J'entrai dans la salle d'interrogatoire. L'ambiance fut tout de suite plus glaciale. Elle tourna le regard vers moi. C'était la première fois qu'elle me regardait dans les yeux. Quelque chose semblait changé dans son comportement.
Je fermai la porte derrière moi puis j'allai m'asseoir face à elle, derrière la table en métal. Je posai le dossier épais et l'ouvris à la première page sans la regarder. Je prenais mon temps pour installer mes affaires : carnet et stylo. Je pris alors la parole sur un ton las et détaché.
_ « Choi SoYoung, je suis l'inspecteur Yoon. Aujourd'hui, c'est votre... Sixième interrogatoire depuis votre dernière arrestation. »
Je relevai enfin le regard dans le sien. Son regard était tellement dérangeant. Elle me fixait, dans les yeux avec un sourire qui me fit frissonner. Je pouvais sentir à quel point elle était manipulatrice et dérangée mentalement.
_ « Je suppose que vous ne souhaitez pas modifier vos aveux ?
_ Bien sûr que si. »
Elle parlait sur un ton doux et rassurant.
_ « Ah ? Dis-je en faisant genre de ne pas être si surpris alors que je l'étais ! Votre avocat est au courant ? Vous pouvez l'appeler si vous souhaitez changer votre version des faits et donc votre défense.
_ Pas la peine, dit-elle, sûre d'elle. Je voulais être seule avec vous, sourit-elle avec « tendresse ».
_ Nous ne sommes jamais seuls, madame Choi. C'est comme ça qu'on a découvert votre manipulation sur l'agent Moon. Toutes les conversations sont enregistrées.
_ Ça ne change rien. Tout ce que je veux, c'est un moment rien qu'avec vous, inspecteur. »
Elle se mordit la lèvre inférieure en me dévorant du regard. Elle était gênante. Je voulais clairement lui crever les yeux à ce monstre. Elle s'imaginait réellement que ses petits jeux de séduction allaient fonctionner avec moi ?
_ « Donc je vous écoute, dis-je en m'adossant à ma chaise, en prenant mon carnet et mon stylo.
_ Vous êtes célibataire ? Demanda-t-elle en passant une main dans ses cheveux.
_ Vous avez séquestré, torturé, drogué, abusé et violé une vingtaine d'adolescents, âgés entre quinze et... Dix-huit ans, sur une période de... Dix ans, dis-je en lisant mon dossier. Nous sommes d'accord sur les termes et les chiffres ?
_ ... Je suis sûre que vous êtes un Dieu du sexe, inspecteur.
_ Vous avez également causé la mort de plusieurs personnes.
_ Combien de personnes ? Demanda-t-elle.
_ Deux, à notre connaissance. »
Ça la fit sourire... Bon sang. Je devais garder mon sang froid.
_ « Je peux confirmer tout ça qu'à une seule condition. »
Je la regardai en attendant sa condition. Je restai vraiment stoïque face à cette femme démoniaque. J'attendis encore car elle me fixait sans rien dire, gardant son petit sourire effrayant sur les lèvres. Elle me regardait comme si j'étais un morceau de viande, une proie.
_ « Vous êtes tout à fait mon genre, inspecteur, me dit-elle en mettant ses mains sur la table.
_ Étrange, dis-je en la fusillant du regard. Je n'ai rien d'un adolescent dont vous pourriez abuser, dis-je très sérieusement.
_ Bien sûr que non. Votre visage sévère me plait beaucoup. Puis parlons de votre corps. Vous vous entrainez souvent, ça se voit. Vos mains... Minces mais puissantes. Vu l'usure à certains endroits, je dirais que vous faites du Kendo depuis plusieurs années. Ensuite... Vous avez réussi à reprendre cette enquête. Vous devriez me remercier, non ? »
Je regardai mes mains. J'étais surpris qu'elle ait trouvé mon sport seulement en analysant mes mains. Surpris mais pas impressionné. Elle était effrayante... Puis en quoi je devais la remercier ?
_ « Ne faites pas l'étonné, sourit-elle en déplaçant une mèche de ses cheveux derrière son oreille gauche. L'inspecteur Moon était facilement manipulable, ce n'était pas amusant. Un sourire et il remuait déjà la queue devant moi. Ne parlons pas de ses deux autres collègues ! Eux, c'était la poitrine qui les faisait frétiller. Vraiment, les hommes... Soupira-t-elle. Je devais les faire... Dégager. »
Elle fit un signe de la main pour illustrer le mot « dégager ».
