Wulong. Le jeune homme se pressa vers la porte et l'ouvrit à la volée. Un couloir pointait à l'extérieur, il ignora la vive lumière et sortit.
Premièrement, il vit Liang jouer avec... Hiwang ? Que faisait-il là ?! Perplexe, il scruta les deux, bouche bée, immobile. Le Seigneur remarqua sa présence et lui sourit grandement, sans cesser de distraire l'enfant, sain et sauf. Comment avait-il atterri à Hù lǐ ?
Soudainement, deux mains l'obligèrent à se laisser choir au sol, sur une terrasse en bois. Un ange lui offrit un sourire éblouissant, bien que teinté d'angoisse. Sa chevelure perle était défaite et glissait sur ses frêles épaules, ses yeux brillaient de soulagement et lui exprimaient toute sa gratitude.
— Tu n'aurais pas dû te lever, réprimanda Wulong. Ta jambe est normalement guérie, mais une douleur te tiraillera les jours à venir. Je ne peux rien y faire, mais...
Yichen l'embrassa. Il ne se retint plus et le saisit par les hanches. Quelque peu étourdi, il bascula l'alchimiste sur le dos et enjamba son bassin, dévorant avec avidité sa bouche. Il ressentit sa joie dans les baisers, ils souriaient sans plus de crainte. Le jeune de Jiǎo huá s'enflammait. En réalité, il ne comprenait rien à la situation, mais il présumait qu'un individu l'avait conduit jusqu'à son homme. Il se fichait bien de savoir qui, tant qu'il l'avait retrouvé et que l'enfant se portait bien. S'il savait que ce garçon l'avait secouru... D'ailleurs, celui-ci se tourna et aperçut son protecteur dans cette posture. Hiwang lui cacha promptement les yeux.
— Eh ! beugla-t-il, outré pour le garçon. Réprimez vos ardeurs ! Par tous les dieux, ces deux-là me découragent !
Se rappelant de Liang, l'alchimiste repoussa son cadet qui roula sur le côté, grognant contre le Seigneur et lui adressant des œillades épouvantablement noires. Wulong entra à l'intérieur, mine de rien, et l'enfant gloussa en tapant dans ses petites mains, content que son protecteur fréquente une personne qu'il appréciait. Il ne savait pas toutes les subtilités de l'amour, mais pouvait assurer que l'aîné aimait le guerrier de Jiǎo huá, sans nul doute. Il se redressa et plongea sur Yichen qui le jaugeait d'un regard sévère.
— Second bàba ! s'exclama-t-il, et il désigna Wulong qui revenait les bras chargés de boisson. Premier bàba !
Les deux oublièrent de respirer, tandis que l'enfant riait de sa trouvaille. L'alchimiste l'éduquait et détenait un instinct maternel hors norme, il serait comme un père et une mère à partir d'aujourd'hui. Puisque le jeune de Jiǎo huá l'avait sauvé et qu'il avait sacrifié une jambe pour le protéger, il serait aussi son papa. Hiwang s'esclaffa, applaudissant le garçon et le félicitant gaiement. Wulong manqua de lâcher son plateau, il le posa vite sur la table de son petit jardin. Le regard de Yichen le perçait à vif. Soudain, le guerrier fit volte-face vers le Seigneur et s'empressa :
— Tu ne verras plus jamais Jolie de toute ta vie, si tu t'occupes du petit ce soir !
— D'accord !
Sans que l'aîné n'ait pu contester ce marché, le Seigneur soulevait déjà Liang qui remuait sa main en direction de l'alchimiste, ravi de partir avec son Hiwang-Shū shu. Yichen désirait passer un temps seul avec son homme. Parce qu'il avait beaucoup dormi et qu'il l'avait parfaitement soigné, une énergie nouvelle affluait dans son être. Il voulait profiter de Wulong, d'une nuit tranquille avec lui.
Ils se prélassèrent au soleil et rentrèrent à la nuit tombée, sans vraiment discuter. Le guerrier apprit ce que Liang avait risqué pour les sortir du danger et il gratifierait sincèrement le courage du garçon, demain. À l'intérieur, ils se regardèrent, un brin penauds, ne sachant quoi faire.
— Est-ce que, s'enquit prudemment l'alchimiste, tu veux rester ici ? Jiǎo huá est assez loin et les malfrats parcourent toutes les routes. Je n'aime pas l'idée que tu chevauches de nuit.
— Tu sais que je suis également un malfrat, fit remarquer le jeune homme d'un sourire narquois. Mais j'accepte volontiers l'invitation.
Son aîné roula des yeux, évidemment qu'il ne refuserait pas un seul instant à ses côtés. Il le conduisit jusqu'à sa chambre où il lui offrirait son lit. Il dormirait sur son tapis. L'alchimiste ne se dérangeait pas des surfaces inconfortables. Il sombrait dans le sommeil n'importe où. Aucun des deux n'était vraiment fatigué, pas après ces journées riches en émotion.
Pour les détendre, Wulong confectionna un thé rouge qui les réchaufferait. Pendant ce temps, Yichen s'installa. Il analysa cette pièce, visualisant clairement l'alchimiste concocter ses élixirs au milieu des manuscrits éparpillés et des taches d'encre. Il sourit, attendri par cette pagaille, il le pensait plus ordonné.
Quand l'alchimiste revint avec son thé, il le déposa sur une petite table et s'assit sur un tissu en soie, indiquant à son cadet de l'imiter. Le jeune se posta à gauche et observa les mouvements souples de Wulong qui lui servit une tasse fumante et la lui tendit, faisant pareil pour la sienne. Un silence reposant plana entre eux. Mais le regard brûlant embarrassait fortement le plus âgé qui gigotait, gêné. Il s'appuya sur le mur derrière eux et ses paupières s'abaissèrent, il appréciait cette sérénité.
— Liang m'aime bien, je crois, susurra Yichen.
— Il te considère vraiment comme un père maintenant, répondit sur un ton identique l'alchimiste. Je suppose qu'il sera un peu triste, lorsque tu repartiras. Il comprendra.
— Je peux prolonger mon séjour à Hù lǐ, suggéra très sérieusement le brun. Je pourrais rester longtemps.
— Pour faire plaisir au garçon ?
— Entre autres, oui...
Ils sentaient la tension. Ils l'autorisaient à les engloutir totalement. Yichen était fasciné par le calme de son vis-à-vis qui gardait ses paupières closes. Il déglutit, une idée en tête, mais cela nuirait pour toujours à cette amitié qu'ils avaient forgée, que le jeune avait bâtie au prix de multiples efforts, et tout changera pour de bon.
Il leva ses doigts et lentement, il les mena au visage de l'alchimiste. Il glissa le dos de sa main sur sa joue creuse et lui arracha un frisson qu'il essaya de contrôler. Puis, son index s'aventura sur la lignée de son menton, dans son cou, sur sa clavicule et s'arrêta là où les habits l'entravaient. Il contempla ce torse dissimulé par d'épais vêtements, il désirait les lui enlever.
Une pression grimpait en lui, il le voulait.
Le fidèle de Hù lǐ frémissait à chaque geste. Il maintenait une expression apaisée, muette, mais il criait de l'intérieur. Ce contact, il ne le redoutait pas, mais il craignait les conséquences. Que se passerait-il s'il cédait ? Yichen était encore si jeune, probablement ne réfléchissait-il pas autant que lui ! Wulong appréciait ces affections, mais elles détruiraient leur relation actuelle et chambouleraient tout. Car ce n'étaient pas de simples baisers ou des touchers un peu embrasés, non. Il ne devrait pas y répondre, le repousser tel qu'à l'accoutumée.
Pourtant, il ressentait une agréable chaleur en lui, il le voulait.
Cette chaleur explosa au moment où le jeune entreprit un acte osé. Il remonta sa main sur sa joue, la serra tendrement et approcha ses lèvres des siennes. Tout près de son visage, une expiration s'échoua sur la fine bouche de Wulong. Son cadet lui offrait une chance de s'écarter avant que les choses ne deviennent sérieuses. Mais il n'esquissa nul recul.
Satisfait, il sourit, soulagé, et il l'embrassa sans tarder. Le baiser se révéla d'une douceur insoupçonnée, mais d'une passion douloureuse. L'alchimiste se perdait dans l'échange, toutes ses barrières se fracturèrent en un clin d'œil. Ils se séparèrent une poignée de secondes, leurs respirations lourdes, uniquement pour s'embrasser avec plus de langueur la seconde suivante.
— Ne pars plus, soupira Wulong entre deux baisers.
— Hors de question, jura-t-il, amusé par sa détresse. Je ne te quitte plus...plus du tout ! Tu devras me supporter quoi qu'il advienne.
Les doigts du jeune homme ne se retenaient plus ; il avait saisi ses hanches et l'avait attiré pour qu'il finisse à genoux sur ses cuisses. L'alchimiste s'était figé, sûrement que tout allait trop vite, et Yichen prêta attention à ne plus le brusquer. Il se mouvait avec lenteur et volupté et ses mains le tenaient simplement, l'enlaçant.
Cela ne dura pas. Ils se voulaient tellement.
Le baiser se transforma, ils aspiraient à plus. Wulong entrouvrit les lèvres par automatisme pour reprendre son souffle et Yichen en profita pour y glisser son muscle humide. Une sensualité les emporta dans un torrent de plaisir inavoué, une saveur qui avait le goût de la groseille du thé. Leurs langues s'emmêlaient, elles bataillaient un peu, et s'adoraient beaucoup.
À genoux sur lui, l'alchimiste oublia qui il était. Jusqu'à ce que, pris d'une brutale envie, il se rapproche dangereusement du benjamin, et de son intimité. Prenant conscience de son désir ardent, Wulong fut envahi d'un profond mal-être. Cela ne lui ressemblait pas ! Il n'avait jamais agi de la sorte, ni avec une femme, ni avec un homme, et il n'était clairement pas préparé au niveau mental à ce que voulait Yichen. Plus brusque qu'il ne le souhaitait, il mit fin au baiser et se déroba à son emprise, en s'affaissant sur le mur.
Le jeune s'imaginait cette réaction. Il saisissait bien l'état de son aîné. Celui-ci songeait davantage aux résultats plutôt qu'à l'instant présent. Il voyait déjà le futur, alors que Yichen se concentrait sur le plaisir de maintenant. Peut-être que son âge et ses hormones l'empêchaient de penser convenablement, ou peut-être qu'il réprimait trop ses envies. Il tenta un frôlement, mais Wulong tapa sa paume et se releva pour mettre de la distance entre eux. Par réflexe, il se dirigea vers sa porte, prêt à le renvoyer. En réalité, ils devinaient tous deux les mots qui s'apprêtaient à être dits.
— Arrêtons-nous là, je t'en prie, imposa l'alchimiste, les poings sur les côtes.
— Pourquoi me rejettes-tu ? contra le benjamin, confus et agacé par cet entêtement. Mes baisers te plaisent. Non ? Tu les désires autant que je te désire. Ne mens pas.
— Le Seigneur Hiwang réside à la capitale, dans un pavillon fort sympathique. Rends-toi-y cette nuit, il t'accueillera.
— Pourquoi renies-tu tes sentiments ? continua Yichen, se redressant et s'avançant vers lui. Ce serait tellement simple ! Tu compliques tout ! Pourquoi paniques-tu pour un rien ? Je t'aime. Je te veux. Il n'y a rien de plus logique.
L'accusation renfrogna l'aîné, mais la déclaration l'attendrit. Non, il ne compliquait rien. Contrairement à lui qui fonçait tête baissée dans la luxure. Yichen combla l'espace entre eux et Wulong recula, contraint. Il faillit atteindre un mur et le heurtait, mais son cadet entoura ses hanches avant et le plaqua contre son torse sur lequel il se laissa fondre, malgré lui, rougissant. L'alchimiste ne regardait plus son visage, il n'en avait pas la force. Ses yeux s'étaient rivés sur ces épaules carrées qui lui inspiraient confiance et fermeté.
— Tu n'imagines pas tout ce à quoi je pense près de toi, soupira-t-il, la peau laiteuse de Wulong virant au rouge pivoine. Si je suis fou, c'est bien de ta faute. Je te lâcherais à condition que tu me l'ordonnes. Autrement, je me ferais une joie de te montrer l'étendue de mon imagination en ce qui te concerne. Je tiens à préciser que ma démonstration pourrait te satisfaire, plus que tu ne le présages.
L'alchimiste voulait le croire, bien sûr. Dans ces bras rassurants, il abandonna ses dernières craintes. Est-ce qu'il se réveillerait avec lui ? Est-ce qu'il lui resterait fidèle, s'il se donnait à lui ? Est-ce qu'il éprouvait une inclination particulière à son égard ? L'aimait-il avec sincérité ? Il priait pour que ces réponses soient positives, et il acquiesça peu à peu, tremblant pour la suite. Il espérait que Yichen fasse preuve de bienveillance, dans tous les sens du terme.
À ce hochement de tête fébrile, le sourire de Yichen s'étira à ses oreilles, une joie sans nom s'empara du jeune. À présent, il ne devait rien gâcher, prendre son temps et mettre à l'aise son aîné.
— N'aie pas peur de tes désirs, lui intima-t-il d'un chuchotement.
— Je...Je ne...les redouterai plus, hésita Wulong, interdit. J'y consens.