Chap.3 : Métro, boulot, boulot, boulot, boulot

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Le métro a mis trois minutes à arriver. C'est exactement le temps qu'il m'a fallu pour m'affaler et m'endormir sur le siège de métal glacé du quai. Puis ça a été l'arrivée de la rame, la bousculade, la cohue des Parisiens en furie. Forcément, ce boucan m'a réveillée. Toujours bouffie de sommeil comme un donut trop plein de crème, je suis montée dans le wagon, archibondé, faut pas rêver on parle de Paris, quand même.

J'étais entrée parmi les derniers passagers et j'ai eu la malchance de me retrouver coincée contre une espèce de fille branchouille avec faux sac Vuitton et brushing lisse à faire pâlir un épagneul qui sort de chez le toiletteur et qui, par-dessus le marché, s'était aspergée d'un parfum écoeurant. J'ai fermé les yeux en priant pour que mon supplice prenne fin et vite. Les minutes ont défilé - il m'en fallait quarante pour arriver au boulot - et enfin à l'air libre, j'ai pu retrouver un semblant de liberté

Je suis arrivée au bureau encore une fois la première. Mes collègues ne se pointaient que vers dix heures du matin. Louis, la cinquantaine bien frappée, se permettait même un petit onze heures, que personne ne songeait ou n'osait lui reprocher. Il possède des parts dans la boite et  Marlène Brunn, ma boss, lui servait des "Bien sûr, Louis", "Comme tu veux, Louis", "Ah ah ah, que tu es drôle, Louis". A ces moments-là, elle ressemblait à mon paillasson quand il a plu toute la journée et qu'il est détrempé. 

Charlotte, une collègue que j'aime bien, arrivait toujours vers dix heures et demi, un Starbucks à la main et un muffin au caramel dans l'autre. Pourtant, s'il y en a une qui aurait dû être là plus tôt, c'est elle. Mais elle dandinait tranquillement ses grosses fesses nourries aux cookies et aux muffins, perchées sur ses talons hauts, sans jamais faire gaffe aux remarques de Marlène. Qui aurait bien aimé que sa secrétaire soit là avant elle, quand même.

Comme tous les matins, j'ai salué la réceptionniste puis j'ai pris l'ascenseur. L'immeuble était vide et froid, les bureaux encore dans la pénombre. Arrivée à l'étage de l'agence, j'ai allumé toutes les lumières sur mon passage et je me suis installée à mon poste. J'ai pris ma tête entre mes mains. J'étais sûre, à ce moment précis, de ne pas arriver au bout de cette journée. Ca n'a duré qu'un bref instant, mais dans le genre intuition fulgurante. Ca m'a foutu la frousse mais, tentant d'oublier cet étrange pressentiment, j'ai tendu la main vers la pile de mes dossiers en retard.

J.F cherche bonheur, désespérémentWhere stories live. Discover now