Point de vue de Harry.
La respiration haletante, je traverse les couloirs du stade avec précipitation pour rejoindre le bureau de Louis. Je croise quelques personnes qui froncent les sourcils en me saluant mais je ne prends pas le temps de m'arrêter pour discuter calmement avec mes collègues comme j'aime d'habitude le faire. Mon cœur bat la chamade dans ma poitrine, si fort et si vide que j'ai l'impression de l'entendre résonner jusqu'à dans mes oreilles.
C'est un cauchemar.
Je toque deux rapides coups contre la porte du bureau de mon mari et entre sans attendre, refermant brusquement la porte dans mon dos. Louis relève vivement la tête, surpris et fronce un peu les sourcils en me voyant ainsi.
-Harry ? Qu'est-ce qu'il se passe ?
J'avale difficilement ma salive et traverse la pièce pour poser le journal sportif que je tiens fermement dans ma main depuis de longues minutes... si fort que mes articulations me font désormais souffrir.
Louis m'observe quelques secondes supplémentaires, intrigué, et finit par baisser les yeux vers le magazine, sursautant presque lorsque ses yeux se posent sur la couverture.
"Romy Tomlinson, en couple avec un joueur de l'équipe d'Arsenal ?"
-Oh mon dieu, il souffle en observant de longues secondes le gros titre et la photo de notre fille prise à la sortie du stade, sa main jointe à celle de Junior dont on ne voit pas le visage grâce à sa capuche.
Louis ouvre vivement le magazine à la recherche de l'article et retient son souffle en tombant sur une page entièrement destinée à notre fille. Plusieurs autres photos de la sortie du stade y apparaissent, sur certaines, on reconnaît vaguement Junior, sur d'autres, il est complètement caché par sa capuche. Leurs mains en revanche apparaissent bien sur chacun des clichés.
Je sens la panique m'envahir et la bile monter à ma gorge alors que Louis commence à lire certains passages de l'article à voix haute.
Romy Tomlinson, âgée de quinze ans depuis quelques mois entretiendrait depuis un moment déjà une histoire avec un joueur de l'équipe d'Arsenal, entraînée par son père lui-même. Plusieurs sources anonymes affirment les avoir déjà croisés ensemble dans les couloirs du stade.
Mon mari marque quelques secondes de pause et avale difficilement sa salive avant de reprendre.
D'après certaines sources, Louis Tomlinson serait au courant de cette relation. Etonnant de la part d'un homme ayant assuré à de nombreuses reprises en conférence de presse et en interview vouloir protéger ses enfants. D'après nos informations, le joueur apparaissant sur les photos au côté de la toute jeune Romy Tomlinson ne serait autre que le fils d'un ancien joueur vedette de l'équipe ayant joué à la même époque que le coach. Granit Junior Xhaka, âgé de dix huit ans depuis quelques mois se serait il servit de la jeune femme pour obtenir une place dans l'équipe ? A peine signé en équipe professionnel, le tout nouveau joueur des rouges montre son vrai visage de personne immorale. Avec de telles révélations, il serait étonnant que les investisseurs de l'équipe Londonienne gardent un tel prédateur sexuel dans leurs rangs.
Mon souffle se coupe en entendant les injures horribles utilisées pour définir Junior et le regard choqué de mon mari se braque dans le mien.
-Ils ont vraiment... je bégaye, les yeux écarquillés. Ils traitent un gamin de dix huit ans de prédateur sexuel ?
-On monte au service juridique !
Louis se lève brusquement en attrapant le magazine.
-Il est hors de question qu'on laisse passer un truc pareil ! On va...
Il se coupe dans son élan en entendant quelques coups frappés contre la porte et nous nous tournons d'un même mouvement lorsqu'elle s'ouvre doucement. Mon cœur se serre lorsque le jeune joueur apparaît dans la pièce, les yeux rougis et gonflés, perdus dans le vide face à lui.
-Junior... Je souffle doucement, le cœur pincé de le voir dans cet état.
-Je suis désolé... il murmure simplement après quelques secondes de silence.
Son regard fuit le nôtre alors qu'il tire nerveusement sur la peau autour de ses ongles, se mettant le bout des doigts à vif. Je ne sais pas s'il a lu l'article ou si ses coéquipiers le lui ont rapporté dans les vestiaires, mais il semble vraiment chamboulé.
-Je...
-Viens t'asseoir, intervient Louis.
Junior acquiesce doucement et s'avance dans le bureau pour s'asseoir, les yeux remplis de larmes. Ses yeux se posent quelques secondes sur le magazine que Louis a reposé contre le bureau avant qu'il ne détourne douloureusement le regard.
-Je suis tellement désolé, il murmure, la gorge nouée. Je voulais pas... Je voulais pas la mettre dans cette situation et... je vais m'en aller, c'est promis... je vais... vous n'entendrez plus jamais parler de moi et...
-Hey, hey, hey, Junior, je le coupe immédiatement. Qu'est-ce que tu racontes ? T'en aller ou enfin ?
Le jeune joueur se contente de secouer doucement les épaules, retenant difficilement un sanglot.
-Je vous avais promis de ne pas la faire souffrir... de... J'espère qu'elle comprendra pourquoi je le fais... pourquoi je...
Un halètement lui coupe la parole alors qu'il tente de ravaler ses larmes, ses yeux rouges et gonflés braqués sur le magazine au milieu du bureau.
-Pourquoi tu fais quoi, Junior ? demande Louis.
-La quitter... il murmure si bas que j'ai peur d'avoir mal compris. Je dois la quitter...
Mon cœur manque un violent battement alors que mon regard inquiet se braque dans celui de mon mari qui semble tout aussi paniqué que moi.
-Non, non tu...
-Je suis désolé, il me coupe en secouant doucement la tête. Vous aviez raison... je n'aurai pas dû... Je suis tellement désolé de lui avoir fait ça... de l'avoir entraîné là-dedans. C'est... C'est complètement... ils... ils ont raison, je suis un prédateur sexuel et je...
Son monologue est coupé d'un violent sanglot alors qu'il prend son visage entre ses mains pour fondre en larmes.
-Junior, arrête, je le coupe immédiatement en m'accroupissant devant sa chaise pour le forcer à me regarder.
Il résiste et fuit mon regard en secouant doucement la tête. Je peux voir dans ses yeux le dégoût qu'il éprouve actuellement pour lui-même, ça me brise le cœur. Ce gamin est adorable, il ne mérite pas ça.
-Tu n'es pas un prédateur sexuel, je souffle calmement en prenant ses mains dans les miennes pour attirer son attention.
Louis contourne à son tour son bureau pour se rapprocher lui aussi, s'accroupissant près de moi pour essayer de capter son regard.
-On ne va pas laisser passer ça tu m'entends ? On ne les laissera pas traîner ton nom dans la boue, Junior. C'est hors de question.
-Elle va souffrir... à cause de moi, il souffle tristement. Je veux la protéger de tout ça, de tout ce qu'on dira sur elle à cause de moi... Elle ne mérite pas de...
-Ce qu'elle ne mérite pas, c'est de voir votre relation être jugée par des personnes qui ne savent pas, qui ne vous connaissent pas, Junior, le coupe calmement Louis.
-Vous étiez contre, vous aussi... C'est bien pour une raison... il murmure doucement en plongeant son regard dans celui de Louis pour la première fois depuis son entrée dans le bureau.
-J'étais contre parce que je ne te connaissais pas. J'étais terrifié pour ma fille, terrifié à l'idée de la voir avec un jeune homme de ton âge.
-Et vous devriez toujours l'être... c'est immoral ce que j'ai fait, c'est...
