Sang Remords (T.1 - ☑ /T.2 - en cours)

TOME 1 - Chapitre 29

Directive n°2 : Ne pas se laisser empoisonner par le passé !

Je me tiens au beau milieu du bureau vide d'Yvan. Plusieurs cartons numérotés sont étalés autour de moi comme autant de pièces d'un immense puzzle à reconstituer.

La tâche s'annonce colossale...

Je m'assieds en tailleur en face du premier, ouvre ses battants, puis jette un coup d'œil à l'intérieur. Une quinzaine de livres y sont minutieusement rangés.

Il y en a probablement autant qui m'attendent dans les autres...

— Je vais avoir du pain sur la planche...

J'inspire et expire lentement. Je remonte mes manches et sors précautionneusement le carnet annoté de la mention « Tome 1 ».

Je l'observe sur toutes ses coutures. Le cuir est en excellent état, souple et doux au toucher. La date « 1437 » y est gravée en lettres d'or.

Il est étonnamment bien conservé...

N'y tenant plus, je m'aventure sur la page du titre et lis à voix haute :

— « Mémoires de sang – Résumés des premiers comptes rendus du clan par Yvan Overney-Lecomte, 1960. »

C'est une plaisanterie ? « Des résumés de comptes rendus » ? On est loin des documents authentiques que j'espérais trouver ! Mais pourquoi mon aïeul s'est-il lancé dans ce travail de fourmi ? Qu'essayait-il d'accomplir en réécrivant toute l'histoire de notre famille ?

Je tourne la page et plonge dans ma lecture :

Janvier 1437. L'Église catholique romaine est de plus en plus critiquée par la population. Les rustres des campagnes rechignent à payer la Dîme. Le Prince mène des expéditions punitives dans toute la Valachie afin de leur faire entendre raison. Les morts sont une perte regrettable, mais les blessés, une sacrée aubaine commerciale.

Février 1437. Une seule rencontre peut changer votre vision du monde... et votre destin.

Mars 1437. La révolte gronde, la situation devient préoccupante. Il est temps de partir. Le paquet a été soigneusement emballé. Des dispositions ont été prises pour faciliter son transport en toute discrétion.

Avril 1437. Rejoindre la Transylvanie était une mauvaise idée. L'anarchie règne. Les paysans défient l'autorité, fourches en main. Nous devons quitter Cluj au plus vite.

Mai 1437. Après un périple d'une vingtaine de jours, nous avons atteint Split. La ville est sous l'autorité de la République de Venise. Nous devrions y être en sécurité. Je vais enfin pouvoir procéder à une étude plus poussée de mon « trophée valaque ».

Je relève la tête, perplexe. J'attrape mon téléphone portable dans la poche arrière de mon jean et tape le mot clef : « Valachie » dans le moteur de recherche. Le premier lien me renvoie à un article, décrivant cette contrée comme l'une des anciennes principautés danubiennes, formant avec la Moldavie et la Transylvanie, la Roumanie actuelle. Une carte me permet de situer cette région historique aux bords de la Mer Morte.

Mon pouls s'accélère. Je cligne plusieurs fois des paupières, comme pour vérifier que les informations que j'ai sous les yeux ne sont pas le fruit de mon imagination.

— C'est là-bas, je murmure avec émotion. Mihai vivait en Valachie. C'est lui la fameuse « rencontre » de février 1437, le « paquet » qui se fait trimballer dans toute l'Europe de l'Est, le « trophée valaque » que le premier geôlier Overney-Lecomte voulait à tout prix étudier...