Je me surprends à rester un instant immobile, réfléchissant à ce qu'il vient de se passer. Je me ressaisis finalement et pars me coucher à mon tour.
***
Le lendemain matin, je suis réveillé à une heure beaucoup trop tôt. C'est à ce moment là que je regrette d'avoir programmé mon réveil. Mais il faut bien que j'aille un minimum en cours, si je ne veux pas avoir de prof particulier. Je soupire de fatigue et me lève, d'un air las. Je m'étire, baille, et avance d'un pas nonchalant vers ma porte. Je descends l'escalier en me tenant à la rampe et arrive au rez-de-chaussée. Là, je me dirige vers la cuisine.
-Salut ! s'exclame Ariana, en prenant une bouchée de sa gaufre.
-Qu'est-ce que... bredouillé-je, l'esprit encore embrumé.
-Tu ne te souviens pas d'hier soir ? s'enquit-elle, déçue.
-Euh, je ne sais pas. Il est trop tôt pour me servir de mon cerveau là. dis-je, en me préparant un café.
-Tu m'as amenée chez toi et comment dire... Nous... hum... conte-t-elle, en rougissant.
-On a pas couché ensemble quand même ? demandé-je, pris de panique.
Et elle rit, pliée en deux et se tenant les côtes. Je la regarde, commençant à comprendre.
-Il n'y a rien de drôle.
-Si, ta tête ! fit-elle, dans un gloussement.
-Bon, il faut que tu te dépêches par contre parce-que j'ai cours moi. Et il faut que je te ramène d'ailleurs.
***
-Ariana ! Grouilles toi ou je viens te chercher ! crié-je, excédé.
-J'arrive ! s'élève sa voix brusquée et saccadée.
Elle se tient à la rampe d'escalier pour de pas tomber tandis qu'elle fourre un bras dans l'une des manches de sa veste. Elle arrive au rez-de-chaussée saine et sauve et termine de se vêtir.
-Ce n'est pas trop tôt.
Elle ne répondit rien, hors d'haleine, mais m'adresse tout de même un regard méprisant. Je m'empare des clés, ouvre la porte, laisse passer Ariana, passe à mon tour et verrouille l'entrée. Nous nous dirigeons ensuite vers la voiture. Nous nous y installons, j'enclenche les clés de l'appareil et le véhicule s'ébranle. Durant le trajet, un silence palpable règne. Seuls les toussotements d'Ariana et la radio se fait entendre. Arrivés à un feu rouge, je me tourne soudain vers elle.
-Au fait, où est-ce que je te ramène ?
-Dépose moi à ton lycée, je trouverais mon chemin toute seule. réplique-t-elle, sans m'adresser un regard.
-Tu es sûre ? demandé-je, avec insistance.
-Oui.
-Très bien. répondis-je, en soupirant d'un air las.
***
-Merci, pour tout. dit-elle, un sourire timide errant sur ses lèvres.
-Il n'y a pas de quoi. Tu sais que tu peux toujours m'appeler en cas de problème, hein ?
-Oui, je sais. finit-elle par répondre, après un instant d'hésitation.
On se fait une accolade puis, je la laisse descendre du véhicule. Elle s'en va sur le trottoir de droite et mon regard la suit jusqu'à ce que je ne puisse plus l'apercevoir dans mon champ de vision. Je décide finalement de sortir aussi de ma Porsche, et marche à un rythme lent vers la grille du lycée encore ouverte. Il n'y a bizarrement pas beaucoup de monde à l'entrée aujourd'hui. Je traverse ensuite la cour et accède dans le hall. Je ne remarque pas tout de suite l'attroupement se déroulant dans un coin de la salle. Je m'y dirige avec curiosité lorsque soudain, je comprends qu'il s'agit des résultats du premier faux examen. Auquel je n'ai pas assisté, d'ailleurs. Je pousse les personnes pour me frayer un chemin jusqu'au tableau même si je connais déjà mon score. Zéro. Une listée de zéro. Voilà ce qu'il y a à côté de mon nom. Ça ne me surprend qu'à moitié. Je secoue la tête comme pour me ressaisir et m'éloigne du regroupement envahissant. Je m'empare d'un siège et m'y assois. Je réfléchis. Beaucoup de choses fusent dans ma tête. Et pas seulement à propos de l'examen, mais aussi à Ariana, de la nuit dernière, de ses mystères. Pourquoi est-elle si secrète ? je songe. J'essaye de trouver une réponse à mes interrogations mais n'en trouves pas. Je finis par abandonner et la sonnerie retentit à ce moment-là, annonçant l'heure d'aller en cours.
***
Je sors le premier de la salle de classe, éreinté. Je me dirige vers mon casier, dont je ne soupçonnais même pas l'existence jusqu'à présent et y dépose mes affaires tandis qu'une présence se tient à ma droite. Je me tourne alors machinalement vers cette tierce personne et tombe nez à nez avec Jessica. Celle-ci semble légèrement différente depuis notre dernière rencontre.
-Salut, Dereck. fit-elle, en accentuant le ton sur mon nom.
Elle a sa main gauche posée sur sa hanche et l'autre, adossée au casier juxtaposé du mien.
-Salut, comment va ton cou au fait ? demandé-je, en esquissant un sourire narquois.
À cette réplique, elle amène aussitôt sa main gauche à sa nuque et me foudroie d'un regard remplis de mépris. Elle laisse tomber son bras et s'approche subtilement de moi jusqu'à ce qu'il n'y est plus que quelques centimètres qui nous séparent.
