA personne à abattre. Même ses sourires, ses attentions et son visage plein de tendresse ne vinrent pas à bout de mes réticences.

- Alors dis-moi, Alix, comment te sens-tu maintenant ? Marseille te fait du bien ? me demanda-t-elle en se tournant vers moi.

Lala, Rico et les autres invités s'étaient de leur côté lancés dans un débat sur le dernier film des frères Wachowski.

- Eh bien, euh...ça va mieux.

Impossible de lui confier quoi que ce soit : elle sentait le fake avec ses grands yeux noirs larmoyants et plein d'empathie.

- Jonathan...enfin, il ne m'a pas tout dit sur toi, à cause du secret professionnel j'imagine...enfin, il m'a dit que ton séjour à l'hôpital t'a fait réfléchir sur le bonheur, avec un grand B... Et, figure-toi que moi aussi, je réfléchis beaucoup à ce sujet. Enfin, disons que j'y ai pas mal pensé pendant mes études. J'ai fait Philo, tu vois et ...

-Alix, tu es là !

Tout le monde se retourna : Jonathan venait d'entrer dans la salle à manger, les bras chargés de sacs en plastique, lunettes de soleil sur la tête, short en lin et tongs aux pieds. Il avait un teint bronzé de vacancier et ses yeux clairs n'en ressortaient que davantage. Je me levai, surprise et gênée que toute l'attention se concentre ainsi sur moi. Repoussant ma chaise en arrière, je me tournai vers lui si rapidement que je me pris les pieds dans le tapis en fibres de coco et tombai de tout mon long, ma tête atterrissant presque à hauteur des pieds de Jonathan.

- Oh, Alix ! Alix, ça va, tu ne t'es pas fait mal ?

Sybil était en train de me relever pendant que Jonathan me regardai avec une perplexité plutôt ironique.  Lala éclata d'un rire retentissant, que d'un regard plutôt mauvais, je fis taire.

- Eh bien à ce que je vois, les présentations sont faites, n'est-ce pas, Sybil ? 

Jonathan avait adopté un ton un peu rude, qui me fit frissonner. Sybil hocha la tête et retourna s'asseoir tandis que je me retrouvai comme une idiote, en plein milieu de la salle à manger, toujours au centre de l'attention.

-Allez viens avec moi, je vais ranger les courses. Tu vas me raconter ton séjour marseillais en détail, je veux tout savoir !

D'un geste de la main, Jonathan m'invita à le suivre et, comme je ne demandai que ça, je jouai au bon petit toutou et obéissait à son injonction. J'avais tout oublié : Sybil, ma chute, le rire de Lala. Il n'y avait plus que Lui.

J.F cherche bonheur, désespérémentWhere stories live. Discover now