Woodton Suspect [EN Rร‰ร‰CRITUR...

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Avant-propos
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Infos complรฉmentaires
Remerciements

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[Amy Stroup — In the shadows]

« je faisais tout pour que les gens me détestent, mais ils finissaient par m'aimer. »

Daniela

Mes yeux étaient fixés sur l'horizon que m'offrait la fenêtre arrière droite de la voiture. L'horizon, une étendue d'arbres qui me brouillait finalement la vue. Je connaissais cette route par cœur, j'aurais pu conduire la voiture de Papa jusqu'au pensionnat les yeux fermés. Cette route, je la faisais, aller-retour, chaque vacances scolaires, depuis trois ans.

J'avais espéré un jour ne plus retourner entre ces murs fades et sans joie, mais il fallait croire que c'était peine perdue. Voilà que je revenais à Woodton pour ma toute dernière année. Après ça m'attendait la fac, ma gloire et mon succès.

À vrai dire, je ne pouvais pas vraiment blâmer mon pensionnat. Il formait les meilleurs élèves dans l'ombre pour que leur lumière n'éclate qu'une fois dans les études supérieures. J'avais toutes mes chances d'intégrer Harvard, Yale ou Stanford après avoir fini mon année. Enfin, encore fallait-il que je survive entre ces murs qui enveniment chaque fois plus mon exaspération et mon impatience.

— Allez, souris, c'est ta dernière année ! s'enquit ma mère en me jetant un regard joyeux dans le rétroviseur.

Je soupirai en collant ma tête contre la vitre. Je ne voulais pas revoir toutes ces araignées affreuses qu'étaient mes camarades. J'en avais assez de les supporter, cela faisait deux ans déjà que je prétextais être amie avec la plupart d'entre-eux, et mon hypocrisie commençait à m'étouffer. Ils ne voyaient pourtant rien, comme si j'étais la plus admirables des filles qu'ils avaient pu rencontrer alors que je n'étais que celle qui avait la plus grande toile. Une toile auxquels mes cauchemars ne voulaient se décrocher, et qui allait finir par m'asphyxier.

— J'aurais pu retourner dans un lycée public, murmurai-je.

Ma déclaration ne passa pas inaperçue aux oreilles de mon père qui, par le biais du rétroviseur, me lança un regard sévère rempli de sous-entendus. Je savais ce qu'il allait me dire que si j'allais à Woodton, c'était pour mon bien, et que si je n'avais pas voulu venir ici, j'aurais dû réagir avant et m'ouvrir un peu plus aux autres.

— Daniela, tu sais très bien pourquoi tu es là, me répondit durement mon père.

— Et puis tu oublies Madison et Jessica, que feraient-elles sans toi ? surenchérit ma mère.

Sûrement autre chose que cracher sur le dos des autres élèves.

Mais je gardai cette réplique pour moi, mes parents ne savaient pas quelle peste je pouvais être une fois les portes du pensionnat passées. Je m'étais forgée une réputation plutôt paradoxale : je faisais tout pour que les gens me détestent, mais ils finissaient par m'aimer. Madison et Jessica étaient mes seules vraies amies là-bas, elles me connaissaient telle que j'étais, même si elles ignoraient tout de ce que j'avais vécu avant. C'était bien la seule chose dont je ne parlais jamais, mon passé. J'évitais la plupart du temps d'y penser, même s'il était toujours là, derrière moi comme une ombre à me suivre qu'importe où j'allais. Il était lié à ma présence dans ce stupide pensionnat depuis trois ans. Comme une coquille vide, avant ça j'étais renfermée sur moi-même, et depuis que Madison et Jessica étaient là, mes parents pensaient bêtement que j'allais mieux et que cette école était la réponse à tous mes soucis. D'un côté, ce n'était pas tout à fait faux, j'allais mieux. Mais je n'étais pas encore complètement reconstruite.

— Elles s'en sortiraient sans moi, répondis-je simplement.

Et c'était vrai, même si j'étais la plus studieuse du trio que nous formions, elles s'en sortaient extrêmement bien sans moi. Il m'arrivait de les aider de temps en temps, mais c'était rare. C'était des filles intelligentes, sans moi à leurs côtés, elles auraient sûrement rayonné de par elles-mêmes dans les couloirs.

