Chap. 31 : Histoire d'eau

354 36 12
                                    

Une fois dans l'eau, je me suis retrouvée bien bête. Comme je sais à peine nager, je ne pouvais que barboter piteusement là où j'avais pied. Et j'avais beau jeter des coups d'oeil vers Jonathan, il ne souciait pas de moi. Comme l'autre fille, il avait commencé à enchaîner les longueurs. C'était l'après-midi piscine la plus sinistre du monde : là où on est censé s'éclabousser et rigoler un peu en essayant de se noyer les uns les autres, je me retrouvais dans un espèce de club de natation sportive.

Le réconfort vint étonnament de la part de Rico, qui, après s'être assoupi au soleil, avait décidé de tâter l'eau. Il n'y avait que dans cet élément qu'il semblait se sentir bien. Gauche et renfrogné habituellement, il se métamorphosait dès qu'il mettait un pied dans l'eau. Si cela n'avait pas été ridicule, ça en aurait été touchant. Il me changea les idées quelques instants.

Il entra dans la piscine jusqu'à la taille puis plongea dans l'eau, plutôt fraîche si l'on tient compte de la canicule qui s'était abattue sur Marseille ce jour-là. Il fit quelques mouvements de crawl avant de de s'attaquer à la brasse coulée. Je le regardai nager avec envie : moi aussi j'aurais aimé frimer, surtout devant Jonathan.

- Tu fais quelques longueurs avec moi ?

Je tournai la tête. ENFIN. Jonathan avait cessé de se prendre pour Yannick Agnel et m'adressait la parole. Il se tenait comme moi  près du rebord, visage au soleil, les yeux fermés.

- A vrai dire, je ne sais pas vraiment nager...

- Pas nager ? Ah mais alors  tu es mal tombée ici ! Tu vois Aurore ?

Il me désigna de la tête la fille qui avait commencé à nager une demi-heure plus tôt et qui n'avait toujours pas l'air essouflée.

- Elle a fait partie de l'équipe de France de natation. Oh, c'est pas récent", ajouta-t-il en voyant mon regard surpris, car elle avait une bonne trentaine d'années." c'était dans les années 90...son heure de gloire...Et  notre hôte, Benjamin, tu sais, le mec très maigre...il était prof de sport dans un lycée, enfin, bon, c'était avant qu'il ne tombe malade, bien sûr."

- Et toi aussi,  tu nages plutôt bien j'ai l'impression...

- Oh, moi, ce n'est rien, j'ai juste eu de bons entraîneurs quand j'étais jeune, mais je n'ai jamais remporté de médaille vraiment significative. Et puis, après, j'ai fait médecine, alors tu vois, le sport dans tout ça...Enfin, j'ai gardé le goût de l'effort et puis ça me relaxe...

- Et Sybil, elle est sportive elle aussi ?

J'avais parlé si bas que mon murmure semblait avoir sombré comme une coquille de noix, emportée par les vaguelettes de la piscine.

- Sybil ? Oh Sybil, personne ne sait vraiment ce qu'elle fait de sa vie...ni ce qu'elle fait ici d'ailleurs.

Il soupira et ferma à nouveau les yeux, éblouis comme les miens par le soleil.

-Enfin, je suppose que comme c'est ta fiancée, elle est ici parce que vous êtes venus ensemble, non ?

- Sybil ? Ma fiancée ? Oh c'est pas vrai ...Pfff

Il jeta à Sybil un regard noir, et, alors qu'elle nous observait depuis un moment, elle me fit un geste amical de la main.

- Elle s'incruste ici chaque été parce que Benjamin est une bonne pâte et qu'il a encore de la sympathie pour elle...Après ce qu'elle m'a fait endurer...Nous étions fiancés, c'est vrai, mais c'est fini depuis longtemps.

Le silence s'installa entre nous pendant quelques minutes. Une éternité.

J'avais l'impression de l'avoir fâché pour de bon mais, alors que mes joues s'enflammaient de honte, il pencha doucement son visage vers le mien et effleura mes lèvres des siennes.

- Je ne sais pas si je peux.... Je peux ? 

- Oui, répondis-je, avant de plonger la tête sous l'eau, pour cacher ma surprise et mon embarras.

Ses lèvres avaient étrangement le goût du chewing-gum à la fraise. J'avais aimé ça.

J.F cherche bonheur, désespérémentWhere stories live. Discover now