TOME 1 - Chapitre 10

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Constat de survie n° 5 : L'hypocrisie est un vice à la mode !


— Chers amis et membres de la famille, nous sommes réunis ici aujourd'hui pour faire nos adieux à Yvan Overney-Lecomte. C'était un excellent chef, un père estimé et un grand-père aimant. Sa disparition constitue une véritable perte.

Un ramassis de mensonges...

Je fixe le cercueil recouvert de fleurs blanches et dressé sur des tréteaux, le tout reposant sur un tapis rouge devant l'autel de l'église, construite par nos ancêtres. Je reste impassible en apparence, dénuée de toute réaction. En réalité, la colère bouillonne dans mes veines, comme le magma d'un volcan sur le point d'exploser.

Je ne lui pardonnerai jamais !

Mon intérêt dévie discrètement sur l'assistance : sur les premiers bancs, sont assis ses quatre fils et sept filles, puis derrière, ses brus et ses gendres, viennent ensuite tous ses petits-enfants. Au fond de l'édifice, dans la pénombre, une centaine d'hommes d'affaires en costards-cravates occupent les derniers rangs, parmi eux, le docteur Guérin. Seul, le quatuorvirat brille par son absence.

Je me demande bien pourquoi...

Au fur et à mesure que le curé dresse un portait élogieux du tyran, une série de reniflements, de couinements et de gémissements en tout genre envahit la bâtisse. Tous arborent des masques de circonstance, affichant une tristesse excessive et une espèce de désespoir sans fond.

Quelle bande d'hypocrites !

Des murmures acides parviennent à mes oreilles. Je serre les poings à m'en blanchir les articulations. J'ai envie de frapper et de hurler, en comprenant que tous ces imbéciles me tiennent pour responsable de la mort de leur gourou à la con.

Je suis à deux doigts de péter un câble !

Je suis tentée de les recadrer, mais le moment s'y prête mal. Je me contente donc de leur lancer des œillades assassines, en rongeant mon frein. Une main se glisse dans la mienne. Son contact m'apaise, sa chaleur me réconforte.

Laura...

J'étreins fermement ses doigts, en gardant les yeux rivés devant moi. Je ne veux pas prendre le risque de croiser son regard et d'y lire une flopée d'émotions agaçantes.

Ma petite sœur est sincère, son chagrin n'est pas feint. Et c'est ce qui me fout le plus en rogne !

Mon esprit ne tient pas en place, il se met à vagabonder tel un chien libéré de sa laisse. Ma vie défile en sens inverse, pendant que le prêtre continue de débiter des absurdités sur le défunt. Je m'enfonce dans les méandres du passé, je fouille des fragments de souvenir, des réminiscences floues et décousues.

Rien... Je ne me rappelle pas d'un mot gentil de sa part ! Yvan Overney-Lecomte était froid et sans-cœur !

À la fin de la cérémonie funèbre, je me précipite dehors pour respirer un peu d'air frais. Mon estomac se tortille dans tous les sens. Le manège sournois de ma famille me donne la nausée.

Ils me dégoûtent, tous autant qu'ils sont ! Personne n'appréciait ce despote, qu'ils l'assument !

Une poignée de secondes plus tard, mes oncles et mes tantes, ainsi que leurs progénitures démoniaques, et le bataillon d'inconnus aux costumes soignés quittent l'enceinte de l'église. Tous passent devant moi en m'étudiant de la tête aux pieds, comme si j'étais la nouvelle attraction à la mode. Une seule exception : oncle numéro 1... Il se plante en face de moi et me toise méchamment. Son regard a le tranchant d'un rasoir.

Sang Remords (T.1 - ☑ /T.2 - en cours)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant