Juste après la Fin du Monde

By KouignAmandine

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Qu'est-ce qui se passe, après la fin du monde ? More

Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 17
Chapitre 18
Chapitre 19
Chapitre 20
Chapitre 21
Chapitre 22
Chapitre 23
Chapitre 24
Chapitre 25
Chapitre 26
Chapitre 27
Chapitre 28
Chapitre 29
Chapitre 30
Chapitre 31
Chapitre 32
Chapitre 33
Chapitre 34
Chapitre 35
Chapitre 36
Chapitre 37
Chapitre 38
Chapitre 39
Chapitre 40

Chapitre 16

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By KouignAmandine

— Une liste.

— Une liste ?

Émile était agenouillé au dessus d'une bassine, rinçant sa part de lessive pour la journée à la main. Et dire que chez lui, c'était encore ses parents qui se chargeaient de ça, autant dire qu'il était absolument ravi de découvrir ainsi cette activité fort distrayante. Penchée par dessus lui, Elisabeth - qui ne pouvait plus s'agenouiller sans tirer sur ses sutures - regardait d'un œil distrait le jeune homme en train de faire ses corvées. Elle y échappait pour le moment, mais bientôt elle devrait elle aussi faire du service public dans le camp, bien qu'elle espérait très vite refaire partie des explorateurs plutôt que de tourner en rond ici comme un lion en cage.

Trois jours s'étaient écoulés depuis le grand conseil de Martha, du moins c'était comme ça qu'elle appelait ce moment incroyable où l'air de rien elle avait pris le pouvoir décisionnaire, et la vie semblait suivre les grandes lignes décidées par la grand-mère du camp - et cette appellation là était plutôt plutôt globale pour le coup. Les journées étaient d'une longueur lancinante pour Elisabeth qui ne pouvait rien faire et persistait à ne pas rester au lit à se tourner les pouces en attendant de guérir. Il fallait donc qu'elle s'occupe et ce n'était pas une dizaine de points de suture dans la cuisse qui allait l'empêcher de vivre.

— Il serait temps de savoir qui est dans ce camp, non ? Et ça sera bien plus facile pour établir les programmes de corvées.

Émile remua la tête en signe d'assentiment, le blond presque platine de ses cheveux accrochait la lumière des lampes blanchâtres du plafond. Et pour combien de temps en avaient-ils encore d'électricité et de lumière après tout ? Encore une question qu'il ne valait mieux pas se poser.

— Et tu vas devenir folle à rester ici à ne rien faire surtout.

— Oh ça va, râla-t-elle. Tu vas m'aider ?

— Si tu veux, mais je ne sais pas si tout le monde va te dire oui bien gentillement.

Quand Mathias était venu lui parler juste après qu'on l'ait recousue et que la discussion avait dévié sur ses collègues étudiants, elle s'était rendue compte que non seulement elle les connaissait tous seulement en surface mais qu'en plus elle ne connaissait même pas le visage de la moitié des membres du camp.

— On pourrait aussi demander les métiers de tout le monde, ça pourrait servir d'avoir... Je sais pas, un plombier sous la main.

Elle aurait bien aimé avoir un plombier sous la main quand elle avait donné ce coup de pelle de trop, par exemple. Émile essora la chemise qu'il était en train de laver et la passa distraitement à Elisabeth. Docile, elle la fit claquer dans l'air avant de le poser sur l'étendoir tout neuf.

— Et tu veux faire ça comment ? interrogea-t-il tout en prenant un nouveau t-shirt sale dans la pile à laver.

— Je me disais qu'on pourrait tous mettre une petite étiquette avec notre prénom sur la poitrine.

— Oh bah oui, ça m'a l'air excellent comme idée. Un petit tour de présentation aussi, devant tout le monde ?

Elle leva les yeux au ciel tout en haussant les épaules provoquant un rire clair chez le blond, elle lui expliqua qu'elle voulait tout simplement aller parler à tout le monde et demander des informations de bases - nom, prénom, métier ou bien activité où ils s'estimaient doués et peut-être d'autre chose auxquelles ils penseraient plus tard - et les noter sur une feuille, Martha en ferait sûrement quelque chose d'utile. Après avoir reçu son approbation, elle le laissa pour aller chercher de quoi écrire dans la boutique.

Elle traînait sa jambe blessée comme un boulet, avançant lentement vers le magasin où elle allait pouvoir aller chercher le matériel dont elle avait besoin. Tout le monde était occupé autour d'elle, affairés à ses activités assignées ou simplement à faire sa vie dans le camp. Il avait fallut un certain temps mais tout le monde semblait enfin prendre la mesure de leur situation et du fait qu'il allait falloir s'y faire pendant un certain temps. Ainsi, la vie commençait à nettement plus ressembler à une vie quotidienne classique, tout simplement sans soleil et presque sans intimité.

C'était peut-être ce qui était le plus flagrant, vivre du jour au lendemain sans vie privée avec tous ces inconnus était une expérience unique, « une expérience humaine » avait évoqué Émile lors d'une des discussions tardives autour d'un réchaud. Mais ils n'allaient pas finir leur jour ici, ou peut-être, si ils ne trouvaient pas de moyen de se réapprovisionner rapidement. Ils ne produisaient rien - ils ne pouvaient pas - mais par contre ils entassaient déchets de toutes sortes, ce qui allait sans doute devenir dangereux si ils ne trouvaient pas de solution définitive. Les cadavres en particulier devenait un problème inquiétant qui pourraient leur amener maladies et germes dont personne ne voulait entendre parler. Il fallait les brûler, tout simplement, mais où ? Tous ces petits problèmes s'entassaient de jour en jour pour devenir étouffants, menaçants.

Elisabeth atteignit enfin l'entrée du magasin après une marche de seulement quelques centaines de mètres qui lui parut pourtant une éternité. Lampe en main, elle chercha la papeterie parmi les rayons qui se vidaient à vue d'œil au fur et à mesure des jours. Elle mit un peu de temps à mettre la main dessus, c'était un rayon dont elle n'avait jamais eu besoin jusqu'à présent et son accès direct était bloqué par un rayonnage tombé au sol. Jambe blessée oblige, elle fit le grand tour et parvient enfin devant des blocs-notes et des stylos de toutes les couleurs et styles possibles et inimaginables.

Mais il lui fallait encore trouver des feuilles propres pour faire son office, et nombre des blocs ou carnets étaient tombés au sol et rendus inutilisables. Et ce qui l'intéressait se trouvait évidemment tout en haut du rayonnage : elle avait une préférence pour les feuilles quadrillées à petits carreaux, c'était comme ça et elle n'y pouvait rien. Au moment où elle tendit la main pour essayer d'en attraper un bloc, une autre main surgit au dessus de sa tête pour s'en saisir : son cœur manqua un battement et elle se retourna de surprise braquant sa lampe sur la personne qui se tenait derrière elle.

Jean.

Elle ne l'avait absolument pas entendu arriver. De surprise, elle s'était entendue crier et sa respiration s'était emballée aussi fort que les battements de son cœur. Recroquevillée contre le rayonnage qu'elle avait bousculée sans y prêter garde, elle avait replié ses bras le long du corps dans un pur réflexe de protection :

— Jean, dit-elle dans un souffle. Tu m'as fait peur.

Sans un mot, il lui tendit le bloc-notes qu'elle avait essayé de prendre en haut du rayon, elle le prit d'une main fébrile qu'elle ramena aussitôt à elle en baragouinant un « merci » tout aussi fébrile. Depuis quand était-il là ? Est-ce qu'il l'avait suivi ? Les garçons lui avaient dit de se méfier de lui après le dernier conseil où elle avait avoué avoir été la cause de la perte de leur moyen le plus sûr de sortie jusqu'à présent, quelque chose dans son attitude les inquiétait. Cet homme, qui lui paraissait soudain une armoire à glace dans la pénombre, ne pouvait décemment pas l'avoir suivi pour lui régler son compte ? Ou lui faire peur ?