-Je ne le suis plus parce que j'ai appris à te découvrir, Junior. Ça fait des mois que tu nous prouves que tu es quelqu'un de respectable, protecteur et à l'écoute. Tu nous prouves chaque jour qu'on a eu raison de te laisser ta chance et que ce que tu ressens pour Romy est sincère et vrai. On n'a plus peur de votre différence d'âge car on sait maintenant que tu prends soin de notre fille, que tu ne fais rien qui pourrait la mettre mal à l'aise, que tu t'assures toujours d'être à l'écoute et de respecter chacun de ses choix. Tu nous as prouvé ces derniers mois qu'on pouvait avoir confiance en toi. Vous n'avez que trois ans d'écart, et même si ça peut interloquer certaines personnes car tu es majeur et pas elle, je suis soulagé que ce soit toi qu'elle ait choisi plutôt qu'un sale gâmin de quinze ans qui n'aurait pas les mêmes notions de respect que toi, pressé de découvrir plein de choses au détriment de notre fille.
Les mots de mon mari font battre mon cœur incroyablement vite et fort alors que je le fixe intensément, les yeux remplis de larmes. Je sais depuis des mois maintenant qu'il apprécie Junior, qu'il lui fait confiance... mais l'entendre le lui dire comme il vient de le faire m'émeut terriblement.
Je tourne lentement mon regard vers Granit Junior qui fixe Louis, les larmes dévalant furieusement le long de ses joues. Lui aussi est touché par le petit discours de mon mari et ses mains toujours entre les miennes tremblent.
-Merci... il murmure doucement. Vous n'imaginez pas comme ça me fait du bien...
Il relâche une de mes mains pour pouvoir essuyer ses joues et relève son regard dans celui de Louis après quelques secondes de silence.
-On va les attaquer, on ne les laissera pas parler de toi comme ça.
-Non, murmure doucement Junior en secouant négativement la tête.
Je fronce un peu les sourcils en l'observant et Louis fait de même, perdu.
-Je veux que vous fassiez un démenti, il murmure. Et j'en ferais un aussi.
Mon coeur manque quelques battements à ses mots et Louis se redresse un peu à mes côtés, sourcils froncés.
-Si c'est le fait de perdre ta place dans l'équipe qui t'inquiète Junior, je ferais en sorte que...
-C'est pas ça, il le coupe immédiatement. Je m'en fiche de ma place dans l'équipe. Je veux juste protéger Romy, les empêcher de s'attaquer encore à elle... et si je dois me tenir loin d'elle et démentir les rumeurs sur notre relation, alors je le ferai sans hésiter.
-Mais...
-Ils ne la laisseront jamais tranquille autrement. Ils ne cesseront pas de la traquer et d'écrire des articles sur elle, je refuse que ça arrive. Quand elle aura dix huit ans, ils n'auront plus rien à dire, et si elle veut toujours de moi à ce moment-là, alors je serais-là.
Point de vue de Louis.
- C'est vraiment une très mauvaise idée, je souffle avant de prendre une gorgée de mon thé.
Ma boisson chaude a du mal à passer, l'angoisse me nouant le ventre. Junior est monté avec Romy depuis cinq minutes et je m'attends à... je ne sais même pas en fait. J'espère au fond de moi qu'elle arrivera à le rassurer et le faire changer d'avis... mais Junior a l'air bien décidé.
- Tu ne peux décider à leur place, me rappelle Harry.
Si moi je stresse, me rongeant presque les ongles... mon mari s'occupe l'esprit en rangeant un des placards de la cuisine.
- Oui mais... quand même. C'est ridicule. Nous on sait que tout va bien, que ça se passe bien... c'est dommage. Du gâchis.
- Tu aurais cru dire ça il y a quelques mois ?
- Absolument pas, je ris nerveusement. La preuve... on est quand même hyper protecteurs tous les deux et pourtant il nous a convaincu.
- C'est vrai.
Je me rapproche de l'escalier, espérant entendre quelque chose... mais c'est bien silencieux... trop silencieux...
- Je regrette presque la parfaite isolation des chambres, je souffle.
