Sang Remords (T.1