Mes parents ne répondirent rien, et pour cause, mon père venait de quitter la route principale pour s'enfoncer dans le chemin de terre qui bordait le goudron. Les arbres étaient encore plus proches de notre voiture, nous étions en pleine forêt, de plus en plus éloignés de la circulation. Woodton était un endroit discret, dans un trou paumé qui nous faisait oublier tous les sens du mot communauté. Quoique, nous devions tout de même nous supporter les uns les autres, mais la petite communauté que nous formions ne ressemblait pas vraiment à ce qui se déroulait à l'extérieur du portail.

En parlant de portail, je l'apercevais déjà depuis le pare-brise de la voiture. Des dizaines d'élèves dans leur uniforme tiraient leur valise en disant bonjour aux professeurs, qui leur répondaient sûrement de passer une bonne année. D'un geste incertain, je triturai la lisière de ma jupe à carreaux. Je ne savais pas pourquoi j'étais stressée, cette école était mon lieu de vie depuis deux ans, et j'avais un pouvoir évident sur les autres. Dès que je sortirais de la berline de mon père, je recevrais des tas de compliments et de bonjours qui réjouiraient sans aucun doute mes parents. Mais revenir dans cet endroit, c'était aussi revenir à une solitude certaine. Peut-être une solitude avec laquelle j'avais appris à vivre, mais aussi une solitude qui devenait insupportable à la longue. Surtout le soir, la nuit, lorsque je me retrouvais seule dans ma chambre et que mes souvenirs me revenaient comme les pires cauchemars.

Mon père passa le portail et voir ces centaines d'élèves me procura des frissons. Il s'arrêta ensuite devant la grande porte qui servait d'entrée principale au pensionnat. Je pris une grande respiration, puis posai mon pied dehors. Surélevée sur mes talons noirs, je pus mieux observer les environs comme si je ne les connaissais pas. Deux filles que je ne connaissais ni d'Ève ni d'Adam me firent un vague geste de la main, auquel je ne répondis pas, et plusieurs de mes professeurs me saluèrent poliment, et j'en fis de même. Voilà, cela commençait déjà.

Au loin, Madame Chapman me vit sortir de la voiture. Alors que je m'empressai de sortir ma valise noire du coffre, elle quitta poliment la fille avec qui elle parlait pour venir me voir. Je soupirai, certaine d'avoir droit à son discours de début d'année. Madame Chapman avait été mise au courant de mon méprisable état lors de mon arrivée il y a deux ans, et malgré moi, elle m'avait toujours soutenue. Enfin, étant directrice de ce pensionnat, c'était un peu son rôle. Mais elle le prenait trop à cœur.

— Daniela ! Comment se sont passés tes vacances d'été ? me demanda-t-elle, souriante.

M'accrochant à la poignée de ma valise, je tâchai de ne pas révéler que mon été avait été des plus désastreux. J'avais passé mon été à essayer encore et toujours d'oublier, mais à force de vouloir oublier, je n'avais fait qu'y penser.

— C'était très bien, dis-je simplement. Los Angeles m'avait manqué, et j'ai pu en profiter.

En profiter était un bien grand mot, voir les mêmes rues, les mêmes personnes, que je détestais soit dit en passant, n'avait pas été du profit pour moi. J'avais envie de changement, je n'aimais pas les gens de Los Angeles.

— Bien, je suis contente pour toi ! Tu vas voir, je suis certaine que cette année s'annoncera prometteuse pour toi, comme toutes les autres ! Il va falloir du courage, évidemment, mais je ne doute pas de toi, tu es certainement l'une de nos meilleurs élèves ici, alors accroche-toi !

