Roses [REECRITURE]

Par linamendes213

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A la mort de sa mère, Aaliyah, jeune adolescente pétillante, s'était soudainement altéré à une toute autre pe... Plus

CHAPITRE 1
CHAPITRE 2
CHAPITRE 3
CHAPITRE 4
CHAPITRE 5
CHAPITRE 6
CHAPITRE 7
CHAPITRE 8
CHAPITRE 9
CHAPITRE 10
CHAPITRE 11
CHAPITRE 12
CHAPITRE 13
CHAPITRE 14
CHAPITRE 15
CHAPITRE 16
CHAPITRE 17
CHAPITRE 18
CHAPITRE 19
CHAPITRE 20
CHAPITRE 21
CHAPITRE 22
CHAPITRE 23
CHAPITRE 24
CHAPITRE 25
CHAPITRE 26
CHAPITRE 27
CHAPITRE 28
CHAPITRE 29

CHAPITRE 30

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Par linamendes213

Shane

J'ouvris difficilement les yeux, éblouis par les lumières de la pièce tout de blanc. Le calme régnait, seul l'oxymètre de pouls se faisait entendre. Une fois mes yeux bien ouverts, je regardais autour de moi et me rappelai des récents évènements lorsque je compris que j'étais dans une chambre d'hôpital. A ma gauche, se trouvait une poche d'un liquide transparent accroché à une sorte de porte manteau à roulette, à laquelle j'étais relié grâce à un tube piqué dans le pli de mon bras gauche. A ma droite, je pouvais voir la manche de mon sweat découpée et mon coude enroulé d'un bandage blanc.

Je me levais péniblement du lit dans lequel on m'avait installé, épris par un lourd mal de tête et retira la pince dans mon doigt qui émit un long bruit ardu qui ne fit qu'accroître la douleur qui tapait sur mon crâne.

- Putain c'est pas vrai, chuchotai-je agassé.

Je retirai par la suite ma perfusion. Cela ne fera que me freiner lorsque j'irai voir l'état d'Aaliyah.

- Non, mais que fais-tu ? demanda une voix sortie de nulle part.

Je levai ma tête et vit le docteur Howard.

- Je n'ai pas besoin de ça, lui indiquai-je.

- Au contraire Shane, tu en as besoin pour reprendre des forces. '

- Comment connaissez-vous mon prénom ?

- On a retrouvé ton portefeuille dans la veste que portait Aaliyah. Tous tes papiers étaient dedans. Je suppose que ce blouson est à toi.

J'hochais de la tête et elle mit ma veste au pied du lit.

- Comment va-t-elle ?

- Elle va s'en sortir. Elle est forte, dit-elle en s'asseyant à mes côtés.

- Et sa blessure ?

- Elle a une entaille de sept centimètres sur le front. On a retrouvé des micro fragments de verre dans sa plaie.

Je fermais les yeux à l'entente de sa trouvaille. Elle avait dû se blesser avec un morceau de verre encore accroché à l'encadrement de la vitre en sortant de la voiture.

- J'ai dû casser la vitre pour qu'on sorte de la voiture.

Elle hocha de la tête sans rien ajouter.

- Je veux la voir.

- Désolé, mais ça n'est pas encore possible. Ta copine doit se reposer.

Un rictus apparaît inconsciemment sur mon visage à l'entente de ses mots, m'ayant involontairement procuré un baume au cœur.

- Ce n'est pas ma copine mais ma demi-sœur.

- Oh, au temps pour moi. En vue de la situation, j'ai pris la liberté d'appeler ton parent et elle m'a dit qu'elle allait prévenir le papa de ta demi-sœur. Donc ton beau-père...

- Oui.

- Je les ai appelés il y a une quinzaine de minutes, dit-elle en se levant du lit. Ils ne devraient plus tarder. Pour l'instant, allonge toi et repose toi, il est tard mon grand, me sourit-elle en sortant de la chambre.

Je regardais l'heure qu'indiquait l'horloge sur la table de nuit : 01h56.

Je n'avais pas sommeil. Je venais d'être inconscient pendant plusieurs heures et mes pensées étaient trop tourmentées pour pouvoir dormir ou même penser à quelque chose d'autre que ma rose. Même si je ne pouvais pas lui parler ou la toucher, je voulais au moins la voir, voir sa poitrine monter et descendre pour me rassurer.

Je ne pouvais fermer les yeux sans revoir le corps inconscient d'Aaliyah dans l'eau ou encore son visage ensanglanté. Comme recommandé par le docteur Howard, je m'allongeai et essayai de me détendre pour me changer les idées et oublier cet horrible accident. Je me concentrais à fixer un point au plafond pour ne plus penser, lorsqu'au bout de quelques secondes à peine, la porte s'ouvrit. C'était le docteur et nos parents. A la vue de Tyler, les yeux rougis, je bondis de mon lit et me jetai dans ses bras. Si j'avais réussi à garder la tête froide tout au long de la soirée, c'était dans ses bras que j'explosai finalement en sanglots. J'avais besoin de réconfort et il était la seule personne à ce moment précis qui pouvait soulager la peine immense qui me rongeait.

- Je suis désolé... dis-je à Tyler entre deux sanglots.

Je n'arrêtais pas de répéter cette phrase, me sentant coupable de ce qui était arrivé alors qu'il ne savait même pas que ce n'était pas moi qui conduisait...

- Ce n'est pas de ta faute Shane. Ne te sens pas coupable.

... Et même en croyant que j'étais le conducteur de la soirée, il arrivait à me faire déculpabiliser de cet accident. Il était beaucoup trop bon. Mère ne le méritait pas.

Je me détachai de lui et séchai rapidement mes larmes en voyant que le docteur Howard voulait dire quelque chose.

- J'ai pû obtenir un droit de visite pour Aaliyah mais seulement pour une personne.

Tyler me regarda comme s'il me posait la question.

- Vas-y Tyler. C'est ta fille, la question ne se pose même pas.

- Aaliyah t'aime beaucoup et je sais que toi aussi. Tu as vécu un moment traumatisant, cela te ferait peut-être du bien de lui rendre visite.

- Non, au contraire, cela me fera plus mal, mentis-je.

Il fallait qu'il s'en aille pour que je puisse rester seul avec Mère. J'avais des comptes à régler avec elle.

- Et puis, je suis beaucoup trop épuisé, ajoutai-je.

Il m'actroya un sourire triste, puis se fit accompagner par le docteur pour aller voir Aaliyah.

- Tu me fais honte, dit enfin Mère, qui n'avait pas encore dit un mot depuis son arrivée.

- C'était toi, avoue.

Elle ne répondit pas et à la place, elle ferma les stores de la fenêtre de ma chambre. Elle se retourna vers moi, un sourire en coin scotché sur son visage.

- Pour une fois que ma cible n'était pas elle. Tu t'en es bien sorti. Encore une fois.

Je m'approchai d'elle en furie et la poussa contre le mur.

- Mais t'es complètement folle ! lui hurlai-je en serrant son cou avec mes mains.

Cette action n'avait pas l'air de lui faire le moindre effet et plus je serrai son cou, plus elle riait, indifférente que son visage devenait plus rouge qu'une tomate. Une réaction qui me déstabilisa fortement et cette dernière en profita pour saisir mes mains et les broyer en un seul geste, ce qui me fit gémir de douleur et elle me poussa à son tour contre la table de nuit.

- Je t'avais prévenu Shane, plusieurs fois même.

- Comment nous as-tu trouvé ? J'avais pourtant atteint nos téléphones !

- Arrête de te croire plus malin que moi. J'ai toujours un coup d'avance sur toi, me nargua-t-elle.

- Ma voiture... susurrai-je à moi-même. Tu as mis un traqueur sur ma voiture ?

Elle ne répondit rien, ce qui prouvait que j'avais raison.

- Tu bluff, ça n'était pas toi, c'est impossible, ne voulais-je pas voir la réalité en face, même si je savais de quoi elle était capable. Tu n'aurais pas pû quitter la maison sans que Tyler ne s'en aperçoive.

- Les somnifères, ça existe.

- Beh voyons. Je suppose que t'en as pas eu l'idée toute seule. Comme d'habitude t'es allé faire le sal boulot de Blake. Ou tu lui as certainement demandé la permission pour faire tout ça !

Elle l'avait mauvaise. C'était visible à dix kilometres a la ronde et elle cracha :

- Peut-être que pour elle oui. Mais n'oublie pas que pour toi, je te manipule comme je le souhaite. Tu n'as pas remarqué ta ceinture bloquée ? Ou encore les freins coupés ?

Les freins ? me demandai-je. Et puis tout me sembla clair. C'est pour ça queAaliyah avait failli griller le feu rouge et qu'elle fut hésitante lorsque je lui demandais d'accélérer.

- T'es vraiment qu'une pourriture... C'était Aaliyah qui conduisait ! lui gueule-je dessus.

- Même si pour une fois elle n'était pas ma cible, si elle meurt, je n'aurais pas fait tout ça pour rien, se venta-t-elle.

- Si elle meurt, je te tue, grinçai-je entre mes dents. Crois-moi je n'hésiterais pas. Je n'aurais plus rien à perdre.

- Si tu n'avais déjà plus rien à perdre avant elle, tu te serais laissé mourir ce soir-là.

Sa phrase me refroidit et je me tue comme je l'aurais fait il y avait quelques mois, en me remémorant cette scène.

- J'aurais préféré mourir ce soir-là.

- Petit ingrat ! dit-elle avant de sortir et claquer la porte.

*

J'émergeai doucement de mon sommeil, réveillé par les rayons du soleil qui transperçaient les rideaux blancs de la chambre. Je levai mon bras gauche pour me frotter l'œil et je remarquai qu'il m'avait remis ma perfusion.

- Putain, fait chié, jurai-je.

- Tu te sens bien Shane ? entendis-je non loin de moi.

Je tournai ma tête à la hâte et n'avais même pas remarqué qu'elle était assise à côté de moi.

- Lizzie ?

- Salut, me sourit-elle.

- Qu'est-ce que tu fais ici ? demandai-je surpris de la voir ici.

- Ton beau-père nous a appris pour Aaliyah et toi, alors avec Malik on s'est empressé de venir, dit-elle alors que je remarquai à peine ses yeux rougis.

- Ça va aller, Lizzie. Ne pleure pas, la rassurai-je.

Elle rit nerveusement.

- Pleurer c'est un grand mot, dit-elle en passant instinctivement ses mains sur ses yeux.

Je me levai aussitôt de mon lit et la pris dans mes bras. La voir aussi vulnérable me touchait énormément. Elle qui montrait constamment un côté assez agressif et dur, la voir dans cet état là était inédit pour moi et me peinait. Même si elle montrait le contraire, comme nous l'avait confirmé son père, le proviseur Cunningham, Lizzie avait un grand cœur et se souciait énormément des personnes qu'elle aimait. J'étais flattée, ainsi que pour mes amis, qu'elle nous apprécie de la sorte. Les gens connaissaient Elizabeth Franklin, pas Lizzie Cunningham.Aux yeux de tous elle peut paraître bizarre froide et rebelle mais ils ne la connaissent pas. Ils connaissent Lizzie Franklin mais pas Elizabeth Cunningham

- J'espère qu'Aaliyah va mieux.

- J'espère aussi, dis-je en nous séparant. J'ai pas de nouvelle depuis hier. Où est Malik ?

- J'sais pas. Quand il t'a vue dormir, il est sorti sans me dire où il est allé. Mais j'penses pas qu'il ait quitté l'hôpital.

- Je pense savoir où il se trouve.

Nous arpentâmes les couloirs de l'hôpital, en traînant avec ma perfusion pour ma part, et ce fut au bout de quelques minutes que nous vîmes Malik, debout et immobile devant la fenêtre d'une chambre. Je compris rapidement que c'était celle d'Aaliyah. Je m'approchais de lui, sans dire un mot et resté sans dire un mot. Je suivis simplement son regard et je la vis, allongée sur le dos dans son lit d'hôpital, un gros bandage autour de la tête ainsi qu'un gros tuyau qui sortait de sa bouche. La voir dans cet état me brisé le cœur.

- Comment tu vas, mon frère ? demanda-t-il sans quitter Aaliyah des yeux.

- Plus de peur que de mal.

- Apparemment ton bras à prit cher.

- Ce n'est rien comparé à ce qu'elle a subi.

Mon commentaire ne suscita aucune réponse de sa part. Et je m'en voulais de l'avoir peut-être brusqué sur ce point. Le voir si calme était inhabituel pour moi.

- Ma mère est venue seule aux Etat-Unis, me dit soudainement Malik, pour ses études. Elle a rencontré mon père, ils se sont mariés, ils m'ont eue mais ont divorcé peu de temps après. Je ne l'ai jamais vraiment connu. Ma mère n'a jamais voulu aller au pays pour voir ses proches, elle n'y trouvait plus sa place là-bas, alors je n'ai jamais connu ma famille. J'ai grandi seul, sans personne à mes côtés à part ma mère. Mais quand j'ai rencontré Tyler, Mélissa et Aaliyah, c'est comme si j'étais né une deuxième fois. Grâce à eux j'ai su ce qu'était une famille et grâce à Aaliyah j'ai su ce que c'était que d'être un grand frère. Et pendant un long moment de ma vie, ma fierté se résumait qu'à ça, qu'elle soit ma petite sœur.

Sa peine était visible sur son ton monotone et Lizzie ce chargea à ma place de le réconforter en plaçant sa main tendrement sur son bras.

- Si elle ne se réveille pas, je vous dis honnêtement que je sais pas ce qu'il en adviendrait de moi.

- Malik, on n'est là pour toi avec Lizzie.

- On te le promet, promet cette dernière.

- Je sais, dit-il en se raclant la gorge pour ravaler sa tristesse. Merci d'être là, même si je fais toujours le con, je suis reconnaissant de vous avoir. Même toi là, ajouta-t-il en levant son menton vers Lizzie qui malgré la situation riche en émotion, ne se gêna pas d'envoyer comme à son habitude, un coup de poing sur l'épaule de son ami.

- Ne restons pas là, conseillais-je à mes amis. On se fait du mal pour rien. S'il y a du nouveau, le docteur Howard nous préviendra.

- C'est le docteur Howard, demanda Lizzie.

- C'est la brune canon aux yeux verts, indiqua Malik en se retournant vers elle qui était à quelques mètres d'elle.

- Waw, c'est vrai qu'elle est belle. Elle a l'air jeune pour un docteur.

Je ne n'avais pas fait attention à ce détail la concernant, mais maintenant que je la regardais de nouveau, il était vrai qu'elle avait l'air d'avoir une trentaine d'années au plus. Je secouais la tête lorsque je me rendis compte que nous étions tous les trois en train de la fixer.

- Bon aller là, on dirait des malades ! Venez on va dans ma chambre.

A peine installé, Malik se saisit de son sac qu'il avait laissé ici et me dit :

- On est passé chez vous avant de venir ici. Je pense qu'une bonne douche te fera pas de mal et tu mettras tes jolies vêtements que j't'ai jamais vu porter.

- L'ironie ne m'a pas échappé.

- Je t'ai aussi pris ton casque, ton ordi et ton chargeur de téléphone mais du coup...

- Beh si t'as envie d'aller le récupérer dans la rivière de Chicago, je t'en prie, plaisantai-je.

--- Certainement pas, c'est sûrement la meilleure chose qui te soit arrivé dans cet accident. J'en pouvais plus de ton Iphone 8. Pour info, le 15 va bientôt sortir.

- Il me convenait bien !

- On a aussi pris les affaires d'Aaliyah mais... dit Lizzie, ce qui nous ramena aussitôt à la réalitée.

- Par la grâce d'Allah, elle se réveillera. Je vais faire des invocations dans mes prières.

C'était beau de voir Malik accroché à sa religion et d'avoir une si grande foi en Dieu. Malgré sa tristesse, il arrive à garder espoir au moment où moi je n'en avais plus. Peut-être était-ce car j'avais vécu ce drame au premier et que j'avais pû constater la réalité des dégâts. Je n'en savais rien, mais ce que je savais c'était que Malik était la personne qu'il nous fallait à tous dans ce quatuor pour garder toujours la tête de loi. C'était de cette manière là que je le voyais réellement comme un adulte beaucoup plus mature que nous. Même si Lizzie et moi avions tous les deux dix-huit ans, je ne pense pas que c'était pour autant que nous nous considérions comme des personnes adultes.

Malik et Lizzie passèrent la journée à mes côtés et de cette manière je m'étais senti moins seul et avais pû penser à autre chose, ce qui me fit le plus grand bien. La porte toqua. C'était le docteur Howard.

- Désolé de vous déranger les enfants, mais les visites sont terminées.

- Les enfants ? Elle parle à qui elle ? me susurra Malik.

Je me pinçai les lèvres de ne pas rire de ses bêtises et regardai l'heure indiquée sur l'horloge, qui affichait 20h04. Après que Lizzie ait fini de râler, elle ne brocha pas plus et se leva pour partir. Malik l'imita et la suivit après que ces deux-là m'eurent dit au revoir.

- Docteur, l'interpellai-je avant qu'elle ne s'en aille à son tour.

Elle se retourna au pas de la porte et fit un léger demi-tour.

- Oui Shane ?

Je soufflai.

- Honnêtement, je ne sais vraiment pas ce que je fais ici. Vous voyez bien que je n'ai rien et que je vais bien.

Elle me fixa, sans rien dire, puis ferma la porte avant de venir s'asseoir près de moi.

- S'il y a bien une chose que j'ai retenue durant cette première semaine d'internat en tant que médecin en traumatologie c'est qu'il ne faut jamais crier victoire trop vite. Le mieux est que tu sois en observation durant encore une journée et je verrais si mon premier patient est apte à sortir en toute sécurité.

- Je suis votre premier patient ?

- Oui. Ta sœur et toi vous l'êtes.

- Mais vous disiez être ici depuis une semaine.

- Lorsqu'on intègre une promo en cours de route, il est souvent compliqué de trouver sa place. On ne te laisse pas souvent prendre les devants, on te vole les patients dès qu'ils arrivent aux urgences, rit-elle. On préfère te mettre de corvées, ça, ça arrange, ou encore faire les suivis des convalescents. Et puis arrive le moment où on te met une garde de nuit sans ton accord et au bon moment, alors qu'aucun médecin n'est dans les parages, tu tombes enfin sur ces patients que tu pourras enfin guérir.

- Et ces patients, je suppose que c'est nous.

- C'est bien ça.

- Quel âge avez-vous ? demandai-je inopinément. Sans indiscretion.

- Euh, j'ai 30 ans, rit-elle embarrassée. Je suis navrée Shane, tu es un charmant jeune homme mais je ne pense pas que cela soit approprié.

- Ah non, non ! Je ne voulais absolument pas en venir là ! m'affolai-je.

Malik avait raison, elle avait bien la trentaine.

Elle rit en voyant mon état. J'étais tellement embarrassé par la situation que je n'osais même plus la regarder. Je ne voulais même plus me faire soigner par elle.

- Je plaisante. Je t'ai vue toi et tes amis en train de m'observer. Ici c'est un hôpital universitaire, alors ne soyez pas surpris de voir de jeunes médecins. Je te laisse te reposer, dit-elle en se levant et quittant ma chambre.

Seulement je n'allais pas me reposer. Je me levai à mon tour et me saisit de ma poche qui était pratiquement vide et la mit dans mon pantalon. Si je ne pouvais pas enlever cette perfusion, j'allais au moins me débrouiller pour ne pas avoir à transporter ce porte manteau ambulant. Je sortis de ma chambre et me dirigeai en direction de celle d'Aaliyah. En chemin, je réalisai que cela faisait presque vingt-quatre heures qu'elle était inconsciente. J'espérai au fond de moi que les nouvelles soient bonnes concernant son cas. En arrivant devant la chambre, je remarquai les stores complètement fermés. J'ouvris la porte et vis une main malveillante se rapprochant dangereusement du respirateur de ma rose.

- Qu'est-ce que tu fous ?? m'exclamai-je en me précipitant vers elle pour l'éloigner des branchements.

Elle ne trouva rien de mieux à dire que de manifester d'un grognement déçu, comme si mon intervention l'avait dérangé dans ses intentions.

- Tu es insupportable ! déclara Mère. Si tu avais péri dans cet accident je n'aurais pas eu de mal à parvenir à mes fins et le travail aurait vite était fini pour la phase trois.

- C'est pas comme ça que les choses doivent se passer ! insistai-je.

La porte s'ouvrit subitement sur Tyler.

- Tout va bien ? demanda ce dernier. J'ai l'impression de déranger quelque chose, rit-il gêné.

- Pas du tout, chéri. Shane est simplement... assez tendu.

- (Tyler soupira) On l'est tous... Cette situation est compliquée à accepter. On tourne en rond, sans savoir quoi faire, impuissant, ajouta-il en s'asseyant sur le fauteuil près de sa fille. J'ai déjà vécu ça avec Mélissa. (Il posa sa main sur celle d'Aaliyah.) Le revivre avec notre fille me brise le cœur.

Voir Tyler dans cet état me brisait également le mien. Il ne méritait pas que l'on joue de ses sentiments de la sorte, lui qui avait toujours été une personne aimante. J'arrivais à faire la part des choses que Mère ne souhaitait pas. Elle pouvait très bien arriver à ses fins sans pour autant détruire les personnes concernées mais elle n'avait pas assez d'empathie pour cela, pendant que je m'efforçais à faire le contraire en vain et lui partager mon point de vue, mais avec elle j'avais beau me répéter encore et encore, je savais que mes propos l'indifféraient.

Je posais une main rassurante sur l'épaule de mon beau-père, lorsque je vis un mouvement face à moi. Tyler vit la même chose que moi, car nous eûmes tous deux levé la tête en simultané. Nos regards se croisèrent et je constatai dans ses yeux qu'il avait également vu Aaliyah bouger.

- Trésor, tu m'entends ? demanda Tyler en saisissant fermement la main de sa fille.

Je n'osais pas m'aprocher, ni même sortir ne serait-ce qu'un mot de ma bouche mais l'angoisse et l'inquiétude me prient aux tripes lorsqu'elle s'éveilla soudain et qu'elle s'étouffa avec le tuyau qui lui a été pour qu'elle puisse respirer. Je sortis alors de la chambre à la recherche du docteur Howard qui ne devait pas être bien loin et effectivement je la trouvai assez rapidement à mon plus grand soulagement. Lorsque nous arrivâmes en courant dans la chambre d'Aaliyah, du personnel soignant était déjà en train de s'occuper d'elle avant que le docteur Howard ne reprenne le relais. Après extraction complète de la sonde, Aaliyah toussa difficilement et mit quelques minutes pour reprendre ses esprits.

- Aaliyah, est-ce que ça va ? demanda le docteur d'une douce voix.

Aaliyah la regarda en fronçant légèrement les sourcils mais ne répondit pas, comme si elle ne comprenait pas ce qu'on lui disait.

- Qu'est-ce qu'elle a docteur ? s'inquiéta Tyler. Elle est amnésique ??

- Non, monsieur Davis, ne vous inquiétez pas. Elle n'a eu aucun traumatisme crânien et ses scans n'ont montrés aucune séquelle cérébrale. Elle est juste un peu sonné après 24h de sommeil, il faut lui laisser le temps.

- Aaliyah, trésor, comment je m'appelle ? dit Mère en s'approchant d'elle et adoptant une voix faussement attendrissante.

Aaliyah prononça quelque chose d'inaudible, certainement à cause de son mal de gorge et de bouche qui avait l'air sèche. Je demandais alors :

- Est-ce qu'on peut lui donner de l'eau ?

Le docteur acquiesça et je m'approchai de ma demi-soeur avec un verre d'eau qui était sur sa table de nuit et lui fit boire méticuleusement le liquide, pendant que Mère prenait derrière son rôle d'agaçante belle-mère trop au sérieux en questionnant de nouveau sa belle-fille sur son état de santé. De nouveau, il était difficile d'assimiler les mots qu'elles disaient, mais ce fut après mainte répétition que l'on compris tous :

- Fermez-la.

Mon amusement fut beaucoup trop fort pour parvenir à le dissimuler.d'autant plus lorsque je vis la tête de Mère se décomposer. C'était son égo qui venait d'en prendre un coup. Le docteur Howard se pinçait les lèvres afin de rester le plus professionnel possible et Tyler, lui, dit :

- Ça ne fait aucun doute. C'est bien ma fille, rit-il en la prenant dans ses bras.

Seulement, elle n'avait pas l'air d'être en pleine conscience, car elle ne réagit pas à l'étreinte de son père. Ce dernier le remarqua et regagna sa place près de sa fille qui regardait tout autour d'elle. Et je sentais que cela allait arriver...

- Où est-ce qu'on est ? demanda-t-elle avec de grands yeux.

- Aaliyah, commençai-je. On est à l'hôpital...

Je ne pus finir ma phrase lorsque je vis l'horreur sur son visage à la simple mention du mot "hôpital". Elle s'excita dans son lit et regardait toutes les machines autour d'elle, ce qui ne faisait qu'augmenter l'anxiété qui se reflétait distinctement dans ses yeux.

- Je ne veux pas rester ici !

Tyler la retint par les épaules lorsqu'elle tenta de se lever de son lit, ce qui était une très mauvaise chose en vue de son état fébrile, mais elle était incontrôlable.

- Calme-toi, trésor. Calme toi, persista Tyler en lui chuchotant ces mots et s'asseyant sur son lit, près d'elle, en lui caressant le haut du crâne. .