Mes doigts tapotent nerveusement ma tasse, priant pour que tout se passe bien à l'étage.
- Ca n'ira pas plus vite en attendant en bas de l'escalier, Louis.
- Je sais...
- Tu manges encore, ça ? il demande en me montrant un paquet de je ne sais quoi.
- Tu crois que c'est le moment de faire du tri ? Je m'agace un peu.
- J'essaye de m'occuper pour éviter de penser au cœur brisé de ma fille.
Bon... chacun son truc. Je reviens dans la cuisine pour me coller contre mon mari.
- Excuse-moi... je suis stressé.
- J'avais à peine remarqué, il sourit en embrassant ma tempe.
On sursaute tous les deux en entendant une porte claquer à l'étage.
- Va-t-en, s'exclame la voix de ma fille à l'étage.
- Romy...
- Je t'ai demandé de partir !
Sa voix est froide, je la connais assez pour savoir qu'elle intériorise énormément pour ne pas lui montrer que ça la touche trop. On échange un regard triste avec mon mari.
Junior descend l'escalier, il s'arrête à l'entrée de la cuisine et nous adresse un bref sourire malheureux, les larmes brillants dans ses yeux avant de quitter la maison.
- On devrait... on doit monter la voir.
Harry acquiesce et abandonne son rangement pour me suivre à l'étage. La porte de la chambre de notre princesse est encore entrouverte et de sacrés bruits nous parviennent... ce n'est pas une surprise lorsqu'on entre de la voir arracher les photos collées aux murs de sa chambre. Elle jette tout dans la poubelle de son bureau, retenant encore difficilement ses larmes.
- Mon coeur...
- J'ai pas envie d'en parler.
Ma poitrine se comprime en la voyant si énervée, blessée... Jamais je n'aurais cru que leur relation se finirait comme ça... Une rupture c'est toujours possible, évidemment... mais pas dans ces circonstances, pas alors que tout se passait aussi bien.
- Vous pouvez patienter quelques temps, et...
Elle ignore la tentative d'Harry et ouvre son armoire pour sortir les quelques vêtements que Junior a laissés ici pour elle. Ses pulls, ses sweats qu'elle porte assez souvent en guise de pyjama finissent aussi à la poubelle.
- Romy, tu sais qu'il ne fait pas ça parce qu'il ne...
- C'est bon, il m'a expliqué son excuse bidon, elle me coupe en haussant un peu le ton. J'ai dis que je ne voulais pas en parler.
Je pense que là ce n'est pas la peine de lui dire quoi que ce soit, elle n'entendra pas. Harry doit penser la même chose que moi car il secoue doucement la tête.
- D'accord... mais tu sais qu'on est là si tu as besoin.
Pour toute réponse, on a le droit au bruit de la bouteille de parfum que Junior lui a offert à son anniversaire qui cogne dans le fond de la poubelle. Harry et moi sortons à contre coeur, mais sans vraiment se concerter on reste devant la chambre, espérant qu'elle se calme un peu et surtout qu'elle ne se blesse pas sous la colère.
Lorsqu'elle laisse échapper le premier sanglot, les larmes coulent sur mes joues alors que je m'appuie contre le mur. J'ai le ventre encore plus noué que tout à l'heure et le cœur si douloureux.
Il n'y a rapidement plus aucun bruit hormis sa respiration saccadée, étouffée par les sanglots.
On attend un petit peu, et finalement Harry est le premier à retourner dans la chambre. Romy est allongée sur son lit, recroquevillée sur elle-même. On s'assoit au bord du lit, chacun d'un côté en espérant qu'elle ne nous rejette pas... mais finalement elle se blottie d'elle-même contre Harry, pleurant un peu plus fort.
***
- T'es toujours sûr de toi ? je demande, mon attention rivée sur Junior.
J'ai une vague impression de déjà vu... Je repense malgré moi à cette conférence de presse que j'ai dû faire après qu'une vidéo intime d'Harry et moi ait fuité. Si à l'époque il avait des doutes que nous n'avions pas encore confirmé, Desmond a quand même été là pour moi, il m'a soutenu et rassuré.
