Sang Remords (T.1 - ☑ /T.2 - en cours)

TOME 1 - Chapitre 15

Pense-bête n°1 : Tout changement est effrayant.
Il faut du temps avant d'en réaliser toute la force positive.

Quelque chose se prépare... J'ignore de quoi il en retourne, mais je sens que je dois agir vite et bien, si je veux étouffer le problème dans l'œuf.

Le lendemain matin, aussitôt après le petit déjeuner, j'enfile ma panoplie de grande frileuse, je m'empare de ma sacoche et me précipite dehors. Le froid m'accueille dans son étreinte, je frissonne, puis me rends derrière la maison afin d'y mener ma petite enquête.

J'aperçois assez vite des empreintes de pas sur la neige, qui s'arrêtent sous ma fenêtre, juste au niveau du boîtier électrique. Je me rapproche à mon tour pour l'inspecter de plus près. Le couvercle est intact. J'essaye de l'ouvrir avec mes ongles, mais il est scellé aux quatre angles par de petites vis.

Je vais devoir revenir avec des outils si je veux connaître le fin mot de cette histoire !

Je regarde en direction de la forêt, silencieuse, figée sous le ciel grisâtre. De minuscules flocons se mettent à tomber sur les arbres nus et glacés par le gel de la nuit. Un tapis blanc s'étend à leurs pieds telle une mer lactée.

Si je le voulais, je n'aurais aucun mal à remonter la piste.

J'enfonce mes mains dans les poches de mon manteau.

Le plus sage reste encore de rebrousser chemin et d'aller au manoir comme si de rien n'était. La prudence est de mise. Personne ne doit rien savoir de l'intervention du faux jardinier. Aussi longtemps que je feindrai l'ignorance, le ou les coupables se sentiront en confiance et seront amenés à reproduire d'autres imprudences. C'est là que je pourrais les coincer !

Je prends une grande inspiration afin de me donner du courage, puis me mets à courir vers la demeure principale.

*

— Tenez, matriarche. Voici la liste que vous m'avez demandée, déclare le majordome, en me tendant une grosse liasse de feuilles.

— Merci Jérémie.

Je me saisis des documents et commence à les examiner. D'innombrables noms défilent sous mes yeux, et pourtant, aucun d'entre eux ne m'est connu.

La tâche s'annonce colossale...

Je me cale contre le dossier du fauteuil et laisse échapper un soupir de frustration. Mon regard erre dans la pièce : des meubles en acajou, des murs blancs agrémentés de tableaux, un haut plafond, et en son centre, un lustre, chargé de cristaux scintillants.

L'antre d'Yvan le terrible... Je déteste cet endroit ! Trop de souvenirs pénibles y sont attachés. Un peu plus tôt, quand j'ai pénétré dans ce maudit bureau, j'ai dû me faire violence pour ne pas me faire submerger par le passé.

— Matriarche ?

Arrachée à mes pensées, je sursaute et découvre la mine déconcertée de Jérémie. Ses traits sont tourmentés par une anxiété qu'il peine à dissimuler.

Merde ! J'ai oublié de le congédier !

— Ça sera tout. Vous pouvez me laisser.

Il s'incline et recule vers la porte. Avant qu'il ne franchisse le seuil, je l'interpelle de nouveau :

— Attendez... Il s'agit bien de tout le personnel des Overney-Lecomte ? Je demande en secouant les papiers que je tenais toujours à la main.

— Oui, mademoiselle. De la femme de chambre au technicien de laboratoire... Tous vos employés y sont répertoriés.