Je lui répondis par un sourire discret, son air encourageant lui était propre, je l'avais toujours connu comme ça. Sa frange et son éternel chignon renforçaient ses traits, et physiquement elle pouvait paraître assez sévère. Mais elle était un sucre, un bout d'ange comme peu de personnes sur Terre pouvaient l'être. Après que je l'eus remercié, elle se tourna vers mes parents et leur sourit poliment avant de les prendre à part. À chaque retour de vacances, c'était devenu leur habitude. Je savais qu'ils discutaient de mon cas. Mes parents s'inquiétaient que je ne redevienne comme avant et Madame Chapman les rassurait en disant que je m'intégrais bien. C'était ce qu'elle croyait elle aussi, mais même si j'avais Madison et Jessica, à l'intérieur de moi un trou noir sans fond me faisait sentir vide à chaque instant. Mes sourires étaient pour la plupart que des faux-semblants, et mon comportement de peste, je l'avais choisi.

J'avais eu le choix entre pourrir, noircie par la sombre couleur de mes démons, ou bien cacher mes peines et me tisser un chemin vers la gloire. J'avais choisi la deuxième option en posant un pied ici. Mon caractère détestable n'était qu'un moyen pour moi de rejeter les autres, pour qu'ils ne s'accrochent pas à moi et qu'ils ne finissent pas détruits par mon obscurité. Car dès qu'ils entraient dans mon monde, ils plongeaient dans une pièce vide, noire et angoissante, et je voulais éviter qu'ils se retrouvent tous coincés là. Madison et Jessica, ce n'était pas si simple. Au début, je croyais naïvement que me faire des amis dans le simple but de prouver à mes parents que j'allais bien et qu'ils me retirent de ce pensionnat était la meilleure des solutions. Mais j'avais fini par m'attacher à elles. Je m'étais maudite pendant des semaines parce que j'avais peur que ma noirceur ne les effraie, et j'ai donc pris soin de ne pas leur révéler tout ça. Ma maussaderie et rudesse d'esprit, elles s'y étaient habituées. Elles ne me faisaient aucune remarque sur ça, je n'avais pas besoin de dissimuler mon passé car elles ne m'en parlaient pas, et j'avais fini par me sentir vraiment bien à leurs côtés, j'étais fière de moi à ce moment-là, car cela faisait longtemps que je n'avais pas été aussi proche avec des gens de mon âge. Leur présence me faisait du bien, mais je devais m'en tenir qu'à elles, et cela me suffisait. Avec les autres, je jouais quelqu'un d'autre pour cacher mes secrets, une autre fille au caractère superflu pour qu'ils ne se rapprochent pas vraiment de moi. C'était une sorte de carapace.

Mes souvenirs étaient comme des chaînes que je devais traîner, et je ne voulais pas que quelqu'un m'aide à porter leur poids.

Un cri derrière moi me fit faire volte-face. Une blonde courait à toute allure vers moi, le sourire aux lèvres et les yeux reflétant un bonheur inexorable. Quelque chose que je ne pouvais plus ressentir depuis bien longtemps.

— Dani ! cria Madison. Mon dieu, tu m'as manqué !

Madison et moi habitions assez loin. Alors que j'habitais en Californie, à Los Angeles, elle habitait dans le Nevada, à Henderson, une ville voisine de Las Vegas. Autrement dit, cinq heures de route en voiture nous avaient séparé pendant ces deux derniers mois. Nous n'avions pas eu une seule occasion de nous voir. Enfin, elle n'avait pas eu l'occasion de se libérer de son job d'été, car moi, je n'attendais que de pouvoir prendre un billet d'avion et de pouvoir la rejoindre. Passer quelques jours avec elle m'aurait apaisé de mes souffrances secrètes, mais cela n'avait pas pu se faire et j'avais patienté au bord de ma piscine, à surcharger Rebecca, ma gouvernante, de tâches plus loufoques les unes que les autres.

C'était la seule chose qui m'avait distraite, parce que je n'avais vu personne d'autre, je noyais mes tourments dans des livres le jour, et maudissais mes insomnies la nuit, attendant impatiemment le retour de mes parents partis en voyage d'affaires. Ils étaient co-fondateurs d'une marque technologique, innovant toutes sortes de choses auxquelles je ne comprenais que la moitié de l'idée. Ma mère était dans son monde et imaginait toujours un design de machines digne des plus grands films de science-fiction américains, et mon père s'assurait du côté technique et fonctionnel. Je ne m'y intéressais pas trop, je préférais largement le journalisme.

— Toi aussi, tu m'as manqué, dis-je alors qu'elle me claquait deux baisers sur les joues.

— C'est la dernière année, tu te rends compte ? Je suis pressée d'aller à l'université, voir toujours les mêmes têtes commence à me peser.

Elle inspecta ses ongles manucurés et souffla sur sa mèche blonde qui barrait son visage. Madison et moi étions physiquement totalement différentes. Ses cheveux d'or coupés au carré éclairaient son visage assombris de ses yeux bruns, elle aimait la couleur, et malgré son uniforme carreauté, elle trouvait toujours le moyen d'inclure un vêtement de couleur sans que cela ne soit trop voyant. Le pensionnat était très strict en ce qui concernait l'uniforme. Nous devions le respecter, et il n'y avait que les chaussures que nous avions le droit de choisir. À la différence de Madison, j'avais les cheveux d'un noir ébène et les yeux de la couleur d'un ciel d'été. Bleu céleste, à tendance bleu dragée. Et par dessus tout, je préférais le noir. Avec ma peau pâle, j'avais toujours trouvé que j'avais l'air d'un fantôme. J'avais un physique qui ne demandait qu'à être fondu dans la masse, mais ici, je préférais l'exploiter au service de ma réussite.

— Moi aussi, je connais tellement bien les lieux que je peux te dire où se trouve chaque araignée dans le pensionnat.

Madison me jeta un regard curieux. J'avais tendance à toujours tout comparer avec les araignées. Je ne savais pas d'où cela venait, mais je savais d'où l'image des araignées venait. De mes souvenirs, de mes chaînes. J'avais une phobie folle de ces bêtes à huit pattes, chaque fois que j'en voyais une, je frôlais la crise d'angoisse. Elles me rappelaient de sombres choses que j'aurais préféré oublier il y a bien longtemps.

— Les filles ! Vous êtes déjà là !

La voix cristalline de Jessica nous fit nous retourner en même temps. Ses boucles brunes volaient à cause de vent et elle tirait maladroitement sa valise à travers le chemin gorgé de cailloux et de crevasses.

— Pile à l'heure ! s'exclama Madison.

Elle nous prit dans ses bras un court instant avant de commencer à nous raconter ses vacances. Parmi nous, Jessica était celle qui habitait le plus loin. Elle venait de Phœnix, en Arizona. Aussi loin de là le pensionnat était-il, ses parents l'avait forcé à venir ici. Nous avions tous une raison d'être à Woodton, seulement, personne ne se le disait. Nous avions tous un secret que nous voulions garder, alors pourquoi embêter les autres avec ça ?

Quoique, j'aimais les embêter moi, c'était un peu un passe-temps lorsque l'ennui trouvait le chemin de mon âme. J'aimais chercher et creuser, bien que parfois il ne m'en fallait pas beaucoup pour émettre une suspicion et la répandre en l'accrochant aux toiles des élèves. Difficile de les retirer, après ça.

— Salut Daniela ! me salua Chandler Braun, un sourire dragueur scotché au visage.

Je lui fis un rapide signe de la main, lançant au hasard un sourire hypocrite en lui tournant le dos, expirant tout l'air de mes poumons dans un soupir. Chandler Braun était un dernier année, comme nous. Depuis que j'étais là, il n'avait pas cessé d'essayer de me mettre dans son lit. C'était un coureur de jupons invétéré, et cette fois, ce n'était pas des rumeurs. Madison avait déjà eu une aventure avec lui, dès qu'il avait couché avec elle, il ne lui a plus adressé la parole. Comme si rien ne s'était passé entre eux.

— Quel lourd, soupirai-je.

— Il ne va jamais te lâcher, ricana Jessica.

Madison se contenta de le suivre du regard, une lueur d'amertume passa rapidement dans ses yeux. Je savais que ce garçon ne la laissait pas indifférente, mais elle devait l'oublier. Ce qu'il lui avait fait n'était pas vraiment pardonnable, il lui avait donné de faux espoir alors qu'elle craquait énormément sur lui.

