Absolument toutes les fenêtres de notre demeure sont plongées dans une obscurité noire. Je pousse machinalement la porte d'entrée et la referme derrière moi. La première chose que je remarque c'est qu'il n'y a pas un bruit. Un silence assourdissant et déprimant règne entre les murs. J'appuie sur l'interrupteur de l'entrée pour donner un semblant d'habitat et retire ma veste que j'accroche au porte-manteau placé juxtaposé du rangement à chaussures. Je monte ensuite à l'étage avec la mission de trouver une tenue potable pour ce soir. Que suis-je censé porter d'ailleurs ? Je ne pense pas qu'il s'agisse d'une sorte de soirée chic au restaurant mais j'opte tout de même pour un costume standard noir. Une fois vêtit, je m'éclipse dans la salle de bain pour me brosser les dents et me coiffer. Je suis presque en retard lorsque je réussis à ajuster mes cheveux comme je le souhaite. Je m'empare des clés et de quelques billets que je fourre aussitôt dans l'une de mes poches et passe le seuil de la porte. Je ferme à clés la maison et accoure jusque ma voiture. Un court instant plus tard, je me gare à l'adresse que Jessica m'a donné par message. Je décide de sortir du véhicule et d'aller frapper à la porte même si je ne vois pas l'intérêt. La porte s'ouvre instantanément après que j'ai frappé sur une petite tête brune. Elle se retourne et dit quelque chose à la personne se trouvant sans doute derrière elle. Elle se tourne ensuite vers moi, m'adresse un grand sourire et referme la porte derrière elle.
-Tu es fabuleuse. lâchais-je, hébété.
Elle semble rougir face à mon propos et me remercie telle une petite fille recevant pour la première fois un compliment.
-Tu es très beau dans ce costume, ça change. répliqua-t-elle, avec un sourire.
Je souris à son propos et lui propose mon bras pour l'amener jusqu'à la voiture. Je me comporte de mon mieux comme un gentleman et lui ouvre ensuite la portière passager où elle s'assoit à son aise. Je m'installe ensuite à mon siège et démarre le moteur avant de mettre un CD particulièrement choisi pour cette occasion. Quelques notes frénétiques commencent à s'échapper des enceintes et je jette instinctivement un regard à Jessica pour voir sa réaction. Elle paraît surprise sur le coup puis, esquisse un sourire complice tandis que nos regards se croisent.
-Où comptes-tu m'emmener ? s'enquit-elle, lorsque nous nous arrêtons à cause d'un feu rouge.
-Tout ce que je sais c'est que ça rentre parfaitement dans le thème de ta chanson.
Elle ne répond pas et semble réfléchir intensément à ce que j'insinue.
***
Nous arrivons désormais devant le restaurant et instantanément, le visage de Jessica s'illumine face à la découverte inopinée de mon choix. Elle m'adresse un sourire et accepte le bras que je lui tends tandis que nous nous approchons du bâtiment. Une fois à l'intérieure, l'atmosphère diffère de manière étonnante. Un grand souffle de chaleur mêlé à une odeur de grillade éveille la totalité de mes sens. Un homme d'une trentaine d'années s'avance vers nous et nous demande si nous avons réservé. Je lui réponds de manière affirmative et nous le suivons ensuite jusqu'à une table en coin avec banquette. C'est la table parfaite pour les couples j'ai l'impression. Peu de luminosité, siège unis donc occasion de se rapprocher et elle est placée dans le fond du restaurant. Nous remercions le serveur et nous installons.
-C'est très jolie. fit-elle, en jetant un regard circulaire autour d'elle.
-Donc ça te plaît ? m'enquis-je, incertain.
-Pour l'instant tu as fais un sans faute. dit-elle, en posant une main sur la mienne et en me regardant intensément.
-Faîtes que ça continu dans ce cas. répondis-je, en me rapprochant subtilement de son côté.
Le serveur revient ensuite nous demander notre commande et c'est avec étonnement que nous choisissons la même chose. Nous gloussons de manière nerveuse puis attendons l'arrivée de l'entrée.
***
Lorsque le dessert arrive enfin, je remarque maintenant toutes les bouteilles de vin que nous nous sommes enfilées. Il y en a trois vides sur la tables. Un serveur au loin remarque leur présence et entreprend de les débarrasser de la table. Je le remercie tandis que l'autre serveur nous apporte une dernière bouteille de champagne cette fois-ci, que je décline, raisonnable, mais Jessica proteste et s'empare de la bouteille. Je finis par céder et la laisse boire à sa guise.
A la fin du dîner, je remarque la bouteille de champagne vidée et juste à côté de moi, Jessica complètement ivre. Elle commence à s'affaler contre la banquette murale et s'écroule un peu plus contre moi jusqu'à poser sa tête sur mon épaule. Je la retiens puis finis par la soutenir par les épaules tandis que je paye l'addition. Le chemin pour arriver jusque la sortie me paraît étrangement plus difficile avec le corps inerte de Jessica dans les bras. J'arrive ensuite jusqu'au véhicule et la dépose délicatement, tel un objet fragile, sur la banquette arrière et me dévêtis de ma veste que je mets en boule afin de soutenir sa tête. Je m'installe au volant et réfléchis à une solution en ce qui concerne Jessica. Qu'est-ce que je fais ? Si je la ramène chez elle et que ses parents la voient dans cet état, je peux dire adieu à la revoir un jour. Ils m'en voudraient de l'avoir laissée boire autant d'alcool. Mais où pourrais-je l'emmener ? C'est au bout d'un long moment que je réalise l'évidence de la situation. Je démarre le moteur et des vrombissements s'élèvent soudain de la Porsche tandis que j'appuie sur l'accélérateur. Un quart d'heure plus tard, nous sommes arrivés. J'arrête le moteur et retire les clés de l'appareil que je fourre dans l'une de mes poches. Je contourne ensuite le véhicule et ouvre la portière arrière où se trouve Jessica. Je m'empare de son corps inconscient et la porte sur mon épaule en faisant attention à sa tête. Je ferme d'un coup de pied brute la portière encore ouverte et m'aventure dans l'allée de petits buissons. J'arrive désormais devant l'entrée et remarque qu'il n'y a aucunes lumières à l'intérieur. Je dépose et colle Jessica contre moi que je maintiens par la taille et ouvre la porte à l'aide de ma clé. Je tourne la poignée et m'empare de nouveau de Jessica. Je passe le seuil de l'entrée et appuie sur l'interrupteur de l'entrée avec mon coude. Je ferme ensuite la porte avec mon pied puis entreprends de monter les escaliers jusqu'à l'étage. Je suppose que ma mère n'est pas encore rentrée car il n'y a pas la moindres traces d'elle comme d'habitudes quand je rentres. J'hésite un instant à l'installer dans l'une des chambres d'amis que nous possédons puis finis par m'orienter vers ma chambre. Je trouve que les autres chambres sont trop vides pour accueillir une quelconque personne. Il n'y a qu'un lit, une table et une chaise et les murs sont soit blancs, beige ou marron clair. J'entre dans ma chambre et allume la lumière. Je dépose Jessica délicatement au centre de mon lit puis lui retire ses souliers ainsi que sa veste qu'elle a gardé toute la soirée. Je la soulève un instant pour la recouvrir après des draps. Je remarque qu'il ne fait pas très chaud dans la pièce donc je décide d'allumer le chauffage au maximum. Je retire mes chaussures à mon tour et enlève mon pantalon et ma chemise. J'éteins la lumière et hésite un long moment à aller dans mon lit avec Jessica. Je finis par me rappeler que nous avons déjà couché ensemble mais j'ai l'impression que ce serait contradictoire ou pas très gentleman. Je finis par aménager un gros matelas que je dépose sur mon tapis, juste à côté de mon lit, m'empare d'une couverture et d'un oreiller et m'endors.
***
Je suis réveillé par la luminosité éclatante provenant de ma fenêtre et lorsque mon esprit embrumé commence à devenir net, je me rends compte d'où je me trouve. Je retire la couverture qui m'enveloppe et me lève. Je remarque la silhouette de Jessica encore endormie et décide d'aller prendre une douche afin d'éventuellement mieux me réveiller.
Une dizaine de minutes environ après, je sors de la cabine de douche et m'enveloppe le bassin de la première serviette que je trouve. Je passe ensuite mes mains sur mon visage et dans mes cheveux rebelles puis me brosse les dents avant de sortir de la salle de bain. A ce même moment, je tombe nez à nez avec Jessica, venant tout juste de sortir du lit. Elle baille avec sa main devant sa bouche puis se frotte machinalement les yeux avant de m'adresser un regard d'incompréhension total. Elle commence par regarder autour d'elle, l'air de ne pas y croire, puis pose son regard de haut en bas. Ses joues se mettent à virer au cramoisi à une telle allure allure que j'en suis étonné.
