66 Exeter Street, tome 3 : Le...

By Miss-Laure

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Par Sandra ( @Miss-Vain ) & Laure Tome 3 des aventures de Doraleen McFear, Alice Appletown, Camille Ferguson... More

Présentation
Résumé du tome 1 (spoilant)
Chapitre 1 - Partie 1 : DANS LES AIRS ET SUR TERRE
Chapitre 1 - Partie 2 : DANS LES AIRS ET SUR TERRE
Chapitre 2, Partie 1 : RED SKIRT
Chapitre 2 - Partie 2 : RED SKIRT
Chapitre 3 - Partie 1 : LES LARMES DU CIEL
Chapitre 3 - Partie 2 : LES LARMES DU CIEL
Chapitre 4 - Partie 1 : VÉRITÉ OU MENSONGE
Chapitre 4 - Partie 2 : VÉRITÉ OU MENSONGE
Chapitre 5 - Partie 1 : LE DÉSHABILLÉ LILAS
Chapitre 5 - Partie 2 : LE DÉSHABILLÉ LILAS
Chapitre 6 - Partie 2 : PAR MONTS ET PAR VAUX
Chapitre 6 - Partie 3 : PAR MONTS ET PAR VAUX
Chapitre 7 - Partie 1 : LA VILLE AUX CENT CLOCHERS
Chapitre 7 - Partie 2 : LA VILLE AUX CENT CLOCHERS
NOUVELLE PUBLICATION
Chapitre 8 - Partie 1 : SUR LES CÔTES FLEURIES
Chapitre 8 - Partie 2 : SUR LES CÔTES FLEURIES
Chapitre 9 - Partie 1 : IMPAIR ET MANQUE
Chapitre 9 - Partie 2 : IMPAIR ET MANQUE
Chapitre 10 - Partie 1 : LE SANG SUR LES ÉTOILES
Chapitre 10 - Partie 2 : LE SANG SUR LES ÉTOILES
Nouvelles
Chapitre 11 - Partie 1 : DETECTIVES EN JUPON
Chapitre 11 - Partie 2 : DETECTIVES EN JUPON
Chapitre 12 - Partie 1 : LES HOMMES DE L'OMBRE
Chapitre 12 - Partie 2 : LES HOMMES DE L'OMBRE
Chapitre 13 - Partie 1 : UN MONDE DE MENSONGE
Chapitre 13 - Partie 2 : UN MONDE DE MENSONGE
Chapitre 13 - Partie 3 : UN MONDE DE MENSONGE

Chapitre 6 - Partie 1 : PAR MONTS ET PAR VAUX

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By Miss-Laure

L'aube n'était encore qu'un léger rayonnement dans une brume où se réverbérait le halo des lumières de la ville. Londres s'éveillait seulement. Dans les rues, les haquets passaient sur les pavés avec la lenteur des matins difficiles. Les marchands et autres camelots s'apprêtaient à commencer bien tôt une journée de labeur, tandis que dans les grandes maisons, les filles de cuisine et les femmes de chambre étaient déjà à l'ouvrage pour servir leurs maîtres qui ne tarderaient pas à s'éveiller d'une douce nuit de sommeil.

Comment imaginer tant de vie frémissante derrière ces murs et dans ces rues sombres, à l'orée d'un siècle qui augurait des promesses qu'Alice tardait de connaître ?

Regardant autour d'elle les maisonnées cossues d'Exeter Street, la jeune femme se sentait privilégiée d'être ainsi la seule spectatrice d'une rue si calme et qui déborderait d'allers et venues dans quelques heures. Comme ces petites choses de la vie avaient une toute autre saveur d'avoir échappé à la mort par deux fois.

Plongeant ses doigts dans le poil doux de Poppy qui l'avait suivie sur le trottoir, Alice ressentait encore le sommeil et aurait eu plaisir à retrouver la chaleur de son lit, d'autant que la fraîcheur du matin était pâmée de quelques fines gouttelettes qui densifiait l'air d'humidité.

Mais la fatigue était supplantée par l'excitation du départ. La France était à quelques heures d'elle et de cette ville qu'elle semblait connaître jusqu'à ses plus petites venelles.

Cependant, une part de son cœur était étreint d'appréhension. Elle n'oubliait pas ce qui avait conduit Delhumeau à l'inviter sans aucune transigeance de sa part pour ce voyage : le massacre ourdi par Daniel Delhumeau.

Henry y avait perdu des êtres dont elle ignorait tout mais qui avaient eu une importance pour lui. Elle avait encore souvenir du calme avec lequel il avait commenté la liste des victimes. Mais malgré son apparent détachement, elle n'avait pas eu de mal à comprendre sa peine et sa colère. Fut-elle plus grande encore quand il revint le samedi de l'hôpital où il avait rendu visite à Clément Petitpont. D'un ton guilleret, il avait annoncé son prompt rétablissement mais l'état de miss Clarian ne l'avait en rien apaisé.

La jeune secrétaire avait survécu à son opération, mais restait dans un état que les médecins jugeaient sérieux, voire désespéré. Seul le temps définirait sa guérison. Elle peinait à imaginer ce qu'il serait arrivé si l'un ou l'autre avait succombé à ses blessures, et n'avait rien fait pour le savoir. Car à cette peur pour ses amis, il y avait fait face avec une force qu'elle avait vu devenir une plaie à vif. Il avait su garder toutefois mesure de sa personne et avait affronté les questions de Mrs et M. McFear. Comment expliquer qu'une femme, une espionne folle de jalousie, avait voulu attenter à la vie de leur fille. Cela avait été une autre épreuve dont Henry s'était sorti d'une pirouette, laissant toutefois les parents dubitatifs et lui menteur.

Ce monde, qu'il s'était construit durant ces dernières années trouvant un équilibre précaire, n'était plus et Alice avait décelé la souffrance d'un homme qui refusait de s'ouvrir de crainte de montrer cette faille béante. Henry était aux aboies et ne savait plus vers qui se tourner. Alors, il mordait tout ce qui passait à ses côtés depuis. Toutefois, le soir tombé il n'avait pas fermé l'œil durant ces trois dernières nuits où Ferguson et son épouse avaient changé de domicile de façon temporaire pour le 66. Alice l'avait surprit dans le salon, droit comme un "i" dans le noir, aux aguets du moindre bruit, une arme non loin de sa main droite. Une surveillance constante, malgré la présence d'hommes des services secret français et anglais dans le quartier, conjoints dans cette mission. Certainement pour des raisons qu'Alice trouvaient nébuleuse, mais qu'elle se doutait patinées d'une idée autre que la sécurité de l'un des leurs.

Poppy miaula pour attirer son attention et parvint à la sortir de ce brouillard de pensées.

— Non, je ne t'emmène pas mon grand.

Le chat brailla de plus belle, ronronnant de façon intermittente en se frottant au bas de sa robe. Une tenue de voyage que sa coquetterie n'avait pas manqué de choisir d'un beau bleu roi, froncé de carmin, sa tournure faite d'un bouillonné moins opulent que ne l'exigeait les codes en vigueur pour ce printemps 1888, mais qui rendrait son périple plus aisé. Elle s'emmitoufla un peu plus dans le la laine épaisse de sa Visite, le frimas printanier pénétrant sa chair.

Alice adorait son petit chat aux si grands yeux bleus qu'ils semblaient voir au-delà de ce que tout être avait faculté à contempler. Malin, d'une intelligence vive, elle s'inquiétait de le laisser au 66. Non pas qu'elle doutait de la tendresse qu'avait promis de lui donner Mrs McFear qui avait pris cause et fait pour ce voyage et ce, malgré les récriminations de Doraleen, prenant la décision de rester et de s'occuper de la gestion des deux maisons durant son absence. Mais sa petite boule poils dont le grelot tinta avait manqué de mourir de cette poudre bleu et elle le revoyait encore paralysé sous l'armoire de la chambre de Delhumeau après la fusillade. Elle avait peiné à le rassurer des heures durant et quand enfin elle était parvenue à le sortir de là, il ne l'avait plus quittée, la suivant partout où il lui était possible d'aller avec elle.

Avec attention, elle le prit dans ses bras et s'approcha de la silhouette d'Abigail Grimm, dont la ressemblance avec sa petite sœur était encore plus flagrante à la lumière diffuse du corridor, qui vivait des allers et venues de Henry et Magnus qui descendaient les bagages. Son ventre plein ayant pris encore du volume en tout juste dix jours, elle n'avait pas de peine à imaginer Doraleen enceinte et en éprouva une vive tristesse quand on se remémorait par quelle tragédie cela les avaient menées à se connaître.

— Il ne veux pas vous quitter. Voilà un chat bien aimant, fit remarquer Abigail en prenant dans ses bras Poppy qui poussa un miaulement d'approbation.

— Oui. J'ai moi même peine à le laisser.

— Il sera bien mieux ici qu'en France. Ma mère prendra grand soins de lui, je puis vous l'assurer. Mes sœurs et moi avons grandi avec les chats, tant elle recueillait tous ceux qu'elle trouvait dans le dénuement. Et elle continue.

Abigail apporta foi à ses propos en caressant le félin qui sembla apprécier le doigté.

— Doraleen, allez-vous donc vous dépêcher ? Il ne manquerait plus que nous rations notre correspondance, hurla Delhumeau, tandis qu'apparaissaient Ferguson et Alexandra dans la cuisine pour prendre une collation avant le départ.

Accueillis par Jane McFear qui les installa avec beaucoup d'attention pour les servir, Alice profita qu'un fiacre passa dans la rue pour se détourner de la vision du couple. Leur amour et leur attachement profond n'était plus à réprouver. Cependant, la jeune femme ressentait la sensation de n'être qu'une ombre pour Ferguson, comme un deuil difficile à faire.

— Doraleen, éructa plus vertement Delhumeau.

— Non !

Le ton inflexible du français qui se trouvait au bas des escaliers, accoudé avec cette nonchalance bien à lui, et celui tout aussi volontaire de l'anglaise qui hurlait de sa chambre, amusa Alice et l'écarta aussi vivement de ses considérations de cœurs qui n'avaient pas leur place.

Elle aima au contraire voir Henry s'appesantir sur le garde corps de l'escalier, voûte sur lui-même, inspirant dans un costume qui tranchait avec son habitude d'être toujours du dernier chic avec cette pointe de désinvolture. La toile de son pantalon était simple, sa chemise cotonneuse. Il portait un gilet noir sans aucune fioriture et avait abandonné la cravate, ainsi que son beau manteau, remplacé par un caban démesurément long, les boutons talés par l'usage. Un obscur souvenir qu'il ne quittait plus, dès qu'une certaine mélancolie lui prenait de le sortir de ses armoires. Il n'en semblait pas moins séduisant, sa tignasse sombre défaite et ses yeux gris étincelants d'intelligence et de fatigue. Il inspira bruyamment pour contenir sa rage des beaux jours devant les parents de la jeune femme qu'il prenait, de façon incroyable, grand soin de ne jamais froisser de quelques façons que ce fut. Toutefois, la dernière inconstance de Doraleen mis a mal ses bonnes volontés.

— Descendez où je monte vous chercher.

— N'insistez pas, je ne viens pas.

— Je vais la tuer, murmura-t-il à lui-même, visiblement à bout de nerf.

Alice en eut presque de la peine, mais ne put réprouver un sourire égayé, son amie ayant trouvé de façon souvent inconsciente l'art et la manière de l'exaspérer.

Magnus n'émit aucune réprobation, mais son regard courroucé en disait long. Le français omit délibérément cet excès de tempérament d'un père pour sa progéniture et s'apprêta à monter.

— Laissez, monsieur Delhumeau. Je vais voir ce qui l'ennuie, lança Abigail, en montant déjà les marches d'un pas alerte, nullement gênée par sa grossesse.

Poppy disparut tristement dans ses bras de la vue de Alice qui préféra reprendre patience sur le trottoir, objectant le regard inquisiteur du français qui sembla se rendre compte, enfin, de sa présence.

Elle connaissait et comprenait les raisons de Doraleen de ne pas vouloir les accompagner. Remise de sa blessure, elle en gardait une certaine faiblesse de corps, mais pas d'esprit ni de cœur. Le décès de sa tante et le chagrin était encore trop vif. L'héritage du 66 et du 68 représentait également une raison qui la conduisait à ne pas vouloir abandonner sa gérance de si bonne heure. Et l'insatisfaction coutumière de Delhumeau à son encontre, tout comme son besoin constant de lui montrer de l'attention de façon souvent maladroite et déconcertante, représentait un frein certain. Elle se demanda comment son amie parvenait à ne pas perdre la santé mentale à ce point ballottée d'un homme à un autre, Henry Delhumeau étant l'incarnation même du dieu Janus.

Toute à ses pensées, Alice ne cessait de regarder à son poignet l'élégante montre au bracelet d'argent incrusté de pyrite noire qu'elle venait de s'offrir ainsi que la présence discrète des hommes de l'ombre, dont Henry lui avait révélé la présence la vieille et qui assuraient depuis trois jours leur sécurité. Les secondes passaient lentement, tandis qu'elle entendait sortir du 66 les récriminations d'un Delhumeau qui cherchait quelques affaires, accusant tous ceux qui passaient sur son chemin d'être complice de ce complot. Elle allait sourire de voir Doraleen tirer la langue à son employeur par la fenêtre du salon, enfin descendue de sa chambre, quand une voiture s'arrêta à sa hauteur. En descendirent le directeur des service secret, John Buckett, suivi d'un de ses adjoints. Ses souvenirs étaient vagues, mais son nom lui revint de suite en mémoire. Pope.

De Buckett, elle eut le droit à des salutations polies mais empreint de réserve. De son adjoint, un sourire moins polisse et une attention qui tarda à la quitter. Au point qu'Alice se mordit la lèvre, de crainte de le voir tomber dans les escaliers. Mais l'homme avait visiblement de l'agilité ou une pointe de chance et se retourna à temps. Ils montèrent les escaliers et allaient pénétrer le 66, quand Bucket se retourna sur le jeune homme qui conservait une certaine rectitude, mains dans le dos.

— J'y vais seul, Pope.

L'ordre était dit sans ménagement. Prépondérance d'un supérieur auquel répondit avec déférence son subordonné.

— Bien monsieur.

Buckett entra et Pope se retourna vivement pour observer Alice.

La jeune femme détourna son regard et fixa la rue un instant, se doutant que leur départ allait être un peu plus retardé par leur arrivés. Une part d'elle-même - la petite fouine - avait envie de retourner à l'intérieur pour écouter ce que Buckett avait à dire. Mais l'autre, la jeune femme bien éduquée, n'en fit rien, tuant sa part russe qui s'écriait déjà à la machination.

Elle continua d'observer les vas et viens de la rue. Le garçon de boucher qui livrait sa viande un peu plus loin, M. Roberts faisant sa promenade matinale quotidienne et la saluant avec bonhomie, un cab qui passait. Mais cette distraction ne retira en rien son malaise. Alice sentait le regard de Pope toujours posé sur elle. Curieuse et déterminée à comprendre ce qu'elle pouvait avoir d'intrigant, elle se retourna vers lui.

L'homme qui devait avoir tout juste la trentaine gardait cette posture droite, réciproque à celle de Ferguson. Celle d'un homme qui avait servi dans un corps de l'armée. Il lui adressa cependant un léger hochement de tête et elle ne put s'empêcher de lui en faire un en retour. Il était élégamment vêtu d'un costume noir, la coupe était bonne et cependant désuète, le tissu n'était pas d'une excellente qualité, sans être d'une mauvaise non plus. Il avait un chapeau melon, légèrement incliné sur la tête, qui laissait échapper quelques mèches d'un châtain foncé sur son front. Mais plus encore remarqua-t-elle son regard, aux yeux bleus presque translucides, rieurs et acérés à la fois.

