TOME 2 - Chapitre 7

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Conseil à soi-même n°5 : C'est souvent difficile de s'en remettre à quelqu'un d'autre, mais souviens-toi à quel point c'est agréable de se sentir soutenu.

Je prends une profonde inspiration et toque doucement à la porte. Elle s'entrebâille à peine. Un œil se colle à la fente, inquiet, puis le battant s'ouvre sur un Jérémie soulagé. Il me dévisage un instant, avant de reporter son attention sur Mihai, puis de s'effacer pour nous laisser entrer.

À en croire son attitude, il craignait sans doute une visite surprise de mon père, du Docteur Guérin, ou pire, de Nathan...

J'échange un regard avec mon acolyte. Son visage ne reflète aucune émotion, pourtant je le sens tendu, comme aux abois. Je lui décoche un sourire encourageant et nous pénétrons ensemble dans les appartements de mon majordome.

Nous sommes accueillis dans un salon encombré, mais cosy. Il est occupé par une bibliothèque débordante d'ouvrages, d'un canapé, de deux fauteuils en cuir fauve et d'une petite table. Le tout fait face à une cheminée, où des braises rougeoient sur un lit de cendres. La timide lumière hivernale entre par une fenêtre, donnant sur la façade principale du manoir. Un lampadaire en acier noir surmonté d'un bouquet de cinq abat-jours complète l'éclairage.

— Merci de nous recevoir.

— Je vous en prie, c'est vous qui m'honorez, Matriarche.

Il s'incline poliment et d'un signe de la main, nous invite à nous asseoir.

Je le gratifie d'un hochement de tête et prends place dans le sofa, imitée aussitôt par Mihai. Notre hôte s'éclipse dans la pièce attenante que je devine être la cuisine. Je profite de son absence pour m'adresser discrètement à mon compagnon :

— Tout va bien ?

— Tout va bien, répète-t-il comme un écho.

J'opine gravement, tout en me triturant les doigts.

Il y a tellement de questions que j'ai envie – non, besoin – de lui poser, et la première de toutes est comme un fantôme, elle me hante depuis que je l'ai vu étroitement enlacé dans les bras de ma sœur : pourquoi est-ce vers elle qu'il est revenu ?

— Une collation ? suggère mon majordome en réapparaissant avec deux tasses fumantes, quelques tranches de pain d'épices et un verre d'eau sur un plateau en bois.

D'un mouvement raide, il pose un thé noir devant moi. Ses effluves citronnés viennent me chatouiller les narines.

— Merci Jérémie.

Il affiche un sourire affectueux, derrière lequel se dissimule avec peine une grande fatigue. Il se tourne vers Mihai :

— De l'eau vous conviendra ? En théorie, vous devriez pouvoir en ingérer sans problème, puisque le sang en contient à 90 %.

Mon acolyte écarquille les yeux de surprise en découvrant que sa nature vampirique n'est ni un secret pour Jérémie ni une raison de lui manquer de respect. Pour ma part, je suis épatée par le bon sens de ses propos. Mihai hoche lentement la tête, le dévisageant avec prudence. Mon majordome dépose le verre sur la table, puis sa propre tasse, et pour finir, l'assiette de gourmandises épicées. Il se libère de son plateau en le calant contre l'un des fauteuils, avant de s'y installer précautionneusement, comme s'il craignait de se briser en mille morceaux.

Un silence se glisse entre nous. Jérémie et moi-même sirotons à petites gorgées, tandis que Mihai demeure aussi figé qu'une statue de cire. Je l'observe du coin de l'œil, ignorant ce que je peux lui dire pour le rendre à l'aise. Il laisse échapper un soupir, presque un grognement.

Sang Remords (T.1 - ☑ /T.2 - en cours)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant