Chap. 20 : Quand le Dr Rivière refait surface...

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Nous avons déboulé dans le vestibule de la maison, complètement trempés, comme si nous sortions tout juste de la mer. Les grands carreaux blanc crème de l'entrée, si propres la première fois que je les avais foulés, quelques heures auparavant, ressemblaient maintenant à ces dalles qui jouxtent les piscines, poussiéreuses et inondées. Quant à moi, je pataugeais dans mes tongs et le mistral glacé m'avait refroidie jusqu'aux os. Je ne pouvais plus m'arrêter de grelotter. 

- Ouf, quelle saucée ! Je suis gelée ! Ca arrive souvent ce changement de temps, ici ? J'ai jamais vu ça...

- Mmmm...

- Olala, j'ai froid ! 

J'ai lancé un regard implorant à Rico pour qu'il trouve vite une solution, tout en me frottant vigoureusement les bras et les jambes de mes mains glacées.

- Mmmm...vais chercher des serviettes...

J'avais beau essayer de renouer le dialogue avec Rico depuis que nous avions quitté la plage, il demeurait obstinément renfrogné. Ca commençait à me taper sur les nerfs. C'est vrai que j'avais réagi violemment quand j'avais repris connaissance sur le sable, mais après tout, nous n'étions plus des gosses, et je n'osais pas croire qu'il allait me faire la tête pour ça ! Il revint avec deux immenses draps de bains, épais et moelleux, juste ce dont nous avions tous les deux besoin. Il m'en tendit un, le regard toujours fuyant.

- J'ai tout sali, me dit Rico en me montrant le salon du menton. 

De là où j'étais, je pouvais voir de grosses flaques d'eau maculer le plancher du salon. Grâce à elles, on suivait le parcours de Rico et de son boardshort dégoulinant à la trace. Il avait contourné le tapis, puis était passé devant le guéridon en marquetterie, avant d'éviter le piano. Connaissant ma grand-mère, elle n'allait pas du tout apprécier.

Il baissa les yeux et continua à s'essuyer consciencieusement les jambes. 

- C'est pas bien grave, je nettoierai tout si tu veux, je te dois bien ça ! Après tout, tu m'as sauvé la vie!

J'avais pris un ton léger et rieur, juste pour voir si ça attirerait plus son attention. Ca a marché.

-Toi, tu vas nettoyer ? 

D'étonnement, ses grands yeux verts s'étaient écarquillés.

- Ben oui, pourquoi pas ? 

- Je sais pas si Gisèle...Enfin bon, si tu te proposes, je vais pas refuser ça c'est sûr !

Il s'était enfin déridé, me lançant un regard espiègle.

- Et tu pourrais même en profiter pour faire un peu la poussière...euh...sur le piano...la bibliothèque...

- Mais oui, bien sûr, tu me dis juste où sont les chiffons, et tu verras de quoi je suis capable !

Ce n'est pas que je voulais absolument lui montrer mes talents de ménagère, ni que lui veuille vraiment que je me mette à briquer la maison. Non, nous commencions simplement à manier, à tâtons, l'ironie, et c'est ainsi qu'on trouva ce jour-là un terrain d'entente.

Alors que, toujours trempée, j'ouvrais les placards de la cuisine les uns après les autres pour trouver une serpillère et un seau, il rigolait dans mon dos en jouant à "tu chauffes", "tu refroidis". Finalement crevée par ce petit jeu dont lui ne semblait pas se lasser, toujours trempée et plus frigorifiée que jamais, je haussai les épaules en riant et remontai à l'étage pour prendre une douche bien chaude.

En entrant dans ma chambre, je me dirigeai immédiatement dans ma salle de bains privative. Mais mon regard fut attiré au passage par mon smartphone, dont une petite lumière clignotait. Revenant sur mes pas, malgré mon envie de me réchauffer pour de bon sous un jet d'eau brûlante, je checkai mes messages.

Le premier venait de ma mère qui me demandait de mes nouvelles. Le second venait de Jonathan. Le Docteur Rivière m'annonçait qu'il quittait Cassis quelques jours plus tard pour s'installer une semaine à Marseille, dans la villa d'un ami, sur les hauteurs du Roucas Blanc. Il m'invitait à y passer.

J.F cherche bonheur, désespérémentWhere stories live. Discover now