-Si tu penses que c'est toi qui mène le jeu, tu te goures mon beau. chuchote-t-elle, au niveau de mon oreille.
Puis, d'un geste vif et précis, m'empoigne l'entre-jambes d'une main experte. Elle m'adresse un clin d'œil et s'éloigne d'un pas serein. Je ne peux m'empêcher d'esquisser un infime sourire pervers et d'afficher une figure étonnée. Je referme mon casier d'un geste nonchalant et me dirige vers l'escalier menant à l'extérieur. Dehors, je souris encore du geste étonnant de Jessica. J'aperçois ensuite Matt et Yoan assis sur le dossier d'un banc au loin et décide de m'y diriger. Arrivé à leur hauteur, je leur serre chacun la main et les salue.
-Eh, on ne t'a pas vu depuis deux jours bro ! s'enquit Matt, indigné.Aurais-tu une vie secrète ?
-Ouais, comme Batman ! s'exclame Yoan, enfantin.
-On ne peut décidément rien vous cacher à vous deux hein. répliqué-je, ironique.
-Eh, ça fait longtemps qu'on n'a pas joué à FIFA ensemble. Et pas question de dire non cette fois mon vieux ! prévient Matt.
-D'accord, on se la fait après les cours ? proposé-je.
-Ouais, et on se rejoins chez moi comme d'habitude. informe Matt.
-Ouais, tu m'en passes une ? demandé-je, en indiquant le paquet de cigarette entre les mains de Yoan.
Il acquiesce et m'en offre une. Je la pince du bout des lèvres tandis que je fouille dans la poche de ma veste à la recherche d'un briquet. Tout à coup, quelque chose venant de l'une de mes poches tombe par terre. Matt s'abaisse et le récupère. Il se relève et fronce les sourcils.
-Pourquoi est-ce que tu as un livre dans ta poche ? s'enquit-il, en me scrutant du regard.
-Je dois le lire pour le cours de littérature, c'est tout. improvisé-je, d'un air innocent.
-D'accord. fit-il, l'air méfiant. Tu changes beaucoup en ce moment, tu sais ?
-En bien ou en mal ?
-Je ne sais pas. Mais tu changes. dit-il, dans un haussement d'épaules.
Je ne réponds pas et détourne le regard tout en aspirant une bouffée de fumée. Après un moment, mes pensées se mélangent et je commence à réfléchir.
Je pourrais tout leur dire. Leur parler d'Ariana, de l'effet étrange qu'elle me fait, de la nuit où je l'ai sauvée. Je pourrais, mais je ne veux pas. J'ai en quelque sorte une envie de préserver cette partie de ma vie. Et puis, pourquoi devrais-je être obligé de tout leur confier ? je songe. Le son strident de la sonnerie me tire de mes pensées. Je me ressaisis, écrase ma cigarette entamée, dis au revoir aux gars et entre à l'intérieure du lycée. Je marche jusqu'à mon casier et en retire les cahiers dont j'ai besoin. Après ça, je me dirige vers la salle où j'ai cours et me présente en classe. Lorsque je pénètre dans la salle, je reste perplexe un instant. Je suis attisé par la professeure se trouvant assise sur son bureau. Soudain, je sais. Il est évident que cette personne m'évoque quelque chose car il s'agit de la professeure avec qui j'ai couché une fois. C'était dans cette classe même. Quelques souvenirs érotiques filent dans mon esprit, ce qui me fait esquisser un sourire satisfait.
-Monsieur, veuillez prendre place s'il vous plaît. m'ordonne-t-elle, en abaissant légèrement ses lunettes pour me voir.
-Oui, mademoiselle. répondis-je, avec un sourire en coin.
-Madame, je vous prie ! rétorque-t-elle, d'un ton sec.
Je crois qu'elle ne m'a pas reconnu. Dommage. Je marche le long des rangées et m'installe à la seule table vide qui est d'ailleurs celle où je m'assois à chaque cours, peu importe la matière. Je sors mes affaires de manière à ce que toutes les têtes se tournent vers moi et celle de l'enseignante avec.
-Tiens ! Vous, au fond. Venez donc nous corriger l'exercice de grammaire qu'il y avait à faire pour aujourd'hui.
J'obéis et me lève de ma chaise. Arrivé au tableau, la professeure se tient juste à côté et regarde comment je me débrouille. Je m'empare d'une craie et commence à répondre à l'exercice avec quelques brefs coups de regard dans sa direction. Soudain, alors que je lui jette un énième regard, je la vois devenir perplexe. Elle fronce les sourcils, non pas à cause de l'exercice mais bien à cause de moi.
-Vous vous souvenez ? demandé-je, dans un murmure pleins de sous-entendus.
-C'est... impossible. fit-elle, d'une voix presque inaudible afin qu'il n'y ait personne d'autre qui entende.
-Vous vous en souvenez. répété-je, affirmant et assouvi.
-Ça suffira, je vais appeler quelqu'un d'autre pour la suite de l'exercice merci. fit-elle, d'une voix dure et sévère.
Je repose donc la craie et laisse la place à un autre élève tandis que je retourne à ma place, suffisant. Tout à coup, je sens quelque chose vibrer dans ma poche arrière. Je fouille donc dans celle-ci et en ressort mon téléphone. J'ai reçu un message.
" De Maman à Dereck :
Rentres à la maison plutôt ce soir s'il te plaît, c'est urgent. Bisous "