- Je crois que je vais vomir, murmure Junior, la tête baissée.
- Je sais... ça va passer.
Je lui presse doucement l'épaule et lui laisse quelques secondes pour se reprendre avant d'ouvrir la salle de conférence. De nombreux journalistes sont présents, prêts à nous assaillir de questions.
Je m'installe à ma place alors que Junior fait de même ignorant les flashs des photographes. D'autres articles sont sortis le temps que le service presse organise la conférence, reprenant la même rengaine ridicule. Tout le monde attend avec impatience les révélations.
Je regarde Junior, essayant de voir s'il est prêt à se lancer. Le jeune joueur se racle la gorge et hoche lentement la tête.
- Je pense qu'on ne va pas tourner autour du pot plus longtemps et cesser tous les doutes... Romy et moi, nous ne sommes pas ensemble.
Ca s'enflamme un peu dans la salle, les questions fusent aussitôt. Je vois bien que ça lui coûte de dire ça, que sa rupture est encore fraîche et douloureuse. Son regard angoissé croise brièvement le mien et il avale difficilement sa salive... alors je prends le relai, sans oublier d'y mettre mon petit grain de sel.
- Quoi qu'il en soit, je pense que les journalistes qui ont écrit ces articles n'avaient pas à se permettre de juger un jeune homme de tout juste 18 ans avec des propos aussi violents et dégradants. Et oui, je répète tout le temps que mes enfants sont ma plus grande priorité et que je tiens à les protéger au maximum... il me semble donc évident que jamais je n'aurais laissé une relation inappropriée arriver.
- Alors vous êtes amis ? demande un autre journaliste. C'est surprenant étant donné que vos parents ne s'entendaient pas forcément...
Celle-là j'aurais dû l'attendre... Au fond de la pièce, appuyé contre le mur, Granit grimace légèrement.
- Heureusement que l'expression "tel père, tel fils" ne s'applique pas à tout le monde, je souris légèrement avant de regarder Junior.
Je ne sais pas vraiment ce qu'il a prévu de dire concernant leur relation, donc j'avoue que j'appréhende un peu.
- Malheureusement nous ne sommes plus amis...
Ah... bon. Je me doute qu'ils ne sont plus en contact actuellement, mais je ne pensais pas qu'il révélerait ça publiquement.
- Vous aviez peur que ça entache votre réputation d'être ami avec une jeune fille mineure ?
La jambe de Junior tremble sous la table, je sens qu'il s'agace un peu.
- Ma réputation que vous entachez sans me connaître ? Sans connaître Romy ? Non, je tiens simplement à protéger mon amie de tout ça. Ma réputation et ma place dans l'équ...
Je me recule du micro et me racle légèrement la gorge pour le stopper un peu. Si il va trop loin ça pourrait le trahir et leur donner d'autres pistes.
- Coach, est-ce que leur relation "amicale"... a influencé sa sélection ?
Le journaliste debout mime les guillemets avec ses doigts et ça me crispe un peu.
- Certainement pas. Si je recrutais chaque ami de mes enfants je pense qu'Arsenal en pâtirait énormément. Je tiens au niveau de mon équipe.
Un autre se lève, et à son regard je sais que sa question va piquer.
- Granit Junior est toujours un cœur à prendre alors, ça rassurera vos admiratrices... espérons qu'elles ne soient pas toutes au collège.
Au fond de la pièce, le père de Junior fronce les sourcils et je le vois bouillir intérieurement. Il me regarde et je comprends qu'il préfère arrêter. Je me reconcentre sur Junior et comprend que c'est la remarque de trop. C'est encore trop frais pour lui, il est trop fragile.
- Je pense qu'on va s'arrêter là si vous n'êtes pas capable de rester correct en vous adressant à un jeune joueur qui n'a rien à se reprocher.