— Daniela, m'appela mon père.

Les filles me firent comprendre qu'elles m'attendraient dans le dortoir et s'en allèrent en traînant difficilement leurs valises.

— Oui ? demandai-je en rejoignant mes parents.

— Nous allons y aller, nous t'appellerons chaque week-end, comme toujours, me sourit ma mère.

C'était devenu une habitude, les téléphones étaient interdits la semaine, nous n'y avions droit que le week-end, et mes parents s'empressaient de m'appeler dès que j'avais mon téléphone en main.

Ma mère soupira, puis elle me prit dans ses bras. Je pus sentir l'odeur parfumée de ses cheveux noirs dont j'avais hérité, ils sentaient bons le mélange de lait de coco et d'Aloe Vera. Après m'avoir embrassé fortement la joue, ce fut au tour de mon père et me caresser les cheveux avec un regard encourageant.

Mes parents étaient présents pour moi, dès qu'ils en avaient le temps. Ils ne supportaient pas que je sois trop souvent seule après ce qu'il s'était passé. Je savais qu'être séparée de ma mère l'inquiétait atrocement, mais elle savait aussi que c'était pour mon bien. Quant à mon père, tant qu'il croyait que je pétais la forme, c'était le principal. Après encore quelques mots doux, ils montèrent dans la voiture et je les vis disparaître dans la forêt d'arbres qui entourait mon établissement scolaire.

Dès qu'ils furent partis, je pris ma valise avec détermination et montai les quelques marches qui me séparaient de la porte d'entrée. En la passant, je remarquai comme toutes les autres années que rien n'avait changé. Notre pensionnat était vieux de cent dix-sept ans, et le carrelage était encore d'époque comme la couleur des murs : un gris souris vieilli.

Avec la plus grande des légèretés, je longeai les couloirs, la tête haute et le regard droit. Aucune expression sur le visage, je repris mes habitudes. Le bruit de mes talons résonnait contre le carrelage blanc et noir, et je ne mis pas beaucoup de temps à croiser les premières araignées qui me jetèrent un regard hautain. Je leur rendis leur regard et elles le baissèrent automatiquement, elles avaient sûrement oublié à qui elles avaient affaire.

Sur le chemin, Sophie Braun me stoppa. Elle se planta sur mon passage, un sourire presque sincère sur le visage. Sophie était la petite sœur de Chandler, c'était une deuxième année, le genre de fille trop simple pour qu'on puisse la remarquer. Néanmoins, moi, je l'avais remarqué, elle était sur ma liste rouge. Et pour cause, cette enfant de cœur me cherchait discrètement des noises depuis son arrivée ici. Elle était l'une des seuls à me détester, mais il n'y avait que moi qui voyait son côté diabolique.

— Salut Dani, j'espère qu'on passera une belle année ensemble !

Je dédaignai du regard la main qu'elle me tendait. Son sourire puait l'hypocrisie, de même pour le ton aigu de sa voix qui sonnait totalement faux. Elle pouvait toujours essayer, mais j'étais une professionnelle dans ce domaine. Elle n'était qu'une amatrice, une novice, une imitatrice. Une jeune fille qui s'était égarée en chemin pour venir se retrouver sur le mien. Malheureusement.

— Je t'en prie Sophie, épargne-moi ton manège. Et appelle-moi Daniela, ça vaut mieux pour toi.

Elle laissa tomber sa main sur le côté de son corps, minant d'être déçue et touchée. Elle jeta un coup d'œil vers ses copines, un coup d'oeil qui voulait certainement dire « vous avez vu cette peste ? ». Je resserrai ma poigne sur ma valise pour éviter de la lui lancer dans la figure.

— Pourquoi me détestes-tu tant que ça ? Je ne t'ai rien fait de mal. Je pense que nous pourrions être vraiment amies, me dit-elle innocemment.

— Quant à moi, j'apprécie l'effort que tu fais pour me faire croire que tu m'aimes, rétorquai-je en passant à côté d'elle.