— Ce n'était pas très malin ce qui tu as fait l'autre jour dans les tunnels.

Sa première impulsion fut de l'envoyer bouler et de lui dire d'aller creuser lui-même si ça l'amusait mais elle retint sa remarque au fond de sa gorge, un regard rapide derrière lui lui avait rapidement appris qu'ils étaient seuls au fond de ce magasin bien coupé du reste du camp. Si il décidait d'être manuellement bruyant avec elle, il n'y aurait personne pour l'entendre crier et si par miracle quelqu'un l'entendait il se serait écoulé assez de temps pour lui craquer la nuque d'un seul geste avec les mains qu'il avait.

— J'aurai cru que tu avais un meilleur instinct de survie, continua-t-il.

Elle fronça les sourcils, incertaine du message qu'il voulait lui faire passer d'un coup : remontrance ou gentille attention ? Elle accepta de cesser de lui faire face pour se servir dans les stylos, il valait mieux montrer une assurance certaine devant les prédateurs : c'était une règle qu'elle avait appris très vite dans le monde de la nuit.

— C'était un accident, ce n'est pas comme si j'avais voulu percer ce conduit et essayer de mourir noyée.

Elle constata avec bonheur que sa voix avait l'air beaucoup plus sûre qu'elle ne l'était réellement, ces mois d'entraînements face à des magnats du crime commençaient enfin à payer, et juste au bon moment par dessus tout. Pour se calmer, elle fit mine de farfouiller dans les stylos pour en trouver un qui lui convenait en les essayant, elle cherchait surtout à s'occuper et à ne pas céder à la panique de sentir le regard de Jean fixé sur ses épaules. Elle avait une envie folle de prendre ses affaires et partir en courant mais sentait bien que si il était venu ici pour régler ses comptes il lui faudrait à peu près trois secondes pour l'attraper et...

— Si tu as besoin d'aide, tu sais que tu peux me demander, n'est-ce pas ?

Il l'avait interrompu dans le fil de ses pensées et elle eut un hoquet de surprise : de la compassion, de la gentillesse ? Impossible de définir avec exactitude le ton qu'il venait d'employer avec elle mais il était certain d'une chose : il était en train de lui faire du rentre-dedans.

— Je, bégaya-t-elle, je... Je garderai ça en tête.

Elisabeth ne se retourna pas, attendant avec appréhension la suite des événements : si il la prenait dans ses bras, elle lui mettrait directement un coup dans les joyeuses.

— Bien.

Et sans un mot de plus, elle sentit un léger courant d'air derrière elle indiquant qu'il venait de tourner les talons et la laisser seule ici. Elle risqua un regard par dessus son épaule et aperçut le faisceau de sa lampe qui se dirigeait vers la sortie du magasin.

La jeune femme relâcha enfin la pression en prenant une longue inspiration : elle avait eu une peur bleue. Sincère ou pas, Jean venait de lui faire se dresser les poils sur l'intégralité du corps en une fraction de seconde. Elle avait l'habitude de gérer des gros durs dans sa deuxième vie en surface mais rarement dans des endroits isolés sans rien qui puisse lui servir d'arme autour d'elle. Elle inspira à nouveau profondément, une main sur la poitrine pour vérifier que son rythme cardiaque revenait à la normale.

— Nom d'un chien, murmura-t-elle.

Elle ramassa à la hâte quelques stylos qu'elle fourra dans la poche de sa veste et jeta le bloc que Jean lui avait attrapé, par pure fierté elle se hissa sur la pointe des pieds pour en prendre un autre. Si en plus, la brute du camp lui faisait les yeux doux, elle n'était pas sortie de l'auberge.

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