Je fais signe à Junior de sortir et on quitte la salle de conférence. Ça ne plaît pas trop aux journalistes, mais tant pis.
- Est-ce que ça va ? je m'inquiète une fois qu'on est dehors.
Il secoue la tête, croisant ses bras contre son torse, semblant essayer de se protéger de tout ça. Je lui presse légèrement l'épaule avant de l'attirer contre moi.
- Comment va Romy ? il murmure finalement.
- C'est... pas terrible.
Je n'arrive pas à lui mentir, et de toute façon il se doute que ça ne va pas pour elle.
- J'espère que tu ne tenais pas trop à tes sweats...
Il rit légèrement, laissant échapper quelques larmes en se reculant. Ce n'est pas une période simple, mais je pense que le plus dur est fait... j'espère.
Point de vue de Harry.
La journée a été longue. Vraiment longue. Nous sommes tous les deux épuisés lorsque nous arrivons à la maison un peu plus tard que d'habitude, tant physiquement que mentalement. Après la conférence de presse qui a eu lieu en fin d'après-midi, nous avons passé encore un peu de temps au stade à régler certains autres détails.
Nous ne sommes évidemment pas restés les bras croisés face aux nombreux articles sortis ces trois derniers jours. Nous avons pris le temps d'attaquer en justice chacun des magazines, chacun des journalistes ayant rédigé ces articles.
Pour plusieurs raisons :
Premièrement, nous avons passé un accord il y a des années avec les journalistes et paparazzis de la ville. Aucunes photos de nos enfants ne doivent être publiées dans les journaux en dehors des photos prises aux matchs. Ça n'a pas empêché le visage de notre fille de quinze ans de se retrouver placardé sur la couverture de tous les journaux de la ville, et il est hors de question que nous laissions ça passer.
Deuxièmement, nous nous sommes battus pour que le club attaque en justice les magazines par rapport aux propos utilisés contre Junior. Nous avons appris à aimer ce gamin et il nous paraissait impensable de le laisser se faire traiter ainsi par des personnes ne connaissant même pas la réelle histoire. Les mots utilisés sont forts et blessants, très violents à encaisser pour un jeune de cet âge dont la seule erreur a été de tomber sincèrement amoureux.
Junior n'est pas amoureux d'une enfant, il est amoureux d'une adolescente de seulement trois ans de moins que lui, mature et consciente des choses. Ils n'ont jamais franchi les limites imposées à cause de l'âge de Romy.
Des millions de jeunes dans les lycées vivent ce genre de relation, des collégiennes tombent amoureuses des lycéens plus âgés qu'elles dans la cour de l'école et personne ne se permet de juger ça en première page des journaux.
Granit nous est très reconnaissant de ce que nous faisons pour son fils. Ils ont tenus à porter plainte de leur côté aussi pour les attaques subies, et même si Junior ne souhaitait pas le faire au début, il a finalement cédé.
Il mène un combat physiologique avec lui-même depuis trois jours. Il est méconnaissable, les traits tirés, le regard triste. Il sait au fond de lui qu'il n'a rien fait d'immoral, qu'il n'est pas un prédateur sexuel et que sa relation avec Romy était saine... et pourtant il ne peut s'empêcher de se blâmer pour tout ça, pour tout ce qui est dit dans ces articles. Il laisse tous ces mots l'atteindre et le faire douter de lui-même.
Nous n'avons pas eu le courage de nous mettre aux fourneaux en rentrant après une telle journée alors nous nous sommes arrêtés chez le traiteur prendre quelques plats à emporter en rentrant.
Léo est devant la télévision avec Gemma lorsque nous arrivons à la maison. Il saute immédiatement dans les bras de Louis qui le serre fort et nous remercions chaleureusement ma sœur pour sa disponibilité avant de la saluer alors qu'elle part rejoindre sa propre petite famille.
-Je vais chercher Romy, je souffle à Louis alors qu'il part en cuisine chercher des assiettes et des verres.