Après un instant qui lui parut une éternité, elle le vit descendre les marches du 66 et faire signe dans l'ombre. Un homme en émergea tel un spectre, sombre et silencieux et après quelques mots échangés, reprit sa place non sans avoir acquiescé.

Devait-elle y voir un assentiment poli entre deux congénères de même grade ou une marque d'un plus grand respect que l'on dévolu à un supérieur ? La place de cet homme restait finalement incertaine pour la jeune femme qui cherchait à satisfaire les leçons de son maître.

Elle en était à se poser la question quand, comme prenant une décision soudaine à l'instar de chacune de ses réactions, l'adjoint avala les pavés du trottoir de quelques pas et s'approcha d'elle, comme si elle en avait fait la demande. Alice resta circonspecte, bien que surprise de cette allure frondeuse, accommodée d'un je ne sais quoi qui ne lui était pas étranger.

Se rappelant des recommandations de Delhumeau de ne surtout pas fraterniser avec l'ennemi, surtout s'il était séduisant, Alice était bien résolue à lui obéir, en bon élève et prit une attitude à la limite de l'indifférence.

— Bonjour. Miss Appletown, je présume ?

Son sourire était quelque peu arrogant, autant que sa pose, mais sa voix chaleureuse et avenante le rendait pourtant attachant et Delhumeau était bien mal placé pour dire ce qu'il convenait de faire ou ne pas faire avec l'autre camps.

— C'est correct, et vous êtes Mr Pope, c'est bien cela ?

— Vous avez retenu mon nom. Je dois m'en féliciter ?

Il garda son sourire et s'appuya contre la voiture dont les chevaux trépignaient d'impatience.

Alice aurait dû rougir, se fustiger, mais elle emprunta le ton docte que Henry employait régulièrement.

— C'est cela de travailler avec un détective, espion de surcroît, on apprend à tout retenir.

Mais elle ne put s'empêcher de sourire face à sa nonchalance.

— Ah ! J'avais entendu dire que vous étiez son employée. J'avoue avoir été pris de curiosité, Miss Appletown.

— Parce que je suis une femme, certainement ?

— Entre autre chose, oui.

— Principalement, rectifia-t-elle.

— Mais je commence à mieux cerner le pourquoi, finit-il, ignorant la dernière remarque.

Pope se redressa, sa grand confiance se faisant un peu plus légère au profit d'une attitude plus distinguée.

— Vous êtes affranchie, quelque peu fière, ce qui est utile dans ce métier si l'on veut faire fie de la morale. Intelligente, mais pas assez pour garder pour vous ce que vous pensez, visiblement.Du peu que j'ai entendu de Delhumeau, il doit apprécier. Et vous êtes de surcroît tout à fait charmante.

Le rouge empourprant ses joues, la jeune femme ne sut s'il convenait de le gifler ou de s'enorgueillir de ce portrait. Elle ne choisit aucune de ces deux solutions.

— Laissez-moi résumer, je suis fière, amorale et ne suis qu'une sotte. Et bien, je suis ravie de vous avoir posé la question !

Elle était piquée à vif et n'avait nullement l'envie de le cacher.

Loin de se montrer touché, Pope afficha un assurance plus grande et se rapprocha d'Alice, l'intonation de sa voix se faisant confidente.

— Et légèrement susceptible.

— Bien, Monsieur Pope, je suis ravie d'avoir fait votre connaissance. Vous vous entendrez sans nul doute très bien avec Delhumeau.

Alice se détourna dignement de lui pour faire de nouveau face à la rue. Elle ne pouvait voir l'effet de sa dernière tirade mais Pope se frotta l'arrière de la tête, quelques peu contrit. Il finit par se racler légèrement la gorge et s'approcha à nouveau d'Alice, ne laissant pas la distance que prévalait les us et coutumes, tandis que Ferguson sortait du 66 en compagnie de son épouse.

— Vous abandonnez déjà ? Voyons, qu'auriez vous à dire de moi ?

Sans faire attention à Ferguson, une fois n'est pas coutume, elle se tourna à nouveau vers Pope et répondit sûrement :

— Cela vous intéresse ?

— La psyché de l'être me fascine.

— Vraiment ? Alors voyons. Vous êtes un petit bonhomme anglais étriqué qui veut se donner des airs. Et bien sûr, vous savez visiblement parler aux femmes, dit Alice en se radoucissant, voyant sa mine contrite. Mais contrairement à Delhumeau, vous semblez faire preuve de remords.

Pope se gratta à nouveau l'arrière de la tête, reprenant de sa confiance.

— Votre patron est un tel bourreau ?

— Disons qu'il a sa façon à lui de montrer son affection. Et elle se résume souvent à nous jeter au visage les pires insanités.

— D'où lui vient cette hargne proverbiale ?

— Si je le savais, se moqua Alice.

— Heureux de voir en tout cas que vous n'avez pas pris ce travers. Vous auriez pu vous venger de ma maladresse en m'assénant mes défauts et vous me pardonnez déjà. Je craignais pour notre voyage.

— Comment ça, notre voyage ? s'empressa-t-elle de demander, oubliant par la même qu'elle ne lui pardonnait rien du tout.

— J'ai pour mission de vous escorter jusqu'à Douvres.

Alice parut rassurée qu'il s'arrête à la frontière entre l'Angleterre et la France, mais elle ne put empêcher sa nature de petite fouine de refaire surface.

— Pourquoi devez-vous nous accompagner jusqu'à Douvres ?

Pope ouvrit la bouche pour répondre, mais la voix de Ferguson qui s'approchait après avoir aidé Alexandra à s'installer à l'intérieur de la voiture, le coupa dans son explication.

— Bonne question. Depuis quand les services secrets de Sa Majesté s'inquiètent de la sécurité d'un français, monsieur... ?

— Pope, professeur Ferguson. Le royaume juge qu'il ne s'agit pas d'un français en l'occurrence, mais de la France. L'entente qui nous unit est en péril. Il nous serait désagréable qu'il vous arrive quoi que ce soit sur le territoire de Sa Majesté, ne serait-ce que pour prévaloir à la bienséance entre États amis et à la bonne réputation de l'Empire.

Voilà un discours qu'Alice jugea d'emblée celui d'un autre. Et Ferguson en fut visiblement tout aussi convaincu.

— Vous avez bien appris votre leçon, monsieur Pope, badina Ferguson.

L'allusion était cependant lancée avec franchisse et Pope en fut pour le moins gêné de n'avoir pas su faire illusion.

— En somme, vous vous inquiétez de la santé de Delhumeau ? demanda Alice que cette pensée semblait incongrue.

— En partie oui.

— Qu'elle est l'autre partie ? fit Ferguson d'un air plus réservé qu'amusé.

— Miss Appletown, s'empressa-t-il de dire.

Alice se figea, son cerveau tourna au ralenti. Que voulait-il dire par Miss Appletown ? Elle se tourna vers Ferguson qui la regardait intrigué. Elle écarquilla les yeux de surprise et le rouge lui monta aux joues.

— Que... Quoi... Mais pourquoi ? demanda-t-elle à Pope.

— Eh bien, nous avons des intérêts communs.

— Votre père, Alice, finit Ferguson qui gouttait moins encore la tournure de la conversation. Quel surprise !

— Mais je mentirais, reprit ce dernier, en disant que je n'apprécie pas cette mission qui me permet d'être à vos côtés, miss.

Ferguson se posta devant Alice et toisa le malappris avec rudesse. Il savait adopter là une attitude trop possessive que la décence lui réprouverait, mais le sourire et les mots suffisants du jeune homme réveillèrent son besoin de protéger la jeune femme. Sans équivoque, la nécessité de s'appuyer sur sa canne, cachant son vibrant désir de lui coller son poing dans la figure. L'homme, aussi charmant pouvait-il se montrer, lui était brutalement antipathique.

— Je vous trouve un tantinet impertinent, monsieur.

Ferguson et Pope se toisèrent de cette animosité prompt aux hommes voulant prouver leur virilité, quand apparut le mâle dominant du 66 Exeter Street.

Furibond, Delhumeau sortit de la maison, talonné d'un Buckett qui peinait à le suivre.

Chacun ignoraient la teneur exacte de la conversation qui avait lié les deux hommes, mais elle avait laissé le français furieux. Il les rejoignit à pas de géant, jetant au cocher son sac en cuir élimé qui avait parcouru plus de lieux que les chevaux. Sans se départir de sa colère, il se figea devant Pope, coupant net la guerre silencieuse qui se jouait avec Ferguson et le regarda de haut en bas, un temps suffisant pour créer une certaine gêne chez ce dernier.

— Il semblerait donc que l'Angleterre nous fasse la grâce d'une escorte. Je m'attendait à mieux. Un seul homme. J'espère que vous avez des secrets qui font de vous un être exceptionnel.

— Je ne suis pas seul, monsieur Delhumeau. Et je suis plein de ressource.

— Vous voyez cette appétissante rousse qui descend les escaliers ?

Montrant du doigt Doraleen qui se postait sur le seuil de la porte, suivie de ses parents, Pope ne put s'empêcher de la contempler comme beaucoup d'autres. La jolie rousse avait la taille avenante dans une robe de popeline crème, sans aucune tournure, un simple coussin de crin accentuant la cambrure de sa silhouette. Mais il y avait de l'audace dans ces manches 3/4, ce décolleté arrondi et généreux et la longueur de sa jupe qui s'arrêtait aux chevilles, dévoilant l'ourlet de dentelle de son jupon et ses bottines bleu-marine. De l'audace, voire de l'effronterie pour tout ce qui était au goût-du-jour.

— Oui, monsieur. Appétissante, c'est le mot, finit-il par dire en profitant des formes voluptueuses et des mouvements innocemment aguichant de la jeune femme.

Bien trop longuement et bien trop approbateur pour Alice et Ferguson qui, avec connivence, s'amusaient déjà de la diatribe virulente que le gringalet allait essuyer.

— C'est bon, vous pouvez cesser de la regarder, monsieur Pope !

Conscient d'avoir été maladroit en pensant répondre positivement aux attentes du français, Pope se fit plus raide, voulant corriger son écart.

— Cette femme, reprit Delhumeau, qui peut paraître sotte et superficielle, a plus de ressources qu'on pourrait le soupçonner. Miss Appletown tout autant. Je ne parle par du professeur Ferguson qui a survécu a cinq longues année en ma présence. Ça tient d'une véritable force de la nature ou du masochisme. Vous... Vous êtes ambitieux et stupide de croire que d'un sourire et de votre suffisance, vous allez me mettre dans votre poche. Si vous croyez que je n'ai pas compris ce qui vous amène réellement à faire ce voyage en notre compagnie, c'est bien sous-estimé mes capacités. Vous voulez la boite de Pandore ? C'est là votre mission, vous approcher de moi et donc de mon frère. Effacez ce sourire de votre bouche. Je n'y vois rien d'autre que le faux semblant qu'a dû vous apprendre votre père, un petit pasteur de village perdu au fin fond des Highlands. Comme cela a dû être difficile de grandir avec la morale de dieu au dessus de la tête, comme les années qui vous ont séparé de la liberté a du être une pénitence longue et affreuse. Arborez-vous ce même petit air satisfait quand vous lui rendez visite ? Non. Vous ne le pouvez pas. Que penserait un Écossais de voir son fils embrasser la cause impériale ? Avoir tant souffert pour gravir les échelons et devoir garder le silence sur ce qui fait votre fierté.

Pope inspira, ne sachant qu'elle attitude adopter. Visiblement le don indéniable de Delhumeau avait encore touché juste, vu son visage blême et ses poings serré.

Non sans ressortir du remord à voir le jeune homme blessé par les mots de Delhumeau, Alice ne put s'empêcher d'ajouter.

— Je ne vous présente pas monsieur Henry Delhumeau. Peut-être voyez-vous ce que je voulais vous dire tout à l'heure ?

Visiblement mal à l'aise, Pope acquiesça mollement. Cependant, il restait stoïque, affrontant le regard de Delhumeau qui le dépassait sensiblement en taille. Curieusement, Alice ne put s'empêcher de noter soudainement que les deux hommes qui se faisaient face avaient la même attitude renfrognée, mains dans les poches, se toisant, le sourire en moins chez le jeune homme.

Voilà ce quelque chose de Pope qu'Alice avait noté sans pouvoir y mettre les mots. Elle considéra Ferguson qui devait en être arrivé à la même réflexion, visiblement amusé, attendant de voir comment le jeune homme allait asseoir sa position devant Delhumeau qui ne lui avait rien épargné et surtout pas une vérité qu'il avait déduit, on ne sait comment.

Finalement Pope, jeta un subreptice regard à Alice, lui souriant avec connivence, mais ces mots étaient portés à Henry.

— On m'avait prévenu, je ne suis pas déçu. A quoi cela tient-il ? Des parents au passé obscur ? Un frère fou ? La frustration ? Une femme, peut-être ?

Alice ne put s'empêcher de glousser. Pour une fois que quelqu'un osait s'en prendre à Delhumeau. L'aplomb de Pope remonta dans son estime et sembla amuser le français.

— Certainement un peu de tout cela, Monsieur Pope.

Delhumeau se retourna pour considérer Alice, puis se rapprocha de Pope, gardant pour confidence ces dernier mots.

— Je crois que vous lui plaisez. Oubliez-la, chasse gardée !

Pope plissa des yeux et se rapprocha à son tour, tous deux conscients qu'aucun mot n'échappait aux oreilles d'Alice et de Ferguson.

— D'après son dossier elle est célibataire, non ?

Il regarda la concernée, attendant une réponse de sa part, plutôt que celle de Delhumeau.

— Et d'un rang social, supérieur au votre, Pope, cingla Delhumeau.

Dans cette bonne société anglaise, il n'était pas crime aussi grand pour l'Etablishement que les castes sociales se mélangeant par union. Tous le savaient et ce fut avec dépit que la jeune femme vit Pope se frayer dans le piège tendu par un Delhumeau qui le poussait à la faute.

— Un rang perdu d'un père qui a trahit sa patrie.

Tout juste les mots prononcés, Pope se mordit les lèvres et baissa les yeux sous le regard victorieux de Henry Delhumeau.

Ce dernier se retourna pour darder ses compagnons, bras écartés comme pour marquer encore plus l'évidence un très bref instant avant qu'il ne redevienne sombre.

— Vous arrive-t-il de perdre, monsieur Delhumeau ? prononça avec morgue, Pope.

Le français le dévisagea, plus sérieux, moins querelleur.

— Bien sur. Mais je ne le montre jamais.

C'était là un conseil que l'agent prit le parti de prendre comme une leçon de vie.

— Je suis désolé, miss Appletown.

— Abandonnez, s'interposa Buckett qui avait assisté à la scène avec intérêt et déçu de la défaite de son poulain. Delhumeau vous a poussé à commettre un impair et ses amis en sont parfaitement conscients.

Mais l'adjoint ne sembla pas rasséréné pour autant et s'approcha d'Alice, que couvait Ferguson d'un œil torve.

— Miss Appletown, comment réparer ma bêtise?

La jeune femme dévisagea tour à tour Henry, Pope et Ferguson, complètement perdue, touchée de la hantise de cet homme qui paraissait si sûr de sa valeur. Finalement, son salut vint de Doraleen qui se trouvait maintenant au centre du trottoir.

— Ah, vous voilà, fit-elle en s'éloignant de la zone sensible. Êtes-vous enfin prête ? Et bien, personne ne peut l'aider avec ses bagages ?

— Pope rendez-vous utile, sermonna Buckett.

Mais ce dernier s'était déjà précipité prenant les bagages. Loin de présumer du besoin impérieux des femmes pour emporter tout ce qui leur était nécessaire, Il déduisit du poids des effets de la jolie rousse qui le rétribua d'un sourire de connivence qu'elle avait des nécessités conséquentes.

Se mordant la lèvre inférieure, sans aucun doute intéressée par le jeune homme, Doraleen mit ses gants parlant d'un ton secret, mise en appétit.

— Charmant ? Qui est-ce ? demanda-t-elle à Alice.

La jeune femme sentit un petit pincement de jalousie. Même si elle n'était pas vraiment intéressée par lui, Pope avait montré de l'attention à son égard. Et s'il avait montré quelques qualités de Delhumeau, il était bien plus humain que le français. Elle savait que si Doraleen le voulait, elle ne ferait qu'une bouchée de lui. Cependant, elle ne lui en tint pas rigueur, tellement elle aimait son amie et était contente qu'elle reste finalement à ses côtés.

— Il s'agit de l'agent Pope, service secret anglais, qui vient de subir l'inquisiteur Delhumeau. Il nous accompagne jusqu'à Douvres.

— Intéressant, fit sibylline la charmante rousse.

— En quoi ?

— Intéressant et intéressé, se contenta-t-elle de répondre en avisant Pope peinant avec les bagages que le cocher mettait sur la galerie, mais jetant dans leur direction un regard soutenu.

Alice n'eut le temps de formuler la moindre question, les pas de Jane McFear la poussant à laisser mère et fille se dire adieux.

— Ma chérie.

Doraleen se retourna, prenant soin que son petit chapeau crème crêpé de soie sauvage bleu ne tombe de sa tête, mal maintenu par les épingles. Un signe pour elle que ce voyage était une bien mauvaise idée, même si le délice de la France avait un parfum doux de liberté.

— Maman. Je ne devrais pas partir.

— Allons ma fille. Ce voyage te fera le plus grand bien.

— C'est une erreur.

— Pourquoi ?

Doraleen n'osa répondre ce qui était évident à son esprit et un tourment pour son cœur.

— Doraleen, tu as connu ces derniers temps des moments très difficiles. Vois ces vacances comme un renouveau. Entre le décès de ta tante et celui de ton fils...

— Jane ! réprimanda Magnus.

Mais le mensonge était dévoilé et il était trop tard pour chacun de faire machine arrière.

Doraleen chancela. Presque sur le point de s'évanouir, Delhumeau se précipita à ses côtés pour la soutenir avec une discrétion que d'aucun ne perçut que comme un geste anodin. Imperceptiblement tendre. Elle le repoussa toutefois lentement mais avec tact, d'un léger mouvement de tête, son cœur ne pouvant répondre à pareille attention tandis que son sang s'était glacé d'effroi. Elle ne savait pas quelle attitude adopter et resta un moment perdue, avant d'enfin affronter le regard de sa mère qui ne la quittait pas et attendait avec patience. C'était là la seule attitude que sa fierté approuva.

— Comment ? Depuis quand ?

Jane soupira, mêlant compassion et agacement.

— Ta tante nous a écris pour nous raconter tes malheurs, l'été dernier, formula Magnus, avec de cette délicatesse dont n'était pas spécialement pourvut son épouse.

— Ainsi, vous savez tout.

— Oui. Ton père et moi savons quel genre de vie tu as mené.

Doraleen affronta le regard pesant de ses parents avec un courage qu'Alice, de ça place, approuva, la comblant d'amitié pour son amie.

— Vous devez avoir une image bien dégradée de ma personne.

— Bien sur qu'ils l'ont, souffla Delhumeau à l'oreille de la jeune femme.

Jane posa un soupir agacé sur le français qui eut une grimace dévoyée, mais s'obligea à reculer de quelques pas.

— Doraleen, je ne nie pas que je suis quelque peu choquée et que j'ai été profondément chagrinée de ta position délicate et de la perte de ce bébé. Je suis si désolée de ce qui t'es arrivée. C'est peut-être notre faute à ton père et moi...

— Non !

— Bien sur que si. Si nous ne t'avions pas réprimandée à chaque fois dans tes scabreuses aventures amoureuses. Si nous t'avions plus soutenue dans tes souhaits de devenir danseuse. Si je n'avais pas martelé sans cesses ta nature impudique et incomprise dans ton souhait de changer de prénom. Si j'avais était un mère plus prévenante, tu serais venue nous retrouver et nous aurions accepté cette grossesse. Notre petit-fils... Mais... Ah seigneur ! Tu es une femme intelligente et indépendante. Tu l'as toujours été, se rit-elle. Je ne t'ai jamais complètement comprise, mais tu as su t'affranchir du mariage dans une société qui ne présente que cette voie aux femmes. Tu es si libre. Comment ne pas être fière ? Je sais que je n'ai pas à m'inquiéter de ton avenir, ma fille. Tu sauras toujours te débrouiller, quoi qu'il arrive.

Doraleen se précipita dans les bras de sa mère. Accueillie avec amour, elle réprima ces larmes qui auraient été mal venues, bien que sincères de son émotion devant ce qui était les premières paroles aimantes de ses parents. Elle savait être aimée, comme toute fille par ses parents, mais jamais elle n'avait espéré être acceptée pour ce qu'elle était. Une femme en marge de la société pour ce qu'elle quémandait de droiture. Une femme libre.

— Allons. Tu vas mettre en retard tous tes amis, ma chérie, réprimanda Jane McFear qui cherchait à masquer les quelques larmes qui menaçaient de couler.

— Oui, acquiesça la jeune femme en se séparant des bras de ses parents.

— Ne t'inquiète pas pour la maison. Ta sœur et moi allons en prendre soins. Fais bon voyage et écris-nous.

— Chaque jour.

Doraleen embrassa ses parents et rejoignit Alice qui l'accueillit de son plus franc sourire et d'un geste bienveillant, pour toutes deux s'avancer vers l'attelage et un cocher qui commençait à trépigner d'impatience.

— Monsieur Delhumeau !

Rappelez à l'ordre, le français qui s'apprêtait à rejoindre Ferguson qui avait pris en charge d'aider ces dames à monter, se retourna, le bas de son manteau frappant ses jambes. Mains dans les proches, il se voulait assuré. Il savait faire preuve également d'un pointe d'arrogance que ne dut pas manquer Jane McFear.

— Monsieur Delhumeau, j'avoue rester très inquiète, malgré vos explications, votre profession qui vous conduit dans de si grands périls. Je sais tout ce que vous m'avez raconté et... Seigneur. Je ne veux pas qu'il arrive quoi que ce soit à ma fille.

— Mrs McFear. S'il y a bien quelqu'un auprès de qui votre fille peut être en sécurité, c'est moi.

— Un français ?

— Ma nationalité n'a rien à voir avec mon désir de protéger votre fille, madame.

— J'y compte bien.

Sans autre mot, Jane McFear se retourna avec ce dédain de tragédienne dont avait hérité sa fille et fut suivit de son époux qui lui jeta un dernier regard.

Delhumeau ne sut pas s'il devait y déceler de la colère, de la froideur ou une certaine compassion masculine. Tout du moins, fit-il au moins une dernière recommandation silencieuse.

— Vous voilà prévenu, mon ami. Vous avez les parents sur le dos.

La voix de Ferguson, tira Delhumeau de sa contemplation des membres de la famille McFear.

— Je préférerais que ce soit la fille.

— Qui ne le voudrait pas ? badina Ferguson. Alors pourquoi faites-vous tout ce qu'il faut pour que cela n'arrive pas.

— Ah, Ferguson. Delhumeau se retourna, inspirant le début de sa phrase comme prêt à déclamer quelques vers. Pourquoi vous faut-il vous montrer si curieux en des endroits impropres. Votre intelligence gagnerait beaucoup à s'investir dans des sujets plus difficile.

— Comme ce Pope.

Les deux hommes fixèrent le dénommé qui, d'un geste, venait de rameuter trois agents siégeant dans la rue depuis trois jours. Ces derniers montèrent dans le second cab qui venait de faire son apparition dans la rue. Visiblement, Pope ne serait pas seul à les accompagner.

— Je n'aime pas le savoir avec nous, Delhumeau.

— Moi non plus, mon ami, mais je préfère l'avoir à mes côtés durant le voyage, que derrière moi.

— Il n'est pas là pour notre protection.

— En aucune façon.

— Votre frère et cette boîte de Pandore.

— Sans nul doute.

— Nous n'en serons probablement pas débarrassés à Douvres, combien même nous le verrions rester sur les quais.

— Je sens que vous présumez bien, Ferguson.

Ferguson le quitta sur ces derniers mots pour monter dans l'attelage et se mettre auprès de son épouse, Alice lui tenant déjà compagnie. Leur faisait face Pope auprès de qui s'installait une Doraleen visiblement encore indécise. Ne lui laissant pas même le temps de soupeser une seconde de plus la question de sa présence pour ce voyage, Delhumeau grimpa dans la voiture après avoir jeté un dernier regard sur le dernier étage du 68 et la silhouette de Lorianne Forster. Il lui avait encore, ce matin même, proposé de venir. Elle avait refusé. Son choix était fait et il n'était rien qu'il put faire pour elle désormais.

Il ferma la portière et Ferguson ordonna la marche d'un coup sur le toit du pommeau de sa canne.

Les chevaux s'ébrouèrent de satisfaction et la voiture se mit en branle.

— Miss McFear, je suis curieux.

— Vraiment ?

— Votre mère a parlé de changement de prénom et...

Le regard noir que souleva cette phrase le laissa sans voix. Visiblement le sujet était clos et pour une fois il laissa tomber le sujet pour en aborder un tout autre avec taquinerie.

— J'espère que vous avez pris votre déshabillé lilas, formula Delhumeau à l'oreille de sa compagne de voyage.

La bouche de Doraleen s'ouvrit sur un souffle chaud et incrédule.

— A voir le rouge de vos joues, c'est oui.

Elle ne prononça aucune phrase. Et c'était là tout à fait inutile, son cou palpitant, sa poitrine gonflées exprimaient bien plus que de simples mots.


__________________


Et on dit bonjour à Pope ! N'est-il pas adorable ? 

La semaine prochaine, rendez-vous à la gare et... oh ben, on vous laisse la surprise. Mais vraiment, ce n'est pas de tout repos de voyager avec Henry Delhumeau. 


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