_ « Vous me manquiez... Hum, oui, cet air froid et impassible alors qu'en vrai, vous êtes attentionné, doux et... Tellement attaché à cette jolie fleuriste. »
Ses doigts effleurèrent les miens. Je contractai la mâchoire en serrant les dents quand elle évoqua InSoon. Je retirai rapidement mes mains.
_ « Si vous changez vos aveux, je vous laisse feuilles et stylo. »
Je poussai mon carnet et mon stylo face à elle puis je me levai. Elle sembla inquiète.
_ « Attendez ! S'exclama-t-elle. Je ne voulais pas vous inquiéter, elle ne craint rien, je vous le promets.
_ Vous devriez appeler votre avocat. Vous êtes également accusée du meurtre commandité de votre mari. »
Son regard changea. Il s'assombrit et elle retira ses mains de la table.
_ « Cet idiot... Il lui suffisait de faire ce que je lui disais. Il s'est pris pour un héros et par sa faute, il y a eu des morts...
_ Combien de morts ? » Demandai-je en me rasseyant face à elle.
Mon interrogation lui fit plaisir. Elle retrouva rapidement son petit sourire de psychopathe.
_ « Vous êtes intelligent, à vous de trouver la réponse, sourit-elle, satisfaite.
_ Je la trouverai. En tout cas, grâce à Lee JoonGi, nous avons les preuves qu'il faut pour votre condamnation sur le long terme.
_ N'en soyez pas si sûr, inspecteur Yoon. Je vais me sentir vexée si vous me sous-estimez ! Bouda-t-elle. Il ne faut jamais douter du pouvoir des femmes.
_ Dans votre cas, vous n'avez aucun pouvoir. Vous êtes enfermée ici et jusqu'à votre procès. Cette fois-ci, vous n'allez pas vous en sortir. Vous semblez savoir beaucoup de chose sur moi alors... Vous savez à quel point je fais bien mon travail. N'allez pas me sous-estimer non plus.
_ Alors ça restera un secret entre nous, KyunSang, mais j'ai un moyen d'échapper à toutes ces belles choses que promet la prison. »
Entendre mon prénom de sa bouche... Je serrai à nouveau les dents.
_ « Et vous pouvez remercier mon défunt mari pour ça. » Termina-t-elle.
Elle se recula dans sa chaise en posant ses mains sur son ventre. Je compris. Je me levai d'un coup, ramassai toutes mes affaires : dossier, carnet et stylo, puis je partis de la salle d'interrogatoire sans rien ajouter. Je marchai d'un pas rapide jusqu'à mon bureau. Je claquai la porte derrière moi puis j'allai derrière mon bureau. Je restai debout, laissai tomber mes affaires parmi le bordel monstre de paperasse... Puis dans un excès de rage, je dégageai tout par terre ! Je me mis à hurler.
_ « PUTAIN DE BORDEL DE MERDE !! »
Quand je n'eus plus rien à jeter au sol, je me frottai le visage. Je sursautai et relevai rapidement la tête en entendant la porte de mon bureau s'ouvrir soudainement. J'étais prêt à hurler de dégager mais je vis mon collègue mais surtout, ami. Il regarda l'état de mon bureau puis ferma la porte derrière lui.
_ « ... Explique ! Exigea-t-il.
_ Fais venir un médecin. Il faut... Prise de sang... Dis-je en me laissant tomber dans mon fauteuil.
_ Quoi... ?
_ Je veux une prise de sang !! Criai-je. Tous les examens qu'il faut mais elle doit voir un médecin !!
_ Ok mais...
_ Elle est enceinte. » Dis-je en perdant espoir.
Il comprit. On était dans une sacrée merde. Déjà que son profil était difficile à faire condamner... Alors si elle attendait réellement un enfant, c'était impossible.
