Point de vue de Harry.
Après l'horrible nuit que je viens de vivre, la matinée me paraît vraiment très longue. L'entraînement est terminé depuis une heure désormais et les joueurs s'enchaînent dans mon bureau pour leurs séances. Certains restent silencieux durant toute la séance, d'autres écoutent de la musique, leurs écouteurs dans les oreilles et d'autres discutent avec moi, mais je crois qu'ils ont tous plus ou moins compris que mon humeur du jour n'était pas la meilleure. Ils ne cherchent pas à en savoir plus et profitent de leurs massages.
Je n'ai qu'une hâte, terminer ma journée et rentrer me poser à la maison. Me fondre dans un des sweats de Louis et plonger mon nez dans le col. C'est difficile, Louis est parti depuis presque quatre semaines désormais et les vêtements qui restent à la maison perdent petit à petit de son parfum. Les draps propres du lit sont seulement imprégnés de mon odeur eux aussi et je commence à avoir beaucoup de mal à trouver des choses auxquelles me raccrocher.
C'est d'autant plus difficile de gérer cette absence après la discussion au téléphone que nous avons eu hier soir. J'ai eu énormément de mal à dormir après que nous ayons raccroché. J'ai du mal à faire comme si la froideur de Louis ne m'avait pas un peu affecté alors que je cherchais juste à le rassurer, à lui remonter le moral. Evidemment, je ne lui en veux pas du tout, pas dans ces conditions. Sa soirée à lui a été bien pire que la mienne et je peux totalement comprendre qu'il n'ait pas eu envie d'en parler plus longtemps... mais j'aurai aimé qu'il se confie à moi, qu'il accepte d'avoir souffert du comportement des joueurs et de l'arbitre lors du match au lieu d'essayer de me le cacher.
J'aurai aimé le rejoindre, pouvoir le prendre dans mes bras, le serrer contre moi. J'aimerai pouvoir être près de lui et lui faire entendre que non, rien n'explique qu'il ait à subir ça et qu'un groupe de personnes ait décidé de le traiter comme ça devant des millions de personnes.
J'ai un mal fou à accepter qu'il subisse ça, qu'il l'accepte sans rien dire. Je suis en colère que quelqu'un se soit senti assez supérieur à lui à cause de son orientation sexuelle pour tenter de le blesser. Je suis écœuré que l'arbitre du match n'ait pas fait son travail correctement et se soit mis à cautionner une telle injustice. Je suis en colère contre la terre entière, Louis, lui, est en colère contre moi et j'avoue avoir beaucoup de mal à comprendre.
Je ne sais pas comment me positionner par rapport aux mots qu'il a eu hier soir... Je n'arrive pas à déterminer s'il a essayé de me faire comprendre son regret d'avoir fait son coming-out avant le mondial ou non, s'il m'en veut pour ce qu'il s'est passé ou non.
Je m'en veux de ne pas pouvoir être près de lui pour régler cette situation, d'être bloqué à des milliers de kilomètres. J'en veux au staff de ne pas nous laisser plus d'opportunités de nous voir... Et j'en veux à mon fiancé de ne pas m'ouvrir son cœur alors qu'il a vécu une soirée difficile.
J'enchaîne tous les massages et tous les étirements comme un robot et finalement, je me laisse tomber dans mon canapé un peu après quatorze heures après avoir terminé de m'occuper de tout le monde. Je suis fatigué, j'ai des courbatures aux bras.
Je laisse tomber ma tête contre le dossier du canapé dans le coin de mon bureau et souffle de longues minutes, les yeux fermés.
Je n'ai pas encore déjeuné, je vais aller m'acheter un sandwich à la cafétéria avant la réunion avec le reste du staff et ensuite, je pourrai rentrer à la maison me poser.
Mais pour l'instant, j'ai besoin de quelques minutes de calme.
La vibration de mon téléphone dans la poche de ma veste attire mon attention et je me lève pour le récupérer avant de m'installer derrière mon bureau.
Deux appels manqués de Louis et trois sms.
Mon cœur s'emballe dans ma poitrine et je clique rapidement sur la notification pour ouvrir les messages.
« Hey... Je pense que tu es en séance ? Je te rappelle d'ici une quinzaine de minutes. »
« Harry ? Tu m'en veux beaucoup ? Tu peux me rappeler s'il te plaît ? »
Le dernier message date d'il y a quelques secondes alors que les deux premiers ont été reçus deux heures et demie plus tôt, pendant que j'étais en train de m'occuper de mes joueurs. D'habitude, je prends le temps de répondre à Louis entre chaque séance, mais aujourd'hui, j'avais tellement la tête ailleurs que je n'ai même pas pensé à regarder mon téléphone.
En réalité, après la conversation d'hier soir et mon message qu'il a royalement ignoré... je ne pensais pas que Louis me rappellerait ce matin.
« J'ai vraiment besoin de te parler et... je suis désolé mon cœur. Je comprend que tu n'aies pas trop envie de me parler après hier soir mais... s'il te plaît ? Je m'en veux vraiment beaucoup. »
Je relis plusieurs fois son message alors que mon cœur s'emballe brusquement. Merde, merde, merde... Il pense que je n'ai pas envie de lui parler alors que j'ai espéré qu'il me rappelle toute la nuit.
Je me dépêche de lancer un appel et colle mon téléphone à mon oreille, le cœur battant la chamade.
-Harry...? Je me suis vraiment inquiété et...
-Je suis désolé, j'étais pas mal occupé avec les séances je n'ai pas pensé à regarder mon téléphone entre chaque joueur, je le coupe immédiatement, soulagé d'entendre sa voix.
Le silence retombe quelques secondes entre nous et mon cœur se calme un peu lorsque le souffle lent et régulier de Louis me parvient à travers le haut-parleur.
-Est-ce que ça va ? Tu te reposes ? je relance d'une voix douce.
-Oui je... J'ai eu rendez-vous avec un médecin du staff tout à l'heure pour vérifier mes blessures d'hier soir mais je suis de retour dans ma chambre.
-Est-ce que tu as mal ? je m'inquiète, le cœur serré.
-Un peu aux côtes et à la cheville mais rien de grave, il me rassure avant de marquer quelques secondes de silence. Harry... Je suis désolé pour hier soir.
Je me lève pour rejoindre le canapé dans lequel je me laisse tomber et décolle mon téléphone de mon oreille quelques secondes pour demander une connexion en visio. Louis accepte et après quelques secondes, son visage fatigué apparaît à l'écran.
-J'ai été idiot de te parler comme ça, de te repousser alors que t'étais là pour moi... C'est tellement dur de ne pas avoir pu juste me coucher contre toi et simplement encaisser en me roulant en boule dans tes bras...
-Tu sais que je suis prêt à sauter dans le premier avion Louis, je te l'ai dit.
-Je sais... mais ça n'aurait aucun intérêt que tu viennes jusqu'à Berlin alors qu'on ne pourra même pas se voir, il soupire en baissant tristement la tête.
-Tu me manques et moi aussi j'aimerai pouvoir me coller contre toi et juste profiter quelques instants... mais ça va passer vite, c'est promis.
Je ne sais pas qui j'essaye de convaincre entre lui et moi avec ces mots... mais de mon côté, je suis loin de penser que les trois semaines et demie qu'il reste vont passer vite... nous n'en sommes qu'à la moitié et ça devient vraiment difficile.
-Comment tu te sens ? je demande après quelques secondes de silence.
Les yeux de Louis se relèvent vers l'écran et ses sourcils se froncent un peu.
-Bien, je te l'ai dit, mes blessures ne sont pas-
-Je ne parle pas des blessures, mon cœur, je le coupe en le fixant à travers l'écran. Je parle du match... de tout ce que tu as dû encaisser...
