TOME 2 - Chapitre 9

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Conseil à soi-même n°6 : Ouvre les yeux. Tu n'es pas seule.

La neige est partout. Blanche, épaisse, oppressante. Elle transforme les arbres en fantômes immaculés, étouffe le monde sous son manteau glacial. Le silence y règne de façon sépulcrale. Seul résonne le bruit de nos respirations et le craquement croûteux de nos pas dans la poudreuse.

Dans d'autres circonstances, j'aurais pu apprécier l'instant, m'émerveiller de la magie de l'hiver, de ses œuvres éphémères, de ce calme religieux, mais en cet instant, mon esprit est trop inquiet, mon cœur trop agité.

Nous empruntons un sentier malaisé, rendu invisible et difficile par la neige. Le temps semble ralentir. Nous progressions péniblement en file indienne dans une poudreuse fraîche qui s'enfonce parfois jusqu'au genou.

— J'aurais dû mettre mes bottes ! peste Gauthier en écho à mes pensées. J'ai les chaussettes mouillées !

Je ne suis pas mieux lotie. Mes doigts sont gourds, je ne sens plus mes orteils.

J'ai l'impression de clopiner sur mes pieds raidis. Autant dire que même si j'avais envie de fuir, je serais bien incapable de courir.

Un frisson de froid et de terreur me parcourt. Je serre les dents et me focalise sur le dos de Nathan, qui marche devant nous avec facilité et familiarité. Un nœud se forme dans mon estomac. La réalité de notre situation me frappe de plein fouet.

Ici, il est dans son élément... En position de force.

— Un vrai loup, ce mec ! fulmine mon cousin. Il avance sacrément vite ! On se croirait en plein marathon polaire !

« Loup »...

Ce mot a l'effet d'un sésame. L'un de mes rêves me revient en mémoire : je suis dans le cimetière familial. Un loup au pelage gris m'observe avec intérêt. Il tient dans sa gueule une poupée à la chevelure dorée. Il grogne, me montre ses crocs.

Métaphore ou coïncidence ?

— Pourquoi le chemin me paraît-il plus long que d'habitude ? je chuchote à mon compagnon d'infortune.

— C'est à cause de cette foutue neige ! crache-t-il en donnant un coup de pied dans une congère. Non seulement elle complique notre progression, mais en plus elle nous épuise. Alors, forcément, la balade devient interminable !

Je remonte mon écharpe, couvrant ma bouche et le bout de mon nez. Mon souffle chaud m'apporte une chaleur réconfortante. Nous poursuivons notre périple sans plus rien ajouter pendant plusieurs minutes. J'observe les alentours et note que tout est uniforme, tout se ressemble autour de nous.

C'est un paysage sans vie, sans couleur, un dédale de formes pétrifiées où il serait si facile de se perdre...

Des petits flocons se mettent à tomber avec une lenteur infinie.

— C'est une plaisanterie ?! s'exaspère Gauthier en agitant la main devant lui. Comme si nous n'en avions pas déjà assez !

— Ça va aller. Nous sommes presque arri...

— Bordel ! Qu'est-ce que je fous là ?! me coupe-t-il d'un ton plein de reproches. En fait, c'est ça ta vengeance, hein ?! Tout ce baratin comme quoi tu y renonçais... C'était des conneries !

Une bouffée de colère m'envahit. Je lutte contre l'envie de lui envoyer mon poing au visage.

— Je ne t'ai pas manipulé, je rétorque sèchement. Je n'y peux rien si la météo est contre nous !

Sang Remords (T.1 - ☑ /T.2 - en cours)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant