66 Exeter Street, tome 3 : Le...

By Miss-Laure

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Par Sandra ( @Miss-Vain ) & Laure Tome 3 des aventures de Doraleen McFear, Alice Appletown, Camille Ferguson... More

Présentation
Résumé du tome 1 (spoilant)
Chapitre 1 - Partie 1 : DANS LES AIRS ET SUR TERRE
Chapitre 2, Partie 1 : RED SKIRT
Chapitre 2 - Partie 2 : RED SKIRT
Chapitre 3 - Partie 1 : LES LARMES DU CIEL
Chapitre 3 - Partie 2 : LES LARMES DU CIEL
Chapitre 4 - Partie 1 : VÉRITÉ OU MENSONGE
Chapitre 4 - Partie 2 : VÉRITÉ OU MENSONGE
Chapitre 5 - Partie 1 : LE DÉSHABILLÉ LILAS
Chapitre 5 - Partie 2 : LE DÉSHABILLÉ LILAS
Chapitre 6 - Partie 1 : PAR MONTS ET PAR VAUX
Chapitre 6 - Partie 2 : PAR MONTS ET PAR VAUX
Chapitre 6 - Partie 3 : PAR MONTS ET PAR VAUX
Chapitre 7 - Partie 1 : LA VILLE AUX CENT CLOCHERS
Chapitre 7 - Partie 2 : LA VILLE AUX CENT CLOCHERS
NOUVELLE PUBLICATION
Chapitre 8 - Partie 1 : SUR LES CÔTES FLEURIES
Chapitre 8 - Partie 2 : SUR LES CÔTES FLEURIES
Chapitre 9 - Partie 1 : IMPAIR ET MANQUE
Chapitre 9 - Partie 2 : IMPAIR ET MANQUE
Chapitre 10 - Partie 1 : LE SANG SUR LES ÉTOILES
Chapitre 10 - Partie 2 : LE SANG SUR LES ÉTOILES
Nouvelles
Chapitre 11 - Partie 1 : DETECTIVES EN JUPON
Chapitre 11 - Partie 2 : DETECTIVES EN JUPON
Chapitre 12 - Partie 1 : LES HOMMES DE L'OMBRE
Chapitre 12 - Partie 2 : LES HOMMES DE L'OMBRE
Chapitre 13 - Partie 1 : UN MONDE DE MENSONGE
Chapitre 13 - Partie 2 : UN MONDE DE MENSONGE
Chapitre 13 - Partie 3 : UN MONDE DE MENSONGE

Chapitre 1 - Partie 2 : DANS LES AIRS ET SUR TERRE

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By Miss-Laure


Le wagon n°9 pouvait paraître rudimentaire. Mais le bois chaud et les quelques glands pendus en guirlande sur les filets à bagages ajoutaient une note fastueuse. Les bancs en bois étaient des assises rendues plus confortables par les quelques voyageurs prévoyants qui avaient amené avec eux un coussin. Ils n'étaient qu'une vingtaine dans ce wagon, mais pour beaucoup, des gens d'une classe sociale qui pouvaient s'accommoder de la demi-mesure. Ces messieurs conservaient cravates et chapeaux haut de forme, quand ces dames avaient sorti la fine dentelle et la mousseline, se donnant quelques brins d'air d'éventail qui devaient coûter une petite fortune pour certains. Des couleurs chatoyantes et un air floral de printemps - signes que la nature reprenait vie - envahissaient l'habitacle ainsi que quelques bribes de conversations policées.

Un calme relatif qui convenait bien à la jeune femme installée de tout son long. Sur le banc qui lui faisait face, deux gros bagages placés là judicieusement pour inviter quiconque à s'asseoir ailleurs. Sans nul doute que cette tactique fut efficace, mais bien moins que le regard revêche de la jeune femme.

Car Luz Petitpont, épouse émérite, mère de trois enfants, rousse aux formes généreuses et un esprit si génialement créatif que l'on pouvait la comparait à un Léonard de Vinci en jupon, avait de la morgue dans chaque sourire. Ses yeux marron malicieux avaient également cette faculté de laisser entendre que le goût du sang était favorisé à chacun de ses déjeuners. Se laissant bercer par le cahot du train, elle s'assoupissait en lisant un livre sur les dernières recherches en aéronautique. Voir un tel ouvrage dans les mains d'une femme devait également contribuer à sa tranquillité. Elle savait que bon nombre d'hommes lui jetaient des regards outrés. Sa nonchalance et sa poitrine engoncée dans un corsage bleu pâle brimant les institutions en matière de savoir-vivre et elle s'en moquait avec impertinence.

Soudain, la tranquillité fut brisée par l'ouverture de la porte du wagon. Le sifflement et les rythmes des bielles envahirent l'habitacle avant que la porte ne soit refermée ramenant un tant soit peu de silence. Mais le pas volontaire, presque furieux, fit soupirer Luz d'exaspération. Sa lecture s'achevait maintenant.

- Vous étiez en retard, se défendit-elle mollement, en écartant ses pieds pour laisser place au nouvel arrivant.

- Silence femme de peu de foi, déclama Delhumeau en se tenant devant elle.