-Que... Qu'est-ce que je fais ici ? s'enquit-elle, enfin.
-Rassures-toi, je ne t'ai pas kidnappée, ni violée, ni droguée ou quoique se soit. Je t'ai simplement ramenée chez moi car tu étais ivre et j'ai pensé que si tes parents te voyaient comme ça, tu serais sûrement privée de sortir. Je sais qu'il y avait pleins d'autres solutions mais c'est ce qui m'est venu en premier donc... expliqué-je, embarrassé.
-D'accord, et tu as dormis sur ce matelas ?
-Oui, et tu me le revaudras de t'avoir laissé mon lit entier pour dormir. J'aurais très bien pu te laisser dans la voiture remarque...
-Et bien pourquoi est-ce que tu ne l'as pas fais dans ce cas ? m'interroge-t-elle, telle une évidence.
-J'ai voulu être sympa, mais apparemment ça ne me va pas. répliqué-je, légèrement agacé.
-Tu comptes t'habiller où tu attends que je te retire ta serviette ? fit-elle, soudain.
-J'attends que tu te dévoues en vérité. répondis-je, avec un sourire de sous-entendu.
Elle se met à genoux et entreprend de m'enlever ma serviette mais elle s'arrête avant et se relève.
-Je veux d'abord aller déjeuner, je meurs de faim. dit-elle, avec un sourire qu'elle veut innocent.
Je la fixe, essayant de percevoir ses intentions mais je ne trouve qu'une jeune fille affamée. Je reste septique mais la guide jusque la cuisine au rez-de-chaussée. Je lui sers un chocolat chaud ainsi qu'un muffins d'un de la pile se trouvant sur le comptoir puis lui apporte au salon où elle s'est installée. J'allume la télévision et nous regardons une émission dont j'ignorais l'existence mais dont, apparemment, elle est fan. Cela parle d'une jeune fille qui arrive dans un nouveau lycée et il lui arrive pleins de choses et elle rencontre un garçon et ect. Lorsqu'elle enfoure finalement le dernier morceaux de muffin dans sa bouche, je m'attends à ce qu'elle reprenne là où elle s'était arrêtée mais elle n'en fait rien.
-Tu ne comptes pas reprendre là où l'on en était ? la questionné-je, prit d'une envie subite.
-Non. réplique-t-elle, simplement mais fermement sans en avoir l'air.
-Pourquoi ? demandé-je, confus en fronçant les sourcils.
-Parce que je n'en ai pas envie.
-Mais ce sera pour mon plaisir à moi si tu le fais.
-Ah oui ? Et bien dans ce cas fais-le tout seul, je ne pense pas être indispensable à cette fonction. rétorque-t-elle.
-Pourquoi est-ce que tu réagis comme ça ? Je t'ai laissé dormir dans mon lit !
-Oui, merci ! C'est tellement miraculeux de ta part. Franchement, je me demande vraiment ce qui ne tourne pas rond dans ta tête Dereck. Tu es incompréhensible !
-Pourquoi ? Explique-moi !
-Tu... Tu veux bien que l'on couche ensemble mais tu ne veux pas dormir avec moi, ni m'embrasser ! J'aimerais juste savoir pourquoi. Ce serait le contraire, je comprendrais sûrement mais là, non. dit-elle, en baissant la tête sur ses mains.
-Tu veux que je te dises pourquoi je n'ai réellement pas voulu dormir dans le même lit que toi ? m'enquis-je, d'une voix que j'essaye de conserver douce.
Elle hoche de la tête sans pour autant me regarder dans les yeux.
-Et bien c'était parce que ça m'aurait parût déplacé, je ne sais pas. Je ne veux pas que notre première nuit passée ensemble se passe comme ça. Pas dans ces circonstances en tout cas. avoué-je, malgré moi.
Elle relève la tête et me fixe un instant, comme si elle voulait vérifier mes propos par un regard. Elle pose sa main sur la mienne et l'enlace. Elle m'adresse un sourire doux mais je sens que je ne l'ai pas totalement convaincue. Je n'en ai pas finis avec mes explications moi.