Il acquiesce et embrasse tendrement ma joue avant de me laisser monter à l'étage. C'est vraiment difficile de la voir comme ça depuis trois jours. La colère des premières minutes a laissé place à une infinie tristesse. Elle ne sourit plus, ne parle plus beaucoup. Elle se lève, part à l'école, fait ses devoirs en silence le soir, picore quelques aliments dans son assiette pendant les repas et part se coucher sans un mot.
C'est terrible de la voir si mal, si blessée et triste. On essaye de la rassurer, d'être présents pour elle mais nous sommes incapables de lui redonner le sourire alors qu'elle vit sa première déception amoureuse.
-Romy ? J'appelle doucement en toquant quelques coups à sa porte.
Pas de réponse. Je pousse doucement pour entrer et pince tristement mes lèvres en la trouvant allongée dans son lit, déjà douchée et en pyjama. Elle fixe un point invisible devant elle, le visage déformé par la tristesse.
-Chérie... je murmure en m'approchant pour m'asseoir au bord du lit, près d'elle. C'est l'heure du dîner.
Je glisse doucement mes doigts dans ses longs cheveux bruns que je caresse tendrement.
-Je n'ai pas faim...
-Il faut manger mon cœur, au moins un peu. On t'a acheté ton plat préféré chez le traiteur.
-Vous l'avez... Vous l'avez laissé dire que notre relation n'existait pas... vous l'avez laissé effacer tout ça comme si ça n'avait jamais existé, comme si c'était quelque chose de honteux d'être tombés amoureux l'un de l'autre...
Sa voix est lente et calme. Elle ne s'énerve pas, ne crie pas. La seule chose qu'elle ne contrôle pas, c'est la larme qui glisse lentement le long de sa joue.
Je décide de m'allonger doucement dans son dos, l'entourant délicatement de mes bras pour la serrer contre moi.
-Il a fait ça pour toi mon amour, pour te protéger.
-Non, il a eu honte.
-Il n'a pas honte, Romy. Il cherche à te protéger de tout ça, des articles, des injures... On a essayé de l'en dissuader, de lui assurer qu'il ne perdrait pas sa place dans l'équipe même s'il ne niait pas... mais ce n'est pas ça qui l'inquiète. Tout ce qu'il veut, c'est que les journalistes te laissent tranquille.
Romy ne répond rien pendant quelques secondes et finit par pousser un long soupir tremblant, ses mains s'accrochant aux miennes.
-J'ai l'impression qu'il... j'ai l'impression qu'il a tout effacé... que ça n'a pas compté pour lui... elle murmure douloureusement.
-Je peux comprendre mon amour, je réponds tendrement. Je peux voir que tu souffres beaucoup, mais sache qu'il n'a pas fait ça car il ne t'aime pas... au contraire, il l'a fait parce qu'il t'aime beaucoup.
Romy renifle un peu à mes mots et tremble entre mes bras. Je la serre tendrement durant de longues minutes, embrassant doucement ses cheveux à plusieurs reprises.
-Et nous aussi on t'aime, très fort. On est là ma chérie, papa, Léo, Eden et moi on est là pour toi.
-Je sais...
Le silence retombe à nouveau, finalement brisée par Romy.
-Je peux...? Je n'ai vraiment pas faim et j'ai juste besoin de dormir maintenant...
Je me pince un peu les lèvres, hésitant, mais fini tout de même par acquiescer. Je n'aime pas que mes enfants se couchent le ventre vide mais je peux comprendre que son appétit soit coupé ce soir.
-D'accord mon amour. Je déposerai une compote sur ta table de nuit tout à l'heure au cas où tu aies faim dans la nuit. Dors bien.
-Merci papa.
Hello,
Comment allez vous ?
Voici le nouveau chapitre du Tome 2 de Lucarne et nous espérons qu'il vous a plu ?
Nous attendons vos réactions avec impatience, que ce soit ici ou sur le hashtag #Lucarnefic sur Twitter.
A très vite,
Lynn et Axelle ❤️