Quand j'ouvris les yeux, elle était là, devant moi. Elle me dominait car j'étais à genoux, au sol. Elle me fit son sourire le plus démoniaque. Comment j'avais pu me faire avoir comme ça ? Comment c'était possible que je me retrouve dans une telle situation ? Elle allait me faire tout ce qu'elle leur avait fait ? Elle allait me torturer, me violer ? Elle pouvait me faire ce qu'elle voulait, jamais je n'allais broncher ou pleurer, car c'était ce qu'elle souhaitait. Elle voulait voir les hommes se sentir faibles face à elle. C'était pour ça qu'elle faisait tout ça. Elle avait dû vivre un traumatisme, elle avait dû se sentir inférieure à un homme, un jour et ça l'avait traumatisé... ça ne justifiait en rien tout ce qu'elle faisait. Elle était un monstre, il n'y avait pas d'autre mot pour la décrire. Elle s'approcha de moi. Je voulus bouger mais j'étais complètement figé. Mon corps ne me répondait plus. Elle s'approcha encore... Encore... Puis...
_ « Aaaaah ! »
Je me réveillai en sursaut, en me redressant. Je regardai autour de moi rapidement. J'étais... J'étais chez moi, dans mon lit... Ce n'était qu'un cauchemar. Je me frottai le visage en respirant très vite. Je devais me calmer... L'interrogatoire avec elle m'avait autant marqué ?
_ « Yoon... ? »
Je tournai la tête vers InSoon. Elle avait les yeux entrouverts, encore endormis.
_ « Excuse-moi, soufflai-je à voix basse. Rendors-toi. »
Je me rallongeai à côté d'elle et j'allai déposer un baiser sur son épaule nue. Elle referma les yeux et se rendormit rapidement. Je regardai son visage d'ange pendant quelques secondes puis je sortis du lit très lentement. Je me levai et j'allai chercher un jogging pour m'habiller. J'allai ensuite dans mon salon. Je m'étirai. Il n'était que trois heures du matin... Je n'avais dormi qu'une heure trente. Je soupirai et j'allai me faire un café. Quand il fut prêt, je pris ma tasse et j'allai m'asseoir à mon petit bureau en bordel. Décidément, je devais peut-être commencer à ranger mes affaires... InSoon se plaignait de mon côté bordélique. Je posai ma tasse sur un coin de mon bureau puis je pris les papiers sur le dessus de la pile. Je les lus sans grande conviction de trouver une nouvelle preuve.
Après une trentaine de minutes à me retourner le crâne et deux tasses de café avalées, je repensai enfin à un détail. Quel était l'implication du clan Byeom dans cette histoire ? Pourquoi m'avoir envoyé un avertissement ? Je regardai à nouveau l'heure. Je savais où je pouvais essayer d'avoir des informations. Il y avait un endroit bien connu qui appartenait au clan. Je me levai puis j'allai prendre une douche rapide. J'allai ensuite dans ma chambre pour m'habiller. InSoon ne bougea pas d'un pouce.
Une fois prêt, j'hésitai à partir. Je ne pouvais quand même pas lui laisser un mot... Je retournai dans ma chambre puis je m'assis au bord du lit. Je caressai son épaule douce puis j'allai y déposer un baiser, pour essayer de la réveiller.
_ « Hum... Gémit-elle.
_ Je dois y aller, lui dis-je à voix basse.
_ Hum... Il est quelle heure ?
_ Il est quatre heures. Tu peux dormir encore un peu.
_ Tu vas où ? »
Elle ouvrit un peu mieux les yeux pour me regarder. La lumière du salon éclairait faiblement la chambre.
_ « Au boulot. »
On avait parlé en même temps. Elle eut un sourire à cause de ça mais je sentais bien que ça l'embêtait que je parte au milieu de la nuit.
_ « Foncez, bel inspecteur, sourit-elle en caressant ma joue.
_ Rendors-toi. »
Je me penchai sur elle puis j'allai déposer un baiser sur ses lèvres magnifiques. Je me levai ensuite du lit puis avant de fermer la porte de la chambre, elle me fit un coucou avec la main. Je lui fis la même chose et je fermai enfin. Je pris mes affaires puis je partis rapidement jusqu'au club, à la recherche d'informations.
J'avais pu entrer facilement. Le videur m'avait simplement demandé pourquoi je venais. Je lui avais dit clairement que je venais voir son patron et il m'avait laissé passer. Je devais sentir le flic à dix kilomètres pourtant... C'était bizarre. Je traversai le club pour aller jusqu'au couloir du fond. Là, un autre type m'analysa de la tête au pieds puis il me laissa passer. Ils devaient sérieusement revoir leur radar anti-flic ! Je fus enfin dans le couloir rempli de porte. J'ignorai sur qui j'allais tomber mais je devais avoir des infos. J'espérais simplement ne pas tomber sur le chef de gang. Je traversai le couloir puis je vis l'écriteau : « Gérant ». Je frappai alors à la porte. J'eus une réponse rapide.