Le regard de Louis se baisse à nouveau, fuyant le mien et j'ai l'impression pendant quelques instants de l'avoir à nouveau braqué. Il ne répond rien, laisse traîner le silence... et mon cœur se serre en réalisant que nous en sommes au même point qu'hier... mais il finit par reprendre la parole, me surprenant.
-J'ai un peu de mal à réaliser ce qu'il s'est passé... il commence d'une petite voix. La première insulte est arrivée dans les couloirs, juste avant qu'on entre sur le terrain pour les hymnes... personne ne s'en est trop formalisé et nous sommes rapidement passés à autre chose lorsque nous avons dû entrer sur le stade.
-Tes coéquipiers n'ont pas réagi ? je demande, surpris.
Mon cœur bat la chamade en réalisant qu'il s'est retrouvé seul face aux insultes.
-Si... j'en ai vu plusieurs prêts à répliquer, mais l'arbitre nous a demandé de nous mettre en place et les choses se sont rapidement enchaînées derrière. C'est quand je me suis fait insulter une deuxième fois par un joueur différent au moment du coup d'envoi que j'ai compris que ça allait être un match compliqué, mais je ne m'attendais pas à ce qu'ils soient violents sur le terrain.
-L'arbitre aurait dû réagir tout de suite, je souffle, encore très en colère contre celui-ci.
Louis me fixe quelques secondes à travers l'écran et se contente d'hausser les épaules, une petite moue triste aux lèvres.
-Il faut croire qu'il était en accord avec leur manière de penser...
-Louis, j'attire son attention, fixant son doux visage fatigué à travers l'écran. Promets moi que tu ne te laisseras pas insulter comme ça une nouvelle fois.
-Je ne peux pas répliquer sur le terrain, je dois juste fermer ma gueule et encaisser... c'est le monde du foot.
-Non. Je ne suis pas d'accord avec ça. Personne n'a à te traiter comme ils l'ont fait hier soir sous prétexte que tu aimes un homme, personne n'a à te rabaisser pour la personne que tu es.
Je vois bien que mes mots le touchent, le font réfléchir. Il a besoin de les entendre, de les accepter pour avancer vers le prochain match la tête haute.
-Ton public est derrière toi mon amour, comme toujours. Les messages de soutien s'enchaînent sur les réseaux sociaux depuis hier soir, les gens sont offusqués par ce qu'il s'est passé... des joueurs d'autres sélections ont même réagi.
-Ah bon ? il souffle en relevant les yeux, surpris.
-Oui, certains joueurs de l'Espagne et l'entraîneur de la France se sont exprimés et ont demandé à ce que l'équipe et l'arbitre soient sanctionnés à la hauteur de l'injustice que tu as subi.
Les yeux de Louis s'emplissent des larmes alors qu'il réalise petit à petit mes mots, ce que ça implique.
-Soit fier de qui tu es Louis, personne n'a à te faire du mal pour ça, que ce soit mental ou physique.
Point de vue de Louis.
Je claque la porte de ma chambre et ajuste la sangle de mon sac de sport sur mon épaule. On a eu le droit à une journée de repos mais aujourd'hui, on reprend l'entraînement. J'avoue que je ne suis pas vraiment motivé, même si Harry a passé un bon moment à essayer de me réconforter et m'encourager hier.
-Salut Louis, me souffle doucement Luke en me rejoignant. Je... je sais pas trop quoi te dire... je suis désolé. Je pensais vraiment pas que...
-T'inquiète pas, ça va aller. Je m'y attendais un peu.
La plupart de mes coéquipiers m'ont déjà montré leur soutien et c'est la même rengaine alors que je voudrais juste passer à autre chose.
-Ah bon ? il souffle, visiblement vraiment choqué. Pourtant au dernier match...
-Une équipe ne fait pas l'autre, je soupire.
-Quoi ?