La voix rassurante de son père avait réussi à la canaliser à notre plus grand soulagements. Cette panique lui rappelait de mauvais souvenirs, lorsqu'elle avait perdu sa mère. Si les humains sont pratiquement tous atteints du syndrôme de la blouse blanche, la perte d'un proche dans un milieu hospitalier peut engendrer une phobie plus forte qu'une simple peur. Et c'était malheureusement le cas d'Aaliyah.

- Je veux rentrer à la maison, dit-elle en laissant échapper une larme au coin de son œil.

- Aaliyah, je me présente, je suis le docteur Howard. C'est moi qui t'ai prise en charge à ton arrivée aux urgences.

Elle n'avait pas l'air de comprendre ce que tout ça voulait dire, puis la lumière la regagna et elle dit dans un soupire :

- On a eu un accident.

- Oui mais tout ça est derrière vous, Aaliyah. Tu es en sécurité, la rassura le docteur en s'approchant d'elle et de son père.

Aaliyah pleura de plus belle, certainement en se remémorant les souvenirs de cette horrible soirée. J'étais détruit de la voir ainsi, de ne pas pouvoir la réconforter comme je le devrais avec le regard de Mère qui me guettait de près. Je devais rester à l'écart et supporter le poids de ses larmes et de la culpabilité.

- J'ai mal à la tête, papa, se plaigna-t-elle à son père qui la serra plus fort contre lui en fermant les yeux.

- C'est normal, tu as une blessure à la tête mais nous t'avons fait des sutures. Je peux te prescrire des anti-douleurs pour soulager les maux, si nécessaire.

- Je veux bien, s'il vous plaît.

- Je penses qu'une prise de sang serait également nécessaire afin de vérifier que la blessure n'a pas causé d'infection.

- Hors de question !

Tout le monde fut surpris de cette réaction inattendue, surtout que personne ne l'avait entendu placer un mot depuis pas mal de temps.

- Je vous demande pardon ? dit le docteur, interloquée.

C'était sûre d'elle que Mère répondit :

- Vous ne trouvez pas que cette pauvre petite a été assez éprouvée avec toute cette histoire ? Et vous voulez continuer votre acharnement médical ? Je vois bien que vous êtes trop jeune pour être médecin et vous n'allez certainement pas vous expérimenter sur ma belle-fille.

Je regardai la scène avec une grande peine pour le docteur Howard. Elle qui depuis le début avait mis tout en œuvre pour nous soigner, ne méritait pas qu'on la traite ainsi, comme toutes ces personnes qui l'avaient mise de côté depuis le début de son internat, d'autant plus que je ne comprenais pas la réaction soudaine de Mère.

- Amenez-nous un vrai médecin !

- Je suis interne. Et cela fait tout de même de moi un vrai médecin, se défendit-elle fermement. Alors ce n'est pas vous, chère Madame, qui allez me dicter comment faire mon travail sur mon lieu de travail.

Pour la première, Mère ne dit rien. Et la satisfaction de la voir perdre face à quelqu'un d'autre me procurait une satisfaction indescriptible.

- Chérie, tu dois laisser le docteur faire son travail. Elle est brillante et sait ce qu'elle fait.

Je vis sur son visage que le compliment de Tyler lui fit chaud au cœur. Toutes ces années de travail qui portaient enfin ses fruits avec la reconnaissance.

- Je ne pensais jamais dire ça un jour, commença Aaliyah d'une voix fébrile, mais Abigail à raison.

- Hein ?! nous exclamâmes son père et moi.

- Je n'ai pas encore envie de subir des tests médicaux. Docteur, je vous fais confiance. Je suis sûre que vous vous êtes bien occupé de moi.

- Trésor, tu devrais faire cette prise de sang, je ne souhaiterais pas que... que...

Il ne parvint pas à finir sa phrase mais Aaliyah avait compris où il venait en venir. Moi non au début, puis je me souvins lorsqu'elle m'avait raconté les circonstances de la mort de sa mère. Il avait peur de la perdre également...

- C'est d'accord. J'accepte.

Le sourire en coin du docteur Howard était plus une manière de narguer Mère, qui quitta la chambre, que le plaisir de la réponse d'Aaliyah. Je sortis après elle pendant que Tyler parlait avec le médecin pour la rejoindre. Elle faisait les cent pas devant la chambre.

- Je peux savoir ce qui te prend ?