_ « Entrez ! »
Je respirai un bon coup puis j'entrai. Je fus surpris de trouver un gamin assis au bureau. Il était seul en plus. Je fermai la porte derrière moi. Il m'analysa quelques secondes puis je crus voir de la peur dans son regard. Il avait compris que j'étais flic lui ?
_ « Je suis l'ins...
_ Pas ici. » Me coupa-t-il.
Il se leva, prit son manteau qu'il enfila puis il vint jusqu'à moi.
_ « Je vais fumer. »
Il sortit donc je le suivis. On alla à l'autre bout du couloir, à l'opposée de là où j'étais entré. Il poussa la porte en métal et on se retrouva dans une ruelle. La porte claqua derrière moi puis il sortit un paquet de clope de sa poche.
_ « Vous fumez ? Me demanda-t-il en en mettant une entre ses lèvres.
_ Non. »
Il rangea le paquet puis il alluma sa cigarette. Il me regarda puis il fixa le bâtiment derrière moi.
_ « C'est bourré de caméras là-dedans, dit-il.
_ Je suis l'inspecteur Yoon. Je m'occupe de l'affaire Choi SoYoung. Vous en avez entendu parler ?
_ Ouais... Je m'appelle Min YoonGi. »
Il me tendit sa main. J'avais l'impression qu'il voulait coopérer. Je pris sa main pour la serrer doucement. On se lâcha puis je vis qu'il voulait me dire quelque chose.
_ « J'ai reçu un colis réjouissant du clan Byeom. Une paire d'yeux et une main. Vous êtes au courant de quelque chose ?
_ Quoi... ? Ça non. C'est dégueulasse...
_ Vous ne faites pas partie du clan ? Demandai-je.
_ ... Pas vraiment... Ou contre mon gré, avoua-t-il.
_ Vous voulez en parler ?
_ Vous n'êtes pas un flic corrompu par le clan ? Me demanda-t-il.
_ Corrompu... ? Demandai-je en fronçant les sourcils.
_ Ouais. Certains de vos collègues ont tendance à fermer les yeux sur les activités du clan.
_ Ça ne m'étonne pas tant que ça, soupirai-je. Mais non, je ne fais pas partie d'eux. Je veux mettre Choi SoYoung en prison. Je veux savoir si le clan a un lien avec elle.
_ Bien sûr ! S'exclama-t-il. Et un sacré lien...
_ J'ai besoin de savoir, lui dis-je à voix basse.
_ Et moi... »
Il retira sa cigarette pour la jeter au sol et l'écraser.
_ « Je veux me barrer du clan, avoua-t-il à voix basse. Je peux... »
Il s'arrêta et regarda autour de lui pour s'assurer qu'on était seul.
_ « Je peux vous dire tout ce que je sais sur le lien entre le clan et cette malade... Mais il me faut une protection.
_ Vous l'aurez, dis-je sans hésitation.
_ Quand je dis protection, je parle d'emmerdes avec la justice. Je... Je ne suis pas tout blanc sur un certain sujet. Donc j'ai besoin que vous me promettiez que je n'irai pas en taule.
_ ... Écoutez, je dois savoir ce que vous avez fait avant de promettre ça. Puis... Il faut que j'en sache un peu plus sur ce que vous savez. Si ça ne m'apporte rien, je ne vais pas vous protéger juridiquement parlant.
_ Ouais, ouais, je comprends. Alors... Mardi midi, à... Ce restau... »
Il sortit un stylo de sa poche pour écrire rapidement sur son paquet de cigarettes, qu'il me donna.
_ « Je vous dirai tout ce que je sais et si ça vous aide, j'aurai besoin de votre protection.
_ Très bien. Mais... Pourquoi ne pas fuir d'ici ? Demandai-je par curiosité.
_ C'est personnel. A mardi. »
Il retourna dans le club et verrouilla la porte derrière lui. Je regardai le paquet de cigarettes. Il avait intérêt à me donner des informations utiles s'il voulait que je lui sauve la peau.