-J'aurais dû me préparer au fait que ça ne passerait pas bien avec chaque équipe. C'est comme ça...
Il appuie sur le bouton pour appeler l'ascenseur, les sourcils froncés.
-Je ne te parle pas du match.
-Pourquoi tu t'excuses alors ?
On entre dans la cabine et il appuie directement sur le bouton du hall.
-Bah... pour Harry et toi. Mais tu sais ce qu'on dit, un de perdu dix de...
-Attends, quoi Harry et moi ?
-Je sais que c'est une expression à la con, mais j'essaie maladroitement de te remonter le moral. On discutait avec Marcus et les autres, ils sont prêt à braver l'interdiction de sortir de l'hôtel pour t'emmener dans une boite gay ce week-end pour te changer les idées.
J'éclate de rire et secoue doucement la tête.
-Ça serait très drôle à voir ça... mais je ne suis pas sûr que le coach laisserait passer ça, ni Harry d'ailleurs.
-Ouais, enfin il n'a plus son mot à dire maintenant. A moins que tu sois le genre de personne qui laisse son ex diriger sa vie.
-Son ex ? Mais de quoi on parle là ? je m'agace.
-Vous n'avez pas rompu ?
Mon cœur rate un battement et je relève aussitôt la tête vers lui.
-Mais non ? D'où ça sort ça ?
-Oh... désolé alors. J'ai vu ça sur twitter ce matin. Je pensais que...
Il se tait en me voyant prendre rapidement mon portable pour chercher ça. J'ai juste à taper mon nom sur Google pour tomber sur toute la liste d'articles nous concernant Harry et moi. Mais qu'est-ce que... Je pensais que ça allait ? qu'il ne m'en voulait pas tant que ça... on s'est expliqué, on a... mais pourquoi ? Je ne comprends rien. C'est lui qui a annoncé ça à la presse ?
- Donc on annule la soirée en boîte, soupire Luke.
-Si vous voulez y aller je ne vous retiens pas.
J'envoie un lien à Harry et ajoute un message, essayant de rester calme.
« C'est la pire rupture du monde. Tu pourrais être un peu plus délicat et me le dire directement plutôt que de parler à la presse avant. »
J'essaye de tourner ça à la rigolade même si ça ne m'amuse pas du tout, vraiment pas du tout.
« Excuse-moi... je suis maladroit. La prochaine fois je le ferai par sms. »
« T'es horrible. Bon sérieusement, d'où ça sort ? »
« Aucune idée ? Tu crois vraiment que j'aurai annoncé notre rupture comme ça ? Ma mère s'inquiète aussi maintenant ... elle vient de m'envoyer un message. »
L'ascenseur s'arrête dans le hall et on sort aussitôt de la cabine.
-Bon les gars. J'ai une bonne et une mauvaise nouvelle pour vous ! lance Luke en se dirigeant vers nos coéquipiers. La mauvaise c'est qu'on annule la soirée en boîte... la bonne c'est que notre Tommo n'a pas le cœur brisé.
-T'y tiens à aller en boite de nuit gay quand même, je ris en lui donnant un coup de coude.
-Ça m'intrigue un peu c'est vrai...
Il se fait siffler par les autres et ça me fait sourire qu'ils le prennent aussi bien.
Je jette un coup d'œil à mon portable et voit qu'Harry m'a envoyé des captures d'écran de l'article.
« Harry absent lors du dernier match. Une source proche du kiné assure qu'il vit très mal cette rupture »
Je me demande bien qui est cette source proche. Je n'ai pas le temps d'y réfléchir bien plus longtemps qu'Harry me renvoie un message.
« Je crois savoir de qui ça vient. »
Bonjour,
Bien conscientes de la fin difficile du chapitre d'hier soir, nous avons décidé de ne pas vous faire attendre trop longtemps pour la suite, alors voilà le chapitre 68.
Nous attendons avec impatience vos réactions,
A demain,
Lynn et Axelle ❤️