Loin de moi l'idée de continuer cette conversation avec elle. Elle ne méritait en aucun cas mon attention. Elle me suivit du regard, ses sourcils se froncèrent, comme si elle ne comprenait pas ma réaction.

— Tu te trompes, je t'apprécie ! J'apprécie tout le monde ! s'écria-t-elle.

Pitié, je me croyais dans une scène de théâtre. Elle avait pris un ton tellement dramatique qu'elle aurait pu jouer dans une pièce de Shakespeare. Je ne me retournai pas, et continuai à avancer.

— Mais oui, excuse-moi sainte Sophie, mais j'ai des choses plus intéressantes à faire que de me confesser à toi.

Lorsque j'arrivai dans les dortoirs, j'ouvris ma chambre et la balayai du regard. Rien n'avait bougé depuis deux mois, et j'allais avoir du travail pour enlever toute cette poussière qui s'était déposée sur mes meubles. Nous avions toujours eu les mêmes chambres depuis notre arrivée. Des chambres individuelles, à mon plus grand malheur. Être entourée me permettait de ne pas divaguer vers quelque chose de plus noir, mais mon sept mètres carrés ne me permettait pas de penser à autre chose. Nous nous étions souvent arrangées les filles et moi pour sortir après le couvre-feu, pour se rejoindre entre-nous et dormir ensemble. Je mettais toujours cela sur le compte de la folie, de l'adrénaline que cela pourrait nous procurer de ne pas respecter les règles du pensionnat, car si on nous découvrait, nous aurions une grave sanction. Mais au fond de moi, c'était pour éviter de me retrouver seule. Alors on amenait simplement nos matelas et nos couvertures, et nous dormions ensemble toutes les trois.

En parlant des loups, Madison et Jessica se pointèrent à ce moment-là sur le seuil de ma chambre.

— Ces chambres n'ont vraiment rien d'attrayant, soupira Madison, les mains sur les hanches.

Elle balaya à son tour ma chambre du regard. Elle avait raison, les murs gris et les meubles sombres n'aidaient vraiment pas.

— T'as raison, lui répondit Jessica. Je regrette déjà ma chambre de Phœnix.

Cette dernière s'avança vers mon lit et elle me tendit sa main. Je savais ce qu'elle attendait, alors j'ouvris ma valise et lui tendis ma parure de draps. Elle savait que je n'avais jamais réussi à les mettre, je pouvais rester trois heures dans ma chambre à essayer de rentrer cette couverture dans sa housse sans succès. Jessica était mon mentor pour ça, mais elle avait beau m'expliquer maintes et maintes fois comment tout ça fonctionnait, je n'y arrivais toujours pas. Alors qu'elle s'occupait de mon lit, Madison s'affala sur ma chaise de bureau en soupirant.

— Comment est ta chambre à Phœnix ? demanda cette dernière.

— Mieux, répondit simplement Jessica.

Jessica avait toujours été concise quand il s'agissait de parler de sa vie personnelle. Elle ne développa pas plus sa réponse et secoua ma couverture maintenant recouverte de sa housse au-dessus de mon matelas.

Pas besoin de demander en retour, j'étais sûre que la chambre de Madison était une boîte arc-en-ciel. La mienne était simplement blanche, pour contraster avec mon état mental. J'avais essayé de l'égayer avec de nombreux posters et de nombreux cadres, mais cela ne changeait rien. En parlant de poster, j'affichai le premier d'une longue série sur mon mur, et de loin le meilleur : un poster de Queen.

She's a killer queeeeeeen, se mit à chanter Madison en tournant sur ma chaise.

Gunpowder, gelatine, continuai-je en accrochant une autre affiche.

Dynamite with a laser beam, enchaîna Jessica, en finissant mon lit.

Guaranteed to blow your mind ! m'écriai-je en m'affalant dessus.

Puis toutes les trois, nous finîmes :

Anytiiiiime !

Nous rîmes ensemble, je m'étalai encore un peu plus sur mon lit, finalement bien installée, mais Jessica nous rappela à l'ordre en applaudissant d'une manière vive :

— Allez les pétasses, Chapman nous attend à la salle de réception comme chaque année !