Elle m'ignora.

- Je te parle. Ça m'étonnerait que tu réagisse ainsi dans l'intérêt d'Aaliyah.

- Espèce d'abruti, m'insulta-t-elle entre ses dents. S'ils lui font cette prise de sang, ils verront les traces de méfloquine.

Je n'avais pas pensé à ce détail. Je devrais m'estimer heureux, cela pourrait mettre un terme à cette spirale infernale. Mais je savais que Mère ne me laisserait jamais m'en sortir aussi facilement si tout venait à être découvert. Elle m'entraînera dans sa chute sans remords, sachant très bien les conséquences que cela impliquait étant donné que je ne suis plus le mineur d'autrefois.

- Ca fait plus de 24 heures qu'elle n'a rien pris, je ne penses pas que le test montrera quoi que ce soit.

- Tu crois que c'est une dose de moustique qu'on lui fait avaler ? Il faudrait au moins cinq jours pour éliminer toute trace de drogue.

Je soufflais et passais une main anxieuse dans mes cheveux bouclés.

- Et c'est quoi le plan ?

- Le plan ? rétorqua-t-elle. Il n'y a pas de plan ! rit-elle ironiquement. On est dans la merde jusqu'au cou.

- On ? ON ?? TU es dans la merde ! Qui t'as envoyé essayer de nous assassiner ??

- Moins fort ! dit-elle en m'envoyant une tape sur la tête. Ou je te promets que cette fois j'y parviendrai.

- Quand Blake va savoir ça. Je me ferais un plaisir de lui téléphoner moi-même. Toi qui te sens si infaillible...

- Pour l'instant on ne fait rien, on finira par trouver une solution.

- TU vas trouver une solution, tu dois prendre la responsabilité de tes actes. Ca, ça ne fait pas partie de mes missions, terminai-je en lui tournant les talons et entrant de nouveau dans la chambre d'Aaliyah où cette dernière était déjà en train de se faire prélever un énième échantillon de sang. Mère entra après moi.

- Et voilà, ma grande, dit le médecin en mettant un pansement sur la région cubitale antérieure d'Aaliyah.

- Tu vois, tu n'as presque rien senti, indiqua Tyler à sa fille avec un regard attendrissant.

- Oui, je n'avais pas à m'en faire. Merci beaucoup ma grande.

Le docteur retira ses gants et mit les tubes à essai dans un petit sac plastique transparent et le donna à une infirmière qui l'avait assistée pour la prise de sang.

- Apportez ça au laboratoire de Lake Shore à l'arrière du bâtiment, ordonna le docteur. Dites-leur qu'ils doivent être analysés en priorité.

- Lake Shore l'hôpital psychiatrique ? questionnai-je.

- Oui. On a la chance d'être dans le plus grand hôpital de l'état et donc avoir un centre d'analyse sur place. Ils se trouvent dans la section psychiatrique.

- Plus grand hôpital de l'Illinois et culotté de nous attribuer une stagiaire, marmonna Mère dans mon oreille. J'ai peut-être notre solution, ajouta-t-elle en m'entraînant avec elle à l'exterieur.

Elle dégaina son smartphone de sa poche et tapait je ne sais quoi avant de porter l'objet à son oreille.

- Allô Blake,... Dis-moi, tu as accès indépendamment aux locaux de Lake Shore avec ton statut ?... Parfait. Je t'envoie les instructions par message. Au revoir.

Après avoir raccroché à son interlocuteur, elle pianota sur son téléphone les informations nécessaires.

- N'oublie pas de lui dire comment on en est arrivé là, pestai-je.

- La ferme.

- Tu penses qu'il y parviendra ?

- Shane, Shane, Shane... Shane, chantonna-t-elle en posant une main sur mon épaule. Si tu écouterais ta mère, tu saurais qu'il faut que tu arrêtes de nous sous-estimer. Ça ne t'a causé que du tord jusqu'à présent.

- Et toi tu te surestimes.T'as eû de la chance que Blake soit là pour nettoyer ta merde.

- Ne me parle pas sur ce ton.

- Je te parle comme j'en ai envie. J'en ai ma claque de tout ça. C'est déjà assez compliqué de suivre le plan comme il est alors n'en rajoute pas davantage, on n'a pas besoin de ça.

- TU n'as pas besoin de ça, car tu es trop lâche pour agir.

- Pour ces choses-là, oui et ce n'est pas une honte.




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