Elle l'inspecta des pieds à la tête et eut une moue moqueuse de son visage rond, aux joues roses sur teint de porcelaine.

- Qu'est ce que vous avez encore fait ? demanda-t-elle en le voyant dépenaillé, les cheveux ébouriffés.

- J'ai pris le train en marche.

- Vous ne faites décidément rien comme tout le monde. Pédant !

Pour toute réponse, Henry ouvrit son sac de voyage et en sortit une chemise propre.

- Pourquoi a-t-il fallu que vous m'accompagniez, maugréa-t-il en se moquant bien d'attirer sur eux tous les reniflements de dédain.

- Parce que c'est mon prototype, cracha-t-elle à son tour en posant la main sur un sac à dos en toile brune.

Henry jeta sa veste et son gilet dans sa valise et se défit de sa chemise en écartant purement et simplement les deux pans de tissu. Les boutons cédèrent et volèrent en travers du wagon sous les regards médusés des voyageurs qui voyait ce dernier arrivant se mettre à demi-nu.

Ce torse musclé saillant, stigmatisé de cicatrices, dont une brûlure lui barrant le dos choqua autant qu'il attira les convoitises des dames moins regardantes ou assez seules pour y risquer un œil concupiscent.

Luz Petitpont, qui avait déjà goûté les bras de Delhumeau par le passé, n'y vit rien d'intéressant en épouse fidèle. Quoique...

Mais l'instant de plaisir passé, elle nota le tatouage que son compagnon de voyage arborait à l'intérieur de son bras droit. L'un des arcanes du jeu de tarot : l'ermite, ainsi que le filet de sang sur son épaule.

- Vous êtes blessé, se précipita-t-elle de faire remarquer en se levant d'un bond.

- Des Russes.

- Laissez-moi regarder, ordonna-t-elle en sortant une trousse en cuir de son bagage.

- Pas question que vous me touchiez, espèce de cinglée.

- Ce n'était pas une proposition, abruti.

D'une main, elle l'empoigna et le fit s'asseoir puis l'enjamba afin de lui prodiguer les soins nécessaires. N'ayant que peu d'affinités avec cet homme qui avait le don de la mettre en colère de sa simple présence, Luz avait pour mission de s'assurer qu'il revienne en un seul morceau. Et son époux, qui avait pour Henry Delhumeau une dévotion qui dépassait l'entendement, ne le lui aurait jamais pardonné son manque de tolérance. Enfin, elle se souvint dans sa mémoire d'avoir prêté le serment d'Hippocrate après ses études de médecine.

Debout dans l'allée, ses jupes rebondies en un joli bouillon de soie sauvage, elle méprisa les airs courroucés et examina la plaie tout en sortant le nécessaire de sa trousse de cuir posée sur la tranche du banc contiguë.

- Vous nous faites remarquer... bougonna Henry, en étendant ses jambes pour se mettre plus à l'aise.

La remarque n'avait que pour but de briser ce silence qui lui était plus pesant, car elle incitait son cerveau à travailler là où il souhaitait le mettre au repos.

- Ça devrait vous plaire, minauda-t-elle ses seins ballottés sous ses yeux par les mouvements du train.

- Possible...

Voyant qu'il regardait plus profondément son décolleté, elle comprit le sous-entendu qui n'avait rien à voir avec l'orgueil du Français qu'elle mettait en avant et posa rageusement sur la plaie un coton imbibé d'une solution alcoolique. Delhumeau, se crispa sans émettre le moindre son et détourna son regard, comprenant la punition.

- J'espère que votre truc fonctionne, fit-il en montrant du doigt le sac de toile.

Une question pour oublier la douleur de l'aiguille qu'il sentait passer dans sa peau. Il avait pourtant espéré échapper aux points de suture, à moins qu'elle n'ait trouvé là l'occasion de le faire souffrir.

- Bien sûr qu'il fonctionne. C'est mon prototype, répondit-elle en prenant soin des cahots du train qui malmenaient son travail de couture.

- Je vous rappelle qu'avec l'une de vos géniales trouvailles, j'ai perdu mon odorat.

Luz soupira bruyamment. Cette histoire, Henry ne cessait de la rabâcher. Sans jamais l'avouer ouvertement, elle s'en reprochait encore aujourd'hui les effets dévastateurs que cela avait eus sur lui.

- Je vous ai dit que ça reviendrait.

- Ça fait six ans.

- Ça reviendra, cracha-t-elle les dents serrées.

- Six. Ans.

Pour seule réponse, elle coupa le fil et remisa son matériel dans sa trousse. Elle constata seulement alors que tous les voyageurs les observaient, les yeux prêts à jaillir de leurs orbites, tant ils devaient être choqués du spectacle auquel ils assistaient sans en comprendre un mot, Delhumeau et elle-même s'exprimant en français depuis le début. Mais la verve de la jeune femme n'ayant pas de frontière même aux barrières de la discrétion, elle les toisa plus vertement encore qu'ils ne la rabrouaient de leur moralité bien faite et leur asséna des mots bien sentis.

- Was ? Hören Sie auf, mich so anzusehen ! Sie perverser Mensch !* fit-elle dans un allemand, à l'accent léger.

Aussitôt, on se formalisa d'être si abruptement bousculé par des exclamations. Mais l'altercation cessa sur cet entrefait et Luz se rassit à côté d'Henry qui passa sa tête, lançant avec nonchalance une phrase sans accent.

- Entschuldigen Sie ihr. Sie ist Französin*.

Il se rassit et s'habilla de la chemise propre.

- Vous êtes toujours aussi délicate. Avouez-le, vous êtes sortie des entrailles d'une cantinière sur un champ de bataille ?

Mme Petitpont se garda de répondre. Mais ses lèvres gonflées par la colère exprimèrent une danse des plus laborieuses et le Français sourit d'aise d'avoir fait mouche.

― Je l'ai toujours su, murmura-t-il en se renfrognant sur son assise.

― Le voyage va être long, finit-elle par dire en ouvrant son livre. Profitez-en pour dormir.

Il n'aurait pu en être autrement pour Henry Delhumeau qui avait des heures de sommeil à rattraper et un corps qui se rappelait à son bon souvenir de façon douloureuse. Il était préférable de mettre à profit le voyage pour se reposer, mais son ventre criait famine et son esprit en ébullition des soupçons que Mikhaïl Vesselov avait réveillés en lui ne l'aideraient en rien à trouver le sommeil. Il se pencha en avant et ouvrit le petit panier qui contenait quelques sandwichs et des fruits préparés à l'hôtel à sa demande. Il mordit dans un petit pain de terrine et déplia le Die Presse daté de ce jour. En placard, il était mention des dernières humeurs de l'Europe et plus bas question de la mort accidentelle d'un richissime homme d'affaires suisse. Le défunt monsieur Heinz Musy avait visiblement un goût pour la philanthropie, dispersant sa fortune dans des projets de toutes sortes. Seule héritière de sa fortune, sa fille, Mme Guy Lhostière.

Une lueur se fit dans ses yeux, alors qu'un frisson d'excitation passa le long de sa colonne vertébrale.

― Intéressant, marmonna-t-il en lisant plus avant l'article.

― Quoi donc ? s'intéressa Luz.

Henry ne lui répondit pas sur l'instant, totalement obnubilé par l'article dont il décortiqua chaque information, ayant les attraits du miel. Après avoir parcouru les pages sans véritablement lire, il finit pas replier le journal, rasséréné et ferma les yeux.

― Vous repartirez seule avec les plans. Ne m'attendez pas.

― Comment ?

― Une petite question administrative à régler.

Il laissa là toutes objections de sa compagne et s'enfonça, autant que cela fut possible, dans le banc. Comblé, le sommeil ne tarda pas à l'envahir pour un repos bien mérité.

Car ce qui le conduisait en Suisse serait un chantre supplémentaire à sa désinvolture.

Le progrès. Ce simple mot définissait la fin de ce siècle et l'aube d'un nouveau arborait mille promesses que des hommes plus gourmands que d'autres tentaient d'atteindre avant leur prochain. C'était là, la grande course des Nations. Les gouvernements se souriaient dans les salons feutrés, mais dans les couloirs plus intimistes, on discutait de l'avancée de l'autre et l'on se gardait bien de ne pas trop en dire sur les siennes.

Dans toute cette cohue, où les espions avaient toute leur place, il était un domaine plus en expansion et qui attisait la convoitise. L'aéronautique.

L'homme, singe autrefois sans langage, avait appris à parler, marcher. Il en était venu à chasser et à fabriquer, marchander et troquer. Il avait eu soin d'aller plus loin et avait apprivoisé ce que la nature lui avait offert alors. Il avait voyagé par monts et par plaines, gravi les montagnes, traversé les mers et sa soif n'ayant pas de limites, des esprits plus éclairés que d'autres rêvaient alors de conquérir le ciel. Voler comme un oiseau.

Un état que Delhumeau ne chérissait pas comme propre à l'homme et pourtant, il devait se résoudre au fait qu'il viendrait un jour où l'homme volerait. N'était d'ailleurs-t-il pas à deux cent mètres au-dessus du sol, longeant les Alpes Valaisannes à bord d'un dirigeable ?

L'histoire garderait que le premier en la matière avait été le savant Gaston Tissandier qui avait créé, à l'aide de son frère, un prototype de dirigeable muni d'une hélice entraînée par un moteur électrique avec lequel ils étaient parvenus à remonter des courants aériens. Pour beaucoup, un immense progrès qui mènerait l'homme à côtoyer le royaume des cieux un jour.

Ce ne fut qu'une marche en avant où s'engouffra alors chacun pour construire et perfectionner son propre modèle d'aéronef.

En la matière, celui qui intéressait le plus la France pour l'heure, et pour lequel Delhumeau se retrouvait bien loin de la terre ferme, était le comte Ferdinand Von Zeppelin. Un militaire et un ingénieur à l'esprit bouillonnant qui, malheureusement, ne travaillait pas pour le compte des meilleures puissances, selon le point de vue sur lequel on se posait.

Henry regarda l'heure sur sa montre et respira profondément pour calmer la légère nervosité qui le prenait à se trouver dans un espace loin d'être naturel. Son arrivée en Suisse, dans la petite commune de Verbier, s'était faite sans heurt si ce n'était la présence de Luz qui pratiquait le sarcasme avec brio. Bien que cela lui donna l'occasion de déverser son venin coutumier, il n'en était pas moins épuisé et heureux quand la nuit fut venue de se retrouver à terre dans les hautes herbes du vaste champ qui servait de base d'essai au comte. Même dans le noir, son aéronef était impressionnant. Un ballon gigantesque, au tissu ondulant légèrement sous les effets d'un gaz, s'élevait dans les airs, surplombant une nacelle loin du simple panier. Toute en taule plate, fixée par des rivets, elle comportait un étage où se trouvait le poste de pilotage - s'il fallait lui donner un nom - et en dessous deux pièces.

Si le conte Von Zeppelin restait dans un domaine qui n'avait rien à envier à la France, c'était sans conteste qu'il devait avoir en tête une modernité dans la forme non concrétisée pour l'heure, mais en bonne voie de l'être un jour.

Henry était parvenu à tromper la vigilance des soldats et à monter à bord, après avoir donné ses dernières consignes à Luz. Il avait trouvé cachette dans le petit cabinet de toilette que le comte avait eu l'ingéniosité de planifier dans ses plans.

Le décollage l'avait laissé songeur tandis qu'il avait senti les secousses faire cahoter tout l'habitacle à maintes reprises. Puis ce fut le silence ponctué du ronronnement des moteurs et des acclamations de joie dans la pièce jouxtant le bureau où il se trouvait.

Pour son plus grand déplaisir, le comte Von Zeppelin remportait une bataille sur la course pour le progrès que nécessitait encore plus son intervention.

Entendant les hommes épiloguer sur cette victoire, il sortit du cabinet de toilette et profita un peu plus de la vision cossue du bureau qui devait faire guère plus de 15 m². Le comte ne se refusait rien et certainement pas un soupçon de confort. Le sol restait en métal, mais avait été agrémenté d'un tapis de manufacture française. Manifestement, les appels de la guerre aux notes patriotiques n'avaient pas encore froissé son coeur. Pas plus, quand il considéra le bureau en bois de rose visiblement de fabrication italienne. La pièce aurait pu paraître agréable, en vérité, si elle n'était si spartiate dans un souci de gain de poids, chaque objet rivé pour que la mobilité ne dérange en rien l'ordre établi.

Henry savait que le comte Von Zeppelin, en monsieur fait de rectitude, ne laisserait jamais ses plans autrement que proche de sa main. Il avait d'ailleurs craint qu'ils ne soient en permanence dans ses poches, mais par un heureux hasard il avait entraperçu ce denier les déposer dans son bureau, en montant à bord tout déguisé qu'il était lui-même en mécanicien. La combinaison ne séant guère à sa coquetterie, mais au moins était-il passé inaperçu, baissant la tête et œuvrant faussement quand cela était nécessaire.

Il regarda par le hublot et considéra le champ qui se perdait au loin, éclairé de flambeaux qui avaient illuminé son chemin. Les montagnes au crépuscule avaient toute cette beauté qu'il ne trouvait en Angleterre. Elles lui rappelaient Lyon. Cette ville qui ne l'avait pas vu naître, mais grandir et devenir l'homme qu'aujourd'hui il se targuait d'être dans toute sa superbe. Mais c'était également le souvenir de l'enfant qu'il était et de son frère ainé. Quand les prémisses de sa démence avaient-elles commencées ? À l'adolescence selon les dires de son père, mais Henry n'en avait aucun souvenir. Toutefois, sa longue descente dans les limbes de sa folie n'avait dès lors pas connu de répit.

La boîte de Pandore.

Ce terme revenait sans cesse dans son esprit et il avait beau triturer la chose en tout sens, l'étayer des paroles du russe, Henry ne trouvait pas matière à une réponse satisfaisante.

Il brisa le charme des montagnes vues du ciel et s'enhardit à louvoyer dans le bureau, en entonnant un léger sifflement de sa composition pour se donner de l'entrain à la tâche. Supplantant le ronflement des moteurs il passa ses doigts le long des linéaments du bureau jusqu'à sentir sous ses doigts un léger renflement. D'une légère pression, il amorça le système et le tiroir caché se détacha de la moulure en coquillage qui ornait le meuble.

- Basique. Trop facile, même, soupira-t-il en prenant le petit carnet de maroquin noir et le papier carbone qui s'y trouvait avec. Il plia l'ensemble, après s'être satisfait qu'il s'agissait bien là des plans du comte Von Zeppelin et referma le tiroir quand le claquement de la porte le fit se redresser. Nul besoin de faire volte-face pour savoir qu'il n'était plus seul. Un imbécile l'aurait même compris, là où lui pouvait entendre ce léger pas de deux quand les bottes marchèrent sur la moquette et se souffle qui enivrait plus ses sens que certains de ses souvenirs. Il aurait presque pu sentir ces notes fraîches de mimosa et de menthe poivrée si son odorat ne lui faisait défaut.

Elle était là.

La créature de son enfer. La Méduse toujours sur son chemin d'espion se trouvait dans son dos, armée d'un revolver comme le lui faisait entendre le cliquetis du chien qu'elle venait d'amorcer.

― Eva Evinger. Quel plaisir !

― Le plaisir et pour moi, Henry, répondit la jeune femme dans un français chantant de son accent de prussienne. Mais retournez-vous que je profite une dernière fois de votre si plaisant visage avant d'y joindre ma marque.

La main alerte enfouissant les précieux plans dans sa combinaison, Henry Delhumeau se retourna, bras le long du corps. Il y avait bien longtemps que les familiarités étaient d'usage avec Eva. Sa pire ennemie après son frère. Aussi dangereuse, mais plus agréable à contempler. L'incarnation de ces femmes nouvelles qui savaient montrer qu'elles n'avaient besoin des hommes pour exister, mais bien pour réussir... Tout Doraleen McFear, en des endroits plus satinés.

C'était que mère nature, s'il devait nommer une entité responsable de cette œuvre, l'avait faite parfaite sans mot consent. Un visage d'une agréable symétrie qui ravissait les morphopsycholoques, la carnation de sa chair tendre, pâle et sans aucune imperfection et un écrin de ciel, cernés de longs cils noirs. Mais selon ses préférences qui répondaient à son propre sexe, Henry Delhumeau était, avant toute chose, charmé de ses lèvres nacrées d'une mer toujours sereine. Sans intérêt aucun, ses cheveux blonds qu'elle avait la constance de parfaire de coiffures aussi audacieuses que son choix vestimentaire, toujours du dernier chic français. C'était là un aspect de sa personnalité qu'il admirait d'ailleurs, cette faculté inaliénable où même dans les situations périlleuses la femme ne laissa sa coquetterie s'évanouir au profit de l'agrément. Et Eva Evinger affichait là encore une toilette resplendissante. Une robe de soirée, gris perle, damassée de dentelle et de brodequin sur son corset à la poitrine légèrement rebondie de petits seins, un critère d'importance. Des filaments de perles noires tombant en goutte le long de son buste pour finir dans ce carré d'intimité que Delhumeau avait visiter maintes fois, le laissant songeur un court instant.

- Ah ma chère, je pensais ne plus vous voir. N'étiez-vous pas dans les geôles de l'oubli, fit-il en référence au fait que la jeune femme avait été arrêtée l'année passée lors de l'attentat manqué du Crystal palace.

― Je n'en ai vu que les tristes murs, quelques heures seulement. Votre gouvernement avait quelques bonshommes à récupérer. Un échange rondement mené le soir même.

Henry rumina cette nouvelle. Il n'avait pas était mis au courant de ce fait, ni par Petitpont, son fidèle ami, ni par Chapuis, son supérieur sur le territoire anglais où il vivait depuis plus de cinq ans. Il voulait faire confiance au premier pour avoir ignoré la chose, mais savait que Chapuis, dans son siège de cuir, n'avait dû en rien l'ignorer. Une trahison supplémentaire de cet homme qui servait ses intérêts pour rejoindre les plus hautes sphères du gouvernement. Il espérait un siège de ministre et comptait bien sur Delhumeau pour l'atteindre de ses œuvres. Il n'était peut-être pas un homme d'une grande intellectualité, mais Henry devait lui reconnaître de l'intelligence à servir ses plans, dénuée de scrupules.

― Vous voilà donc libre comme l'air.

― Vous ne pouviez faire de remarque plus judicieuse, Henry, sourit-elle en narguant le hublot. Le comte a réussi. L'empire est souverain de la république.

― Ma pauvre idiote. Votre précieux empire est en train de se morceler sous le poids de sa vieillesse.

― Il se relèvera de la guerre.

― Il s'agit bien de guerre en effet. Voilà tout ce qui vous est communément possible de faire : la guerre.

― Je ne vais pas converser avec vous de géopolitique, Henry. Remettez ces plans en place et dites adieu à votre vie.

― Déjà ? Pas même un baiser ? Inconcevable, quand l'on constate avec quelle pathétique sensualité vous tentez de narguer mes appétits. Voyez comme les années passent, ma chère, sur votre visage.

― Oh, Henry. Vous avez toujours su parler à mon cour, mais j'ai bien peur que l'empire passe en premier devant l'impénétrable plaisir que j'ai à succomber à votre charme.

― Quel dommage.

Henry renifla, se rapprochant du bureau.

― J'ai découvert quelques récentes délicatesses que j'aurais adoré partager en votre compagnie. Vous êtes si offerte.

― Serait-ce l'une de ces petites garces qui vit sous votre toit qui vous l'aura enseigné ?

Henry se retourna vivement, le visage efflanqué par sa surprise. Tous les espions d'Europe s'étaient-ils passé le mot sur les deux péronnelles du 66 Exeter street ?

Il n'y avait pas pire pour le curieux que d'être l'objet d'aussi grand inquisiteur que lui. À ce jeu, Eva montrait qu'elle savait damner son pion.

― Oh ! J'ai fait mouche on dirait.

― Bien ! En ce cas... Adieu madame.

D'un bras vif, Henry empoigna le pot d'encre et le projeta en direction d'Eva.

La vélocité du mouvement et l'effet de surprise suffirent à sa sauvegarde. Eva recula et Henry profita de cette faiblesse pour bondir sur elle, son bras maintenant l'arme.

― Ma robe ! Vous l'avez tachée, hurla Eva en lui assénant un coup de coude.

L'arme tomba à terre, mais ce n'était pas là la menace la plus conséquente. Eva était faite de charmes, mais d'une pugnacité également qui puisait dans une force brute. En un tour de rein félin, elle parvint à se défier des bras de Henry et enserra sa taille.

― Henry. Pourquoi faut-il toujours nous battre ?

― Je conçois, ma chère, que je préfère nos moments de paix aux hostilités.

La belle Eva dans son dos, se blottissant contre lui, Henry laissa l'opportunité à cette main cajoleuse de caresser son ventre. Elle faisait vraiment ce qu'elle voulait de lui et cela en était d'autant navrant que personne ne devrait l'apprendre et surtout pas Ferguson, qui devait profiter des joies de la vie maritale en ce moment.

Mais, l'instant de douce plénitude se brisa et Henry se contracta a l'instant même ou la main d'Eva, s'insinua dans sa combinaison pour venir se glisser dans son pantalon pour en reprendre les plans.

― Eva, ma chérie.

― Henry. Ce n'est pas très gentil, badina-t-elle.

― Que voulez-vous. C'est là, notre lot quotidien à tous.

La belle espionne se redressa et consentit seulement à prêter attention au renflement qu'elle sentit sur ses seins.

― Vous devenez bossu ? s'interrogea-t-elle, interloquée de considérer cette excroissance dans le dos de son ennemi.

D'un brusque coup dans le bas de ses reins, elle l'envoya contre le bureau qui ne cilla, cloué au sol.

Delhumeau soupira et se retourna, pour admirer le doux sourire de Eva qui cachait si bien son caractère pernicieux. Il la vit se redresser, arme en main, et enfouir les plans dans son corsage entre les deux magnifiques vallons qui ne rivalisaient qu'avec ceux de Doraleen.

Delhumeau grogna. Pourquoi fallait-il que cette impertinente gigolette vienne s'immiscer dans son esprit aux moments les plus impromptus, à fortiori en si délicieuse compagnie.

― Et si vous nous rejoigniez de ce côté, Henry ?

― C'est que j'ai un rendez-vous urgent, badina ce dernier en constatant, dépité, le paysage évoluer lentement par le petit hublot.

― En ce cas, hâtons-nous.

Delhumeau se renfrogna en mettant les mains dans ses poches. Cette mission avait ses charmes, mais également d'indéniables inconvénients.

Ils passèrent le seuil du bureau pour se retrouver dans le petit corridor. Il menait à la deuxième pièce où les éclats de voix joyeux trahissaient que seule Eva était consciente du danger potentiel de sa présence. En quelques pas, il fit face à une petite échelle menant à la salle de pilotage et sur sa gauche la porte par laquelle il était monté à bord. Le paysage défilait lentement, mais la hauteur ne manquait pas de surplomber une vue mirifique, les derniers rayons du Soleil cédant place à la nuit et son écheveaux de noirceur.

C'est ici qu'elle le mena, le canon de l'arme appuyant sur ses côtes.

― J'espère que l'air frais de la Suisse vous fera le plus grand bien ?

― Vous saviez que mon frère avait séjourné ici, jusqu'à il y a peu ?

Troublée de ce changement radical de conversation l'espionne se rembrunit, y décelant de cette versatilité qu'avait Delhumeau à dénicher la vérité de sa trop grande sagacité.

― Je ne suis pas les faits et gestes de votre aliéné de frère, Henry, quoiqu'on ait pu vous en dire.

― Mais vous savez qu'il est en vie. Et vos derniers mots me portent à croire que vous l'avez tout récemment vu. Que signifie pour vous la boite de Pandore ?

L'Espionne ne prononça aucun mot, mais son sourire en disait plus long, ainsi que la légère crispation qu'il vit sur son cou frêle.

― Vous ne m'en dites décidément plus que vous ne le devriez.

Eva claqua la langue, la main plus ferme sur son arme.

― De la même façon que je sais que vous avez repris du service, donc n'essayez pas de me leurrer. Comment va Chapuis ? Il s'aime toujours autant.

― Plus encore depuis que je suis revenu.

― C'est merveilleux de voir que certaines choses ne changent pas. Qu'elles restent immuables.

― C'est sûr que l'orgueil de Chapuis a de quoi rester indéfectible.

― Je parlais du tien, mon amour.

Delhumeau se contenta de sourire nullement touché par l'attaque. Il était génial. À quoi bon se le cacher sous divers degrés d'humilité totalement inutile, surtout avec la pire garce qui soit au monde.

― Intéressant, fit-il en pointant la structure du ballon que l'on pouvait apercevoir d'un toit en verre. Et ce gaz, du dihydrogène ?

― Plus léger, fit une voix masculine dans leur dos.

Les deux espions se retournèrent brièvement, pour regarder la stature du grand inventeur. Le comte Ferdinand Von Zeppelin se tenait sur le seuil de la porte.

Un homme grand qui avait toutes les attitudes martiales d'un soldat.

Détail de peu d'intérêt quand on savait qu'il avait fait ses premiers pas à l'école militaire de Ludwigsbourg, suivant les traces d'une longue carrière militaire, qui se solda par le titre de général de cavalerie. Sa tonsure et sa moustache blanche haranguaient de sa cinquantaine bien faite. Seul ce costume sombre, d'une simplicité déconcertante, jurait avec le grand homme.

- Eva, ma chère. Que faisiez-vous ?

Il venait sans doute d'apercevoir l'arme et Henry se tenant les mains en l'air, la situation ne manifestait aucun doute.

― Un passager clandestin, Comte. Je m'apprêtais à le débarquer.

Quelle façon de simplifier ces désagréments, songea Henry en baissant lentement les bras.

― Vous n'allez tout de même pas...

― Si je vais, certifia-t-elle en ouvrant la porte de la nacelle.

Aussitôt, le vent s'engouffra comme une nuée de poignards glacials. À cette hauteur, l'air était frais et le dieu Éole assourdissant de ses mugissements.

- Sautez Henry.

- Madame, l'interpella le comte.

- N'approchez pas monsieur, ordonna-t-elle sans quitter Henry des yeux, qui avait planté toute sa rage dans les siens.

- Ce monsieur vous causait du tort. Il avait volé vos plans. Mais ne vous inquiétez pas, reprit-elle vivement en voyant le comte égaré par cette perspective. Je les ai récupéré.

- Bien. Bien, mais cela nécessite-t-il de telles méthodes ?

- Avec Henry Delhumeau ? Toujours.

Le français inspira, sentant le vent s'engouffrer jusque dans les fibres de son être et salua son esprit de ne pas s'être trompé sur le timing.

- Avant de mourir si brutalement, pourriez-vous me donner l'heure ?

- Sautez, ordonna Eva.

- Bien sûr, répondit le comte, qui, sans savoir comment agir pour le meilleur, se devait tout du moins de répondre au dernier souhait d'un condamné.

- Il est 22 h 29.

― Parfait.

Eva comprit aussitôt que cette demande n'avait rien d'anodin.

― Qu'as-tu fait ? hurla-t-elle pour supplanter le sifflement du vent.

Henry déboutonna sa combinaison la laissant reposer sur sa taille. Eva recula d'un pas, voyant Henry porter une simple chemise affublée d'un harnais. Elle comprit que son idée de l'obliger à sauter lui convenait en tout. C'était même ce qu'il avait prévu de faire depuis le début.

― Un petit souvenir du Crystal Palace. Dans moins d'une minute, selon les plans de vol vous allez faire demi-tour. Cela va entraîner à quatre-vingt-dix degrés l'ailette du gouvernail, elle amorcera le briquet et...

― Tu mens !

Mais Eva savait qu'il s'agissait là de l'exacte vérité.Le destin choisit ce moment pour contredire la jeune femme. L'explosion détonna dans l'air et aussitôt le dirigeable perdit en altitude.

- Non, hurla le Comte.

Mais quand il regarda en direction de la porte, Eva Evinger et Henry Delhumeau avaient disparu.

Le Français, ne manquait pas de ressource, ni moins de moyens depuis qu'il avait repris du service. Lors de cette fraction de seconde où la confusion fut grande, Henry en avait profité pour prendre Eva par la taille et se précipiter dans le vide. C'était son plan initial, la belle Prussienne n'ayant fait que l'y accompagner.

Dans la bataille elle avait perdu son arme et il fut bien aise de la sentir se blottir contre lui hurlant de terreur. L'air fouettait sous le poids de leur corps tombant dans le vide. Les mètres défilèrent à grande vitesse et Henry se jura que plus jamais on ne l'y reprendrait à tester la dernière nouveauté de Luz Peptitpont, surtout si cette dernière ne fonctionnait pas. Pourtant, quand il tira sur le harnais, un large voile de soie blanc s'éjecta du sac à dos qu'il avait dissimulé dans son dos sous la combinaison. Le parachute s'épandit et fit ressentir le long de sa colonne vertébrale le choc de l'air amorti par le tissu. La chute fut plus lente, agréable, les embruns alpins exhalant des senteurs de sapin qu'il crut déceler d'une vive inspiration.

Plus haut, il vit l'aéronef émerger de derrière une colline, frôlant une clairière. Des ombres s'en échappèrent sautant pour se recevoir sur l'herbe tendre. Ce ne fut qu'une poignée de secondes cruciales qui sauvèrent la vie des gens à bords, le dirigeable s'embrasant soudainement.

La boule de feu explosa, les flammes suivant les rouleaux du gaz qui avaient gonflé le ballon tombèrent en gerbes incandescentes sur le toit du hangar de la piste.

Henry se félicita de n'avoir, dans sa mission, fait aucune victime, tout en détruisant le prototype. C'était quelques mois de gagnés pour son gouvernement, quand il ramènerait les plans encore chaudement gardés dans le corsage de sa bienheureuse ennemie qui s'agrippait avec désespoir.

Non sans difficulté, il guida le parachute, mais c'était un art dont il n'avait que les rudiments nécessaires à sa survie. Delhumeau ne put éviter alors le toit d'une grange. Fort heureusement, le bois en était en piteux état et céda sous le poids des deux corps qui, dans un cri et dans le fracas des planches brisées, s'engouffrèrent dans le petit abri.

L'atterrissage fut amorti par un tas de foin frais, applaudi par le beuglement de quelques vaches.

Sur les deux oiseaux qui venaient de leur tomber dessus, retomba vaporeusement la toile de soie comme les draps d'un lit de jeunes amoureux querelleurs.

― Je vais te tuer ! Tu es mort, glapissait Eva, en reprenant ses esprits.

Elle chahutait sous la toile de parachute aussi empêtrée que Delhumeau. En trouver la sortie paraissait une gageure. Pourtant, il finit par en émerger, et respira profondément cette fois heureux de ne pas profiter des émanations des animaux. Ne plus avoir d'odorat avait tout de même quelques avantages.

Mais aussi brutalement, il se retrouva à terre, la joue cuisante d'un coup de poing de l'espionne prussienne. Sans profiter de sa première victoire, Eva Evinger se jeta sur lui avec la hargne d'une bête fauve, ses cheveux totalement défaits.

Luttant l'un contre l'autre, leurs corps se mêlèrent, vagabondant dans un sens, les bras s'entremêlant de plus en plus à mesure que la sensualité prenait l'ascendance sur la rage. Griffant, mordant, leurs souffles se mêlèrent et leurs bouches se frôlèrent.

Le baiser fut aussi sauvage que n'avait été entamé leur hyménée. L'appétit de l'autre prit d'assaut toute lucidité et le couple s'étreignit dans des respirations rauques qui ne transigeaient sur la suite à venir.

Henry prit entre la poitrine de la jeune femme le petit carnet d'un regard de connivence et le jeta au loin.

- Nous ferons le partage plus tard...

Eva lui sourit visiblement en accord et le couple reprit avec plus de passion ses ébats. Les vêtements se défirent laissant les corps nus, incandescents, se lover dans l'autre, leurs gémissements preuves du combat que les deux amants se vouaient pour avoir le dessus sur l'autre dans le plaisir. Mais la finalité ne fut que leur accouplement, hardant de ce désir inavoué.

Le petit carnet de maroquin resta seule témoin de ce spectacle libertin jusqu'à ce que quelques doigts frêles et féminins ne s'en accaparèrent.

Luz Petitpont émergea de l'étable laissant le couple s'ébattre et rejoignit sa bicyclette laissée dans le champ attenant l'étable à grand renfort de mots acerbes où l'intégrité de Henry Delhumeau n'était plus menacée qu'elle s'épanouissait désormais dans les voluptueuses formes d'Eva Evinger.

Les premières lueurs du matin et le chant des oiseaux réveillèrent Eva Evinger. Encore brûlante des étreintes partagées avec son ennemi et amant, elle s'étira comme une chatte au soleil, son corps nu caressé par la soie du parachute. Elle allait ramener ses bras le long de son corps quand celui de gauche fut stoppé dans son mouvement.

Un crissement accompagna le rugissement de rage qu'elle peina à étouffer, en voyant la nature de ses entraves.

Son poignet était attaché à l'une des poutrelles de soutènement de l'étable par le harnais en cuir d'une des vaches. Elle se releva avec peine et s'échina à se libérer quand un rire graveleux la fit se retourner. Henry Delhumeau finissait de boutonner sa chemise, sa robe mise en boule sous son bras.

― Henry ! Libère-moi.

― Oh non. J'ai souvenir de notre dernière nuit d'amour. À mon réveil tu as essayé de m'égorger.

L'espionne sourit, aisée de se remémorer ce souvenir.

― Quel échec.

― Je ne te le fais pas dire, ma chérie.

Il s'approcha d'elle et retint à temps le bras libre qui s'apprêtait à le griffer sauvagement. Il aimait contempler ses lèvres frémissantes, tout ce courroux cristallisé dans les pupilles de ces yeux bleus, héritage d'une mère norvégienne de naissance.

― Tu me le paieras.

― J'en suis sûr. En attendant...

Henry se redressa après avoir embrassé le dos de cette main qui avait tenté de le défigurer et alla jusqu'à la porte.

― Oh, j'emmène ta robe avec moi. En souvenir de ce jour où tu m'as laissé nu comme un ver à Boston.

― Henry. Henry !

Mais le Français fit objections de ses suppliques et lui adressa un sourire goguenard, emportant avec lui tout les effets d'une dame privée de son intégrité. Il ne craignait pas qu'elle se libère de suite, ayant pris soin de mouiller le cuir du harnais ce qui demanderait à la jeune femme d'attendre patiemment que le tout sèche.

Il avisa la rivière en contrebas et y jeta les effets de sa captive qui furent emportés par le courant et siffla gaiement la Marseillaise sur les hurlements enragés de la Prussienne.




* ― Quoi ? Arrêtez de me regarder ainsi, pervers.

― Excusez là. Elle est française.


__________________________

Voilà, voilà ! On commence avec une bonne ambiance n'est-ce pas ? Qui a un amour infini pour Luz Petitpont ?

On se retrouve la semaine prochaine de retour au 66 Exeter Street...

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