Sans détermination, je me relevai et fis face à mes deux amies qui me regardaient d'un air appuyé. Elles savaient sûrement ce que j'étais en train de me dire : cela faisait déjà deux fois que nous entendions le discours de début d'année de Madame Chapman, étions-nous vraiment obligé de nous y rendre ? J'avais remarqué l'année dernière qu'elle disait en fait chaque année la même chose : elle nous remerciait d'être là, elle disait bienvenue aux nouveaux et souhaitait une bonne année aux autres. Et en radotant, elle pouvait faire durer son discours pendant vingt longues minutes !

— Sérieusement, qu'est-ce que ça change si on y va ? soupirai-je. Je préfère de loin me reposer, le voyage jusqu'ici a été long.

— Dani... me réprimanda Madison.

— Pense aux cookies qu'il y aura sur le buffet ! m'encouragea Jessica, un sourire en coin collé aux lèvres.

Cette chipie, elle savait comment me prendre par les sentiments. Les cookies du pensionnat étaient la meilleure chose qui pouvaient exister ici. Moelleux, avec des énormes pépites aux trois chocolats, et tellement grands qu'un suffisait pour vous rassasier. Un nuage de douceur que j'aimais dévorer, et moi qui pendant l'été n'avait pas eu l'occasion d'en manger un seul ! Je me levai rapidement sous les rires de mes amies. Rien ne faisait attendre un cookie du pensionnat.

Alors nous traversions rapidement les couloirs. À cette heure-ci, la plupart des élèves devaient être arrivés, tous étaient en train de ranger leur chambre et passer un coup de balai. Moi qui n'aimais pas vraiment le ménage, je repoussais toujours cet instant ennuyant à l'après-midi. Nous avions tout le week-end pour faire ça.

— Je rêve ou tes ongles ne sont pas manucurés, Dani ? s'étonna Jessica.

Je jetai un coup d'œil à mes mains et mes ongles nus. En effet, je n'avais pas eu vraiment l'envie d'y poser du vernis pendant les vacances, ce qui avait permis à mes ongles de respirer pendant deux mois. D'habitude, j'en mettais toujours, jamais je ne sortais sans vernis.

— Une raison de plus pour organiser une soirée pyjama ce soir ! rigolai-je.

Elles rirent en acquiesçant d'un mouvement de tête toutes les deux.

— On ne change pas les bonnes habitudes ! commenta Madison.

— Ah, ça non, dis-je en me tournant vers elle. Dans ma chambre, vous êtes d'acc...

Je n'eus pas le temps de finir ma phrase qu'un corps rencontra mon épaule et me fit vaciller sur mes talons. Avec un regard noir je me retournai pour voir qui avait osé me foncer dedans, sans s'excuser qui plus est. Mon cœur se gonfla dans ma poitrine en voyant qui continuait tranquillement sa route sans s'être retourné.

— Eh ! criai-je en me rapprochant de lui, les poings serrés.

Il s'arrêta en soupirant, puis avec une lenteur absolue, les mains dans les poches de son pantalon d'uniforme carreauté, il se retourna vers moi. Face à moi, Paris Tomily Lancaster. Je n'avais jamais réussi à le cerner entièrement, et c'était bien le seul garçon qui ne faisait réellement pas attention à moi. La preuve.

Ses yeux couleur diamant me scrutèrent avec nonchalance. Je n'avais avant ça jamais eu l'occasion de les voir d'aussi près. Quand il n'était pas avec ses amis, il n'apparaissait que rarement en longeant les couloirs. Sauf que là, il m'était rentré dedans comme si c'était normal, et il ne s'était pas excusé. Ses yeux semblaient fait de cette pierre précieuse tellement ils brillaient. Un instant, je m'y perdis sans qu'un son ne put sortir de ma bouche. Ils étaient animés à la fois d'une telle fureur et d'une telle impassibilité que j'en fus troublée. Je détaillai avec colère ses cheveux d'un brun foncé qui contrastaient majestueusement avec la couleur de ses yeux, sa mâchoire carrée aux traits tirés sûrement à cause de moi, et sa carrure sculptée qui se voyait à travers sa chemise blanche.

— Pour qui est-ce que tu te prends ? rajoutai-je.

— Désolé Casper, je ne t'avais pas vu, dit-il, ennuyé.

Intérieurement, j'avais toujours trouvé ça très bas de s'attaquer au physique. Oui, j'étais pâle, même après avoir passé deux mois sous le soleil de la Californie, et ça ne faisait pas de moi un fantôme ! Quand j'essayais de bronzer, tout ce que je réussissais à faire était de me cramer la peau. Par rapport à mes amies, je sortais du lot à cause de ma peau porcelaine. Mais ce n'était pas de ma faute, je n'avais pas demandé à être aussi blanche et je n'avais jamais essayé les UV, non pas par manque de moyens, mais par peur de finir en saucisse sur le grill. Vexée, j'ignorai sa remarque en reprenant contenance et me contenta de lui répondre calmement :

— T'as du cran, il faut vraiment être aveugle pour ne pas me remarquer.

Je croisai fièrement les bras sur ma poitrine en entendant Madison approuver ma réponse. Mais ma fierté retomba rapidement en entendant ce rire dégradant que m'adressa Paris. En haussant un sourcil, il me dédaigna de haut en bas et se retourna pour commencer à partir.

— T'as raison, les filles dans ton genre ne sont pas censées être tout le temps au régime ?

J'étais sur le cul, venait-il vraiment d'insinuer que j'étais grosse ? Je ne trouvai rien à répondre, pour une fois. Jamais personne n'avait osé me dire que j'étais grosse. Il avait déjà fait quelques pas quand Jessica se mit à crier rageusement.

— Oui c'est ça, casse-toi petit con ! Faut vraiment être un connard pour traiter une femme de la sorte !

Ce qu'elle dit ne fit même pas retourner Paris, il disparut au bout de couloir. Mon ego en avait pris un coup, surtout venant de lui. Le fait qu'il ne s'intéresse pas à moi comme les autres m'énervait assez, je devais finalement me l'avouer. Pourquoi ne me regardait-il pas ? Qu'appelait-il une fille dans mon genre ? Je n'étais pas vraiment sympa avec les autres, je le savais, je m'en rendais compte, mais cela ne lui permettait pas de me traiter comme ça. Et moi, pourquoi étais-je autant offensée ? Au point de ne même pas savoir quoi répondre, c'était absurde.

— Allez Dani, c'est qu'un connard, viens, Chapman va bientôt commencer son discours, me dit calmement Madison.

La gorge nouée, j'avalai difficilement ma salive en continuant de jeter un regard noir au bout du couloir, là où sa grande silhouette n'était plus qu'un mirage. Jessica me tira par le bras, et je dus me faire violence pour me retourner. L'humeur maussade, j'arrivai dans la salle de réception avec mes amies. Elle était déjà assez rempli et je soupirai en me rendant compte que commençait ma dernière année au pensionnat de Woodton, ma dernière année avant l'université et le succès, celle qui devait me conduire à la gloire. Une année qui étrangement, et à mon plus grand malheur, n'allait pas être comme les autres.

🕷🕷🕷

C'est encore moi ! Voilà pour le premier chapitre de Woodton Suspect !

Fiou, vous avez dû voir à quel point il est long, figurez-vous que les autres sont pareils, ahah !

À part ça, qu'avez-vous pensé de ce premier chapitre ? Vous avez bien aimé ? J'avais hâte que vous le lisiez et j'avoue être hypeeeeer stressée de savoir si vous avez apprécié ou non !

Que pensez-vous de Daniela ? Des autres aussi, tant que nous y sommes !

Je vous ai dit que cette histoire se déroulait sous deux points de vue, alors êtes-vous prêt(e)s à découvrir Paris ? Ce sera dans le prochain chapitre que je posterai le 9 juin 2020 ! D'ici là, je compte sur vous pour me donner des nouvelles de vos ressentis quant à ce premier chapitre ahah !

Merci d'avoir pris le temps de lire ce looong chapitre, j'espère que la suite vous plaira !

Bisous, camille 🧚‍♀️

็นผ็บŒ้–ฑ่ฎ€

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