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By haevav

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De toute sa vie Jungkook, un jeune pianiste, n'a connu qu'un amour : un violoniste du nom de Choi Minjun, trè... More

Note de l'auteure
Prologue
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17
Chapitre 18
Chapitre 19
Chapitre 20
Chapitre 21
Chapitre 22
Chapitre 23
Chapitre 24
Chapitre 25
interlude I
Interlude II
Chapitre 26

Chapitre 7

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By haevav

La porte claqua en même temps que Taehyung quitta la pièce. Je restai allongé sur mon lit, me demandant ce qui avait bien pu provoquer de tels cris. Je me levai alors en réalisant que la réponse se trouverait peut-être dans le salon. J'enfilai mes vêtements de la veille en vitesse avant de sortir de la pièce en me cognant contre l'encadrement de la porte au passage. La légère lumière qui émanait du salon me permit de trouver mon chemin dans l'imposante maison. Après une semaine, je ne connaissais que le chemin qui menait de ma chambre à la salle de bain, puis de la salle de bain au salon -ayant eu trop peur d'explorer les autres pièces.

Je poussai la porte avec incertitude et je le trouvai là, droit, splendide malgré sa nuit écourtée, seulement éclairé par la lumière du lustre qu'il finit par éteindre car il la trouvait trop intense. Il avait beau être en pyjama, décoiffé et dans un état psychique que je n'imaginais pas, il conservait sa froideur et sa classe habituelle. je n'aimais pas tellement nommer cela "beauté", parce que c'était bien plus que ça. Il avait du charisme, de la prestance, et toutes ces choses qui surpassent la simple beauté physique qui peut se montrer ennuyeuse si elle n'est pas appuyée par quelque chose de plus profond. Lui, il avait les deux.

Le violon était déjà dans sa main et reposait contre son mollet, l'archer faisait de même. Je m'installai près du piano en silence. La grande baie vitrée faisait entrer la lumière du clair de lune qui, à elle seule, savait faire scintiller les touches d'ivoire blanches plus que toute lumière artificielle ne l'aurait jamais pu. Le brun de son violon brillait également d'un éclat un peu plus bleuté que d'habitude, mais pas moins époustouflant. Et puis il y avait sa peau. Sa peau devenue bleue pale sous la lumière et qui quelques instants me remémora celle de l'enfant sur le tableau, bleuie par la mort.

Son regard se posa enfin sur moi, et il lança sans perdre de temps :

- Jouons.

Alors nous jouâmes, et ce, jusqu'à épuisement.

Au cours de cette séance, j'avais pu constater une chose : Le but de ce concert improvisé n'était aucunement de nous entraîner. Depuis l'instant où il m'avait réveillé pour que l'on joue ensemble, il n'y avait pas eu un seul instant où il avait voulu répéter pour s'améliorer ou pour perfectionner les morceaux. Il avait simplement voulu évacuer quelque chose, peut-être même s'épuiser au point de trouver le sommeil.

Ses mains avaient tremblé de longues minutes durant, engendrant une flopée de notes grinçantes et son visage se crispait un peu plus à chacune d'entre elle. Dans ses yeux, j'arrivais à lire la frustration de ne pas être maître de son propre corps. Je le comprenais parce qu'avant chaque concert, je la vivais également.

Il était désormais cinq heures du matin. Je ne tenais plus, j'allais m'effondrer sur le piano si on continuait ainsi.

- Monsieur... est-ce qu'on pourrait arrêter ?

- Non. Je dois jouer encore.

Et il reprit une mélodie qui n'échappa pas à mon oreille de musicien. Expérience de Ludovico Einaudi frappa l'air du salon et je me sentis incapable de l'accompagner tant la fatigue me bouffait tout entier. J'étais incapable de raisonner, de réfléchir ou même de simplement penser. Alors je posai ma tête contre le pupitre et me laissai bercer par sa mélodie tout en le regardant se mouvoir sur place, dans des mouvements lents mais maîtrisés. C'était presque une danse; comme Jimin, il était lui aussi animé par la mélodie qui s'infiltrait dans son corps.

Mes yeux se fermèrent une fois; je luttai pour les rouvrir, puis ils se refermèrent de nouveau. je fis durer le combat mais il fallait croire que moi aussi ce soir, je devrais m'abandonner à la merci de mon corps qui me contrôlait plus que je ne contrôlais.

𝄞

Le lendemain, lorsque j'ouvris les yeux, je remarquai que non seulement j'étais toujours avachis sur le piano mais qu'en plus je bavais sur celui-ci. En tentant de me mouvoir je constatai qu'une couverture enveloppait mon corps. Je l'ôtai, gêné à l'idée que ce soit monsieur Kim qui l'ait posée sur mes épaules.

- Tu es réveillé ?

Je sursautai avant de me tourner vers Sohee qui venait d'entrer dans la pièce avec un petit sourire.

- Ca fonctionne à chaque fois, c'est fou. dit-elle, amusée de me surprendre encore.

Je lui souris et je vis ses yeux descendre sur la couverture maintenant à mes pieds.

- Tu as vraiment dormi comme un bébé. Tu ne t'es même pas réveillé quand je suis venu te la mettre sur le dos ce matin.

Je fus d'abord surpris, puis un sentiment que je ne compris pas s'empara de moi. Déçu, j'étais déçu. J'aurais aimé que le maître de maison ait au moins cette petite attention pour moi, après m'avoir réveillé et crevé jusqu'à cinq heure du matin; mais quelque part, je pouvais le remercier, parce que je savais que sans cette petite répétition improvisée, je n'aurais pas pu fermer l'oeil de la nuit.

Je finis inévitablement par repenser à la veille. À ses mains qui tremblaient, à ses cris perçants et à ses yeux encore plus dévitalisés que d'ordinaire. Une partie de moi eut de la peine pour lui, une autre fut curieuse de comprendre l'origine de ses tourments. Je me pris tellement la tête que je ne remarquai pas Sohee s'approcher de moi.

- Toi, tu es contrarié.

Je relevai les yeux vers elle. La tête penchée vers moi, ses longs cheveux noirs pendaient comme du fil dans le vide et ses yeux me sondaient comme s'ils arrivaient à cerner le mal qui m'habitait.

- N-non.

Elle me regarda un instant encore, sachant pertinemment que je mentais.

- Abandonne. dit-elle finalement en se redressant.

Elle avança dans la pièce pour récupérer un plateau posé sur la table basse tandis que je la regardais, la bouche ouverte, incrédule et persuadé que mon secret avait été découvert. Je ne répondis rien, tétanisé par cette idée et ce fut elle qui repris.

- N'essaie pas de le comprendre. Tu n'y arriveras pas. Ce n'est pas faute d'avoir essayé.

Elle se retourna et je vis un sourire illuminer son visage. La peur me quitta, mes épaules se relâchèrent et alors je commençai à comprendre ses paroles.

- Je vois bien que tu as envie de le connaître et de faire ce qu'il attend de toi mais... ce n'est pas la peine. D'autres ont tenté avant toi.

- Et monsieur Min ?

Elle pencha légèrement la tête sur côté en observant le plafond, dubitative.

- Il est vrai qu'il connait des parties de sa vie, mais ils ne sont pas amis.

J'hochai la tête légèrement.

- Monsieur Kim est sûrement dur avec toi, mais il ne te trouve certainement pas mauvais. tenta-t-elle de me rassurer.

Je me retins de lui dire que j'avais connu bien plus insatisfait que lui et que ses simples remarques ne pesaient pas lourd face aux hurlements de Minjun lors de la moindre fausse note.

- Et si ça peut te rassurer, moi, je trouve que tu joues très bien.

Je lui offris un sourire sincère qu'elle me rendit. Mon téléphone vibra dans la poche de mon jogging et Sohee quitta la pièce, probablement pour me laisser l'occasion de vérifier mes notifications. J'allumai l'écran et tombai sur un message de Minjun, le premier depuis notre dispute et mon coeur accéléra ses battements dans ma poitrine.

De : Minjun

Je t'invite au restaurant vendredi soir. Je passerai te chercher à ton appartement.

Mes joues rougirent et mon estomac se serra devant ses simples mots qui n'étaient pas une proposition mais une injonction. Et ça me plaisait. Je m'empressai de taper sur les touches pour choisir un horaire et ce fut le dernier message que nous partageâmes de la journée. Ce n'était pas grand-chose mais ce simple échange suffit à effacer la dispute qui m'avait pourtant arrachée tant de larmes, de questionnements et de haine. L'amour effaçait tout si facilement. Une injure, un mot doux; une larme, un pouce qui l'essuie; un coeur brisé, un pansement. Il était le problème et la solution à tout et même si cette facilité me semblait branlante, je l'acceptai.

La journée passa et comme à mon habitude je l'occupai en faisant courir mes doigts sur le piano à queue en m'attardant sur les morceaux que je ne maîtrisais pas au sens où Kim Taehyung l'entendait. Je mis beaucoup d'efforts pour incorporer de la joie, de la tristesse, de la colère et tout autre sorte de sentiments dans mes arpèges, mais j'étais face à un mur. La mélodie rebondissait sur celui-ci et s'évanouissait. Elle était impersonnelle, animée par rien. Je ne me rendis pas compte que les heures passaient, ni de l'arrivée du maître de maison. Je continuai à jouer, encore et encore avec la frustration des débuts, lorsque les notes ne semblaient pas vouloir s'aligner comme je le souhaitais. C'était la même chose, sauf que cette fois, c'étaient les sentiments qui refusaient d'émerger.

Il devait être vingt et une heure lorsque d'un coup, j'entendis des pas derrière moi. Je voulus me tourner mais au même instant, une voix grave me coupa dans mon élan.

- Ne te retourne pas.

Je déglutis difficilement, à la fois curieux et inquiet mais j'exécutai sa requête. Je restai face au piano, regardant sa peinture noire briller sous la lustre. Mes mains reposaient dorénavant sur mes cuisses et à travers mon jean j'arrivai à sentir toute leur chaleur et leur humidité dû à l'inquiétude. J'entendis le bruit de ses talons claquant sur le sol carrelé. Il avançait lentement dans ma direction et chaque pas de plus sonnait comme un avertissement. Je restai fixe, m'attendant à tout et à rien. Au cris et aux pleurs. Puis le bruit s'arrêta, signe qu'il avait fait de même et là, sa voix résonna de nouveau mais à seulement quelques centimètres de moi.

- Ferme les yeux.

Je voulus me retourner, mais la partie la plus soumise de moi-même resta en place. Un frisson parcourut mon échine dorsale sans que je ne puisse le contrôler. C'était un ordre doux, presque murmuré dans la nuit. De derrière moi il ne pouvait pas savoir si mes yeux étaient réellement clos mais je le fis tout de même. Parce que je voulais que l'on puisse s'accorder une sorte de confiance mutuelle. S'il avait confiance en moi, alors peut-être m'adresserait-il un de ses nombreux secrets que je livrerai à Minjun.

Le silence dura quelques instants seulement, puis sa voix reprit le contrôle.

- Joue sans rouvrir les yeux.

Je ne les ouvris pas, mais mes sourcils se froncèrent sur eux. Je n'avais jamais essayé, le résultat promettait d'être catastrophique. Pourtant, mes mains se posèrent sur les touches et malgré l'hésitation, elles pressèrent les notes que j'avais retenues à force de travail. Le résultat fut plus lent et moins assuré qu'avec les yeux ouverts, mais ce ne fut pas aussi mauvais que je l'avais prédit.

- A quoi tu penses, là, maintenant ? demanda sa voix, à présent tout près de mon oreille pour couvrir la mélodie.

A travers mes yeux fermés qui jusque là ne voyaient que du noir, des contours et des silhouettes se dessinèrent lentement. Par dessus one summer's day se dressa un paysage dont Minjun était l'acteur principal. Nous étions sur la plage, main dans la main un jour d'été. Je le vis me regarder avec des yeux qui m'envoyaient un amour inconditionnel. Puis il approcha de moi, lentement et m'embrassa. Mon coeur palpita et les notes se calèrent sur son rythme. Je continuais à voir le fil du début de ma relation avec l'homme de ma vie se jouer sous mes paupières closes. Nos sourires, nos rires, nos premières fois et nos premiers pleurs. Puis je vis cet amour se briser lentement, entre des moments de calme et de colère et alors je frappai les notes un peu plus fort. J'en oubliai l'homme derrière moi qui écoutait avec attention la mélodie qui s'échappait du prolongement de mon corps. Je continuai à visualiser ces moments jusqu'à la fin de la mélodie et enfin j'ouvris les yeux. Ils étaient humides.

Je finis par me tourner vers lui pour comprendre ce qu'il attendait de moi depuis son arrivée ici. Pour réponse, j'obtenus un regard toujours aussi froid, mais il hocha la tête. Il quitta alors la pièce sans un mot de plus et je compris à son attitude que je venais de remplir ses attentes. Je voulus en tirer une satisfaction, mais la douleur que ces souvenirs venaient de réveiller me hanta durant toute la nuit, qui, cette fois, se montra plus calme que la veille.

𝄞

- J'ai réservé au nom de Choi.

La serveuse vêtue d'un haut de costume noir et d'une jupe très élégante hocha la tête avant de feuilleter dans les réservations à ce jour. Elle releva finalement la tête avec un visage accueillant.

- Je vous prie de bien vouloir me suivre.

Elle nous conduisit à travers le long couloir du restaurant qui séparait toutes les salles privées. J'avançai, mal à l'aise qu'il ait choisi un établissement si luxueux. Nous nous arrêtâmes devant la dernière porte, et la demoiselle l'ouvrit en nous laissant passer. Minjun me laissa entrer le premier et d'un pas quelque peu hésitant, j'entrai dans la pièce. Il me suivit et la serveuse nous laissa nous installer en refermant la porte derrière elle.

Je fis un tour de la pièce avant de m'asseoir. La salle était plutôt petite mais très luxueuse. Des dorures couvraient les murs et le sol était fait d'une moquette sombre aux motifs royaux. J'étais embarrassé, et je le fus encore plus lorsque mes yeux tombèrent sur la carte et ses plats hors de prix.

- Assieds-toi. me demanda Minjun.

Je me retournai vers lui et m'exécutai. Je m'assis en face de lui et il tendit la main par dessus la table pour m'intimer de poser la mienne sur celle-ci. Je le fis avec un sourire que je ne pus réprimer. Ses yeux m'envoyaient une grande douceur qui se substituaient aisément à des excuses. Je me fichais qu'il ait des emportements si ça me permettait de le retrouver comme ça après. Il n'était jamais plus doux qu'après une dispute. Il savait panser les blessures qu'il m'infligeait. Et j'acceptais ce double rôle, celui du bourreau et du sauveur qu'il endossait systématiquement. Je ne l'aimais pas, mais je l'acceptais.

Je choisis alors en silence, intimidé par le ton directif de mon amant et il fit de même de son côté. Le serveur revint prendre nos plats et commença alors une discussion entre nous, au sujet de la musique jusqu'à l'arrivée de nos plats respectifs.

Nous commençâmes à manger.

Son téléphone vibra sous la table et il l'attrapa pour répondre. Cela se produisit deux fois dans un premier temps, puis son téléphone se mit à sonner toutes les cinq minutes durant une grande partie du repas. Minjun était un homme occupé, je n'en avais aucun doute mais j'aurais apprécié que ce moment rien qu'à nous ne nous soit pas arraché par des obligations professionnelles.

- C'est qui ? demandai-je finalement après qu'il ne soit plus possible de compter les vibrations tant elles étaient nombreuses.

Il releva la tête de son téléphone, puis le posa à plat sur la table.

- C'est rien, c'est juste Emma.

Un flot d'émotions se déversa au creux de ma poitrine. Un mélange de jalousie, de colère et de déception aussi. Mais le pire fut de constater qu'il ne me répondait jamais alors qu'à elle, il le faisait immédiatement.

- Je vois que vous vous entendez bien. dis-je.

Ses yeux ancrés dans les miens, j'aperçus un petit sourire naître au coin de ses lèvres. Il ne fallait pas que je cède, cette fois, je voulais lui tenir tête rien que quelques minutes.

- Toi tu es jaloux.

- Peut-être bien. dis-je en croisant les bras et en détournant les yeux.

J'entendis un rire s'échapper d'entre ses lèvres et plutôt que m'inquiéter davantage, il me rassura.

- Il n'y a que toi Jungkook. Tu le sais bien.

- Mais je ne suis pas un pianiste irremplaçable.

Ça m'avait échappé comme un cri du coeur. Ce soir, j'avais du mal à me reconnaître dans mes mots et mes gestes. D'ordinaire je m'effaçais, j'étais celui qu'on écrasait sans trop se ménager mais l'eau s'était accumulée au bord du vase, des jours, des mois qui étaient vite devenus des années. Puis ce soir, le vase avait menacé de déborder.

Minjun se pencha par dessus la table blanche en me lançant une expression neutre qui se transforma en un sourire. Il n'était pas de ces sourires sincères qui inspirent la joie ou l'émotion; il était de ceux qui précèdent une phrase cinglante.

- Personne n'est irremplaçable.

Ma bouche s'ouvrit d'elle-même. L'eau tremblait au bord du vase, prête à s'échapper à tout instant. Je sentais les gouttes s'y former comme aux coins de mes yeux, et je compris alors qu'il valait mieux fuir l'orage que le braver.

Je me levai et il fit de même avant de m'attraper par les bras. Je me retournai vers lui, le visage déformé par la peine et alors seulement je sentis une émotion naître chez lui. Ce n'était pas de l'empathie, mais quelque chose de suffisant pour me donner espoir.

- Qu'est-ce que tu voudrais ? demanda-t-il, les sourcils froncés. Je ne vais pas te conforter dans ta naïveté simplement pour te faire plaisir.

- Je voudrais que tu me dises que tu m'aimes.

Je voulais qu'il me montre qu'il m'aime.

Ses épaules se relâchèrent et ses sourcils firent de même. Il eut l'air vulnérable le temps d'une demi seconde. Puis son contrôle reprit le dessus et je compris que le combat était vain. Il lâcha enfin ma main et me pris dans ses bras. Ma tête reposa sur son épaule et je pris un temps pour humer le parfum qui émanait de sa chemise blanche comme la nappe.

- Tu le sais déjà.

Ce n'était pas ce que j'avais réclamé, mais je décidai de ne pas insister. L'eau serait contenue pour ce soir et la colère oubliée. Je pouvais bien ravaler mes larmes le temps d'une soirée. Je me plaignais sans cesse qu'il ne m'accorde pas assez d'attention mais lorsqu'il le faisait je gâchai tout à l'aide de jalousie et de remarques inutiles.

- Tout dépend de toi. Au plus vite tu auras fini ta mission et au plus vite nous serons réunis.

Alors ce soir une fois de plus je rendis les armes, enfonçai mon nez dans son cou et le laissai me serrer fort comme s'il me retenait auprès de lui. Et ainsi le repas se déroula merveilleusement bien.

On discuta des heures durant, de sujets et d'autres, de tout et de rien, et j'eus l'impression de le retrouver comme au départ. Aussi beau, aussi jovial et aussi attentionné. Il paya et je le laissai faire, considérant que c'était aussi sa façon à lui de se faire pardonner puis nous montâmes en voiture. Il démarra et je laissai mes yeux glisser sur le paysage nocturne à travers la fenêtre.

Les immeubles s'étalaient sur des kilomètres et bordaient le périphérique comme s'ils ouvraient la voie vers un monde meilleur. La ville endormie me rappela que moi, j'étais encore debout et que même lorsque le monde s'éteignait je brillais encore. Je songeai à cette semaine, à ces jours passés à jouer et à ses nuits perdues à penser. Tout semblait plus excitant et plus difficile à la fois. Ma vie prenait un tournant, mais était-ce le bon. En jetant un œil à Minjun je le maudis, puis le remerciai à la fois de m'avoir entraîné dans cette galère. Quelque part il avait donné cette petite impulsion qui promettait de faire de ma misérable existence, une vie meilleure.

Nous roulâmes dans les rues et lorsque j'aperçus mon immeuble, celui-ci défila devant mes yeux.

- Tu viens de passer devant chez moi. déclarai-je avec un petit rire à l'intention de Minjun.

Il continua à fixer la route mais un petit sourire se dessina sur ses lèvres.

- C'est normal. tu dors chez moi ce soir. Je veux que cette soirée se finisse en beauté.

Mon coeur accéléra dans ma cage thoracique et mes joues rougirent. Rares étaient les fois où Minjun m'invitait spontanément à passer la soirée chez lui. Je ne répondis alors rien, et quelques minutes plus tard nous arrivâmes chez lui. Nous quittâmes précipitamment la voiture pour nous infiltrer dans le couloir. Nous laissâmes tomber nos barrières, nos vêtements aussi à même le salon pour nous unir comme si nous en avions fondamentalement besoin. Ces fois où nous faisions l'amour m'apportaient du réconfort en me rappelant que j'étais toujours désirable, et que s'il le faisait avec moi, il n'avait pas de raison de le faire avec d'autres.

Lorsque nous nous couchâmes, l'un à côté de l'autre, repus et satisfaits, il devait être une heure du matin. Je le serrai dans mes bras et le sommeil vint me cueillir avec une facilité inhabituelle.

Le lendemain matin, lorsque je me réveillai, il était déjà parti. Ne restait que l'odeur fugace de son parfum corporel et les souvenirs d'une soirée qui n'avait peut-être été qu'un rêve.

𝄞

- Tu es prêt ?

J'inspirai une grande goulée d'air en tenant le col de ma chemise qui me compressait la gorge. Seulement deux semaines après mon arrivée chez Kim Taehyung , je donnais aujourd'hui mon premier concert en sa compagnie. Sohee m'avait prévenu seulement quelques jours plus tôt, prétextant ne pas vouloir me faire stresser trop de jours en avance mais je l'avais pris comme un affront. Je n'avais donc eu que quelques jours pour me préparer psychologiquement à un évènement si important. J'avais joué des jours entiers à m'en épuiser et j'avais senti quelque fois une présence silencieuse derrière moi, mais lorsque je me retournais, seule la peinture de l'enfant me fixait.

Ainsi, aujourd'hui je ne me sentais pas vraiment prêt, mais suffisamment confiant pour assurer le concert. Alors simplement, je lui répondis par un hochement de tête qui ressemblait davantage à un mensonge.

Il hocha succinctement la sienne en retour et rejoignit sa loge en silence pour se faire maquiller. Le spectacle commençait dans une heure seulement et mon téléphone était martelé de notifications de Jimin qui attendait dans le salon d'attente de l'opéra de Séoul. Il était presque plus excité que moi et me répétait sans arrêt que j'allais enfin jouer avec un vrai musicien comme si la musique de Minjun n'avait aucune valeur à ses yeux.

Moi, je m'étais conditionné à détester ce moment. Ce soir représentait simplement un des évènement qui constituait ma quête jusqu'à l'obtention de preuves à ramener à Minjun. Je jouerais parce que je le devais, et non pas parce que j'en avais envie. Du moins, c'était ce que je m'étais répété en boucle jusqu'au moment où l'on dû monter sur scène.

À nouveau devant les grands rideaux qui menaient à la scène, je tremblais. Je frappai mes mains entre elles, les frottai sur mon pantalon et les mis même dans mes poches pour me calmer mais rien n'y fit; je tremblais comme une feuille. Kim Taehyung passa à côté de moi, prêt à entrer en scène à son tour et alors qu'il me frôla, il s'arrêta et attrapa mes mains avec une délicatesse qui me fit relever les yeux vers lui. Il les tint dans ses deux mains, d'une façon maladroite qui contrastait avec la douceur de son geste. Il me fixa droit dans les yeux, avec un regard toujours aussi impénétrable et ouvrit légèrement les lèvres pour prononcer :

- Ça va bien se passer.

Il les relâcha tout aussi délicatement et s'avança vers la scène. Il écarta les rideaux lui-même avant de disparaître derrière ceux-ci.

Mes yeux descendirent sur mes mains et c'est avec stupeur et effroi que je remarquai qu'elles avaient presque cessé de s'agiter. Je n'eus pas le temps de me questionner puisqu'il fallait que j'entre en scène. Je le fis et me positionnai au piano. Des rideaux encore plus grands que ceux qui séparaient la scène des coulissent la séparaient ici des sièges des spectateurs. Ce moment de calme, juste avant le début du show me permit de recouvrer mes esprits et de faire le point. Mes partitions qui s'étalaient devant moi et que je connaissais pourtant par coeur me semblaient écrites dans une langue que je ne parlais pas. J'étais incertain et j'avais peur. Mais quelque chose en moi me disait que si Taehyung était là, alors tout irait bien.

Quelques instants plus tard, les rideaux glissèrent du centre vers la droite et la gauche et le silence s'empara de la salle. J'attendis quelques secondes dans le noir où j'avais la sensation d'étouffer, puis les paroles de Taehyung me revinrent en tête comme la première mélodie du spectacle.

Ça va bien se passer.

Je me redressai, positionnai correctement mes mains sur le piano en essayant d'oublier Jimin et les autres spectateurs et le projecteur se braqua sur moi. J'appuyai alors sur le piano et comme si plus rien ne pouvait m'arrêter les notes se succédèrent en cascade jusqu'à ce que le violon ne prenne le relais. La première partie du concert s'écoula alors à une vitesse folle et avant même que je me sente épuisé, elle avait déjà pris fin.

Lors de l'entracte, je dus éponger mon front pour reprendre constance face à la sueur qui le dévalait. Taehyung me regarda faire sans un mot, l'air plus serein que jamais comme si ses doigts n'étaient pas écorchés par les cordes qu'il venait de frotter durant une heure complète.

- Taehyung ! se mit à hurler une voix derrière nous qui me dit immédiatement quelque chose.

Je  n'eus pas à me retourner puisque l'individu qui se trouvait être Seokjin se précipita vers le violoniste.

Taehyung lui envoya un regard blasé.

- Jin...

J'aurais presque ris devant cette scène si un corps n'étais pas venu me percuter de plein fouet, me coupant l'air au passage.

- Jungkook. entendis-je en provenance d'une voix aiguë.

- Ne me touche pas, je colle. répondis-je à Jimin en ne pouvant m'empêcher de sourire.

Il me lâcha en constatant effectivement que j'étais devenu affreusement moite et il se contenta alors seulement de m'attraper les joues en souriant.

- T'étais génial. Tu as tellement progressé.

Mon sourire s'agrandit bien que je chassai les compliments du blond.

On se regarda comme deux imbéciles heureux, lui me tenant toujours les joues jusqu'à ce qu'un raclement de gorge exagéré nous sorte de notre euphorie. Nous nous retournâmes ensemble vers Jin et Taehyung qui pour l'un souriait, et pour l'autre, nous envoyait un regard curieux.

- Je vous présente Jimin. dis-je en m'adressant au violoniste.

Celui-ci sonda le blond sans hostilité mais avec une curiosité qu'il ne tentait pas non plus d'effacer. Mon ami se courba devant lui et il fit de même.

- Je suis très fan de votre musique. dit Jimin et je lui mis un coup de coude dans les côtes pour lui intimer de ne pas en faire trop ce qui eut pour effet d'amuser Soekjin.

J'observai le grand brun se fendre la poire et je me souvins qu'il savait. Que Jimin et Seokjin savaient ce que j'avais en tête et que Taehyung était le seul inconscient de la pièce. La sueur coula davantage de mon front à partir de l'instant où je réalisai cela.

- Votre visage me dit quelque chose. lança Taehyung à l'intention de Jimin.

- Je suis danseur, nous nous sommes déjà croisés lors du dernier concours des arts de Corée.

Ce concours regroupait différents arts de la scène en comptant la musique, la danse et le théâtre. La différence avec le concours que visait Minjun était que celui-ci ne se tenait qu'en Corée, l'autre était international.

Le violoniste hocha la tête comme s'il souhaitait économiser ses mots.

- Je retourne dans ma loge. dit-il doucement en se courbant devant nos amis, prêt à nous tourner le dos.

Seokjin passa son bras par dessus son épaule avec un sourire malin pour le retenir.

- C'est comme ça que tu traites un ami de longue date ?

- Nous ne sommes pas amis. répliqua le brun.

Le directeur fit mine de s'être pris une flèche en pleine poitrine ce qui amusa Jimin, et moi par la même occasion.

- Tu me brises le coeur Tae.

- Arrête ton cinéma.

- Et Min alors ? Comment il va ? reprit Seokjin comme si de rien n'était.

Le musicien le sonda de haut en bas.

- Il va bien. 

Le brun le sonda à son tour puis passa son regard sur moi avec un sourire en coin tandis que le silence commençait à s'étirer. Je me sentis à la fois rougir et fondre sur place sous le poids du regard de Seokjin qui en disait long. Taehyung finit par se dégager de sa prise et partit en direction de sa loge. Nous le regardâmes partir en silence.

- C'était quoi ce sketch ? demanda Jimin à qui le petit jeu de Seokjin n'avait pas échappé. Tu n'as pas intérêt à lui dire quoi que ce soit, je te préviens.

- Relax. répondit ce dernier en levant les mains. Je plaisante juste avec mon pote.

Les yeux de Jimin lui envoyèrent des éclairs et je ne pus m'empêcher de demander.

- Vous vous connaissez bien tous les deux ?

Le regard du brun me trouva et je vis de la malice dans ses yeux. Ils étaient joueurs.

- Plutôt oui. Pourquoi ? Ca t'intéresse ?

- N-non. dis-je en détournant le regard.

- Ne t'en fais pas. Je ne te balancerai pas, mais je ne t'aiderai pas non plus.

Il se mit à tourner autour de moi et je vis le poing de Jimin se serrer contre son pantalon, comme si le comportement du directeur le mettait en rage lui aussi.

- J'aime bien ce petit jeu entre vous, c'est comme une pièce de théâtre qui se déroule dans mon opéra. Et tout est orchestré par notre cher Minjun. Il tire les ficelles de ses pantins et les manie à sa guise. C'est un homme intelligent.

Cette fois ce sont mes poings à moi qui se serrent.

- Reste à savoir qui va gagner la partie. finit-il en passant tout prêt de mon oreille.

- Je ne vous permets p-

- M'enfin, je te souhaite de réussir. Ca remettrait à sa place Taehyung. J'ai beau l'apprécier, il est vraiment arrogant.

Ce dernier commentaire ne me fit pas davantage plaisir que les précédents, parce que Taehyung n'était en aucun cas arrogant, pas le moins du monde. Seokjin continua de me regarder, semblant jauger mes réactions, puis finalement, il frappa gentiment dans l'épaule de Jimin avec un sourire sincère.

- Bon je vous laisse. On me dit à l'oreillette que la pause est bientôt terminée.

Il nous quitta en se courbant prestement et la pression que je ressentais explosa enfin.

- Putain mais quel con-

- Jungkook.

Je me figeai d'abord puis me tournai vers Taehyung qui venait de m'interpeller. Il ne fit pas un pas vers moi. Il se contenta de rester à distance et de me regarder.

- Nous allons bientôt reprendre, ne te laisse pas déconcentrer. Il te teste.

Je me tournai alors vers Jimin et celui-ci se mit à acquiescer, confirmant les dires du brun. Cette colère qui bouillait en moi ne se calma pas, bien au contraire elle redoubla. Parce que malgré toute l'audace et la provocation qu'il avait voulu mettre dans ses mots, je parvenais à y trouver un fond de vérité. Je n'étais pas en colère contre lui, je l'étais contre moi. Mais lorsque je remis un pied sur scène, après avoir passé le rideau, je décidai de laisser les sentiments derrière moi pour me concentrer sur la suite du concert.

Lors de ma première interprétation de la seconde moitié du concert, je constatais ce qui nous séparait, Taehyung et moi. Il avait beau être dos à moi, je voyais à ses mouvements et à la lenteur à laquelle son archer survolait la table d'harmonie de son violon qu'un gouffre d'émotions nous séparait. Je jouais mécaniquement, il jouait avec le coeur. Il se laissait porter tandis que je calculais le moindre de mes mouvements.

Lors du morceau phare du concert, "loneliness", le dernier, l'écart se creusa davantage et à mes oreilles de musicien, la pièce se tinta d'une affreuse cacophonie. Le morceau pourtant lent, demandait une émotion que je n'étais pas encore capable de produire. Je songeai même à arrêter pour stopper se massacre mais je ne pouvais pas lui faire ça. Alors je continuai à sacrifier le morceau avec douleur. De loin, du côté du public, on aurait presque pu penser que je cherchais à le saboter. Lorsque je frappai la dernière note, un grand soulagement s'empara de moi et le blanc qui le suivit suffit à ranimer mon malaise. Bien heureusement, les exclamations du public suivirent comme si j'avais correctement joué et parmi ceux-ci, je pus distinguer ceux de Jimin, un peu plus forts que les autres et lorsque les lumières cessèrent de m'aveugler, je pus apercevoir son visage au niveau du balcon. La fierté l'illuminait et le mien se mit alors à l'imiter. Je ne pus lui rendre ses gestes expansifs, mais mon visage souriant lui démontrait une joie partagée.

- Jungkook. me souffla Taehyung, me poussant à le regarder.

Il me fit un léger signe de tête, m'indiquant qu'il était désormais temps de s'incliner sous l'ovation du public. Alors je m'avançai, et sans hésiter, il m'attrapa la main pour la soulever, puis l'abaisser en même temps que nos corps sous les cris enflammés du public. Lorsqu'il se releva, il m'envoya un regard qui ne pouvait faire de sens qu'à travers le mien. Il n'était destiné qu'à moi, j'étais le seul qui pouvait le lire et à travers celui-ci, j'entendis les mots suivants :

Désormais, je sais que je peux te faire confiance.

Puis il se retourna, et quitta la scène en premier après avoir ramassé une rose sur le sol. Je le suivis et laissai une dernière fois mes yeux glisser sur le public pour tenter d'apercevoir Jimin. Et alors que mes yeux cherchaient désespérément le blond, une décharge électrique traversa mon corps de toute part lorsqu'ils se déposèrent dans un coin de la pièce et tombèrent sur un visage bien trop familier.

Minjun était là, comme le metteur en scène d'une pièce de théâtre qu'il avait brillamment orchestré, il se tenait droit et fier.


♪ ♪ ♪



NDA : Je n'ai pas grand chose à dire sur ce chapitre mis à part que j'aime la fin !

J'espère que les morceaux que je choisis vous plaisent, c'est un plaisir pour moi de les mettre en scène !

Merci à vous pour les 500 lectures ! Chaque palier à son importance.

Merci encore à @UnBeLiBuBle_ pour son travail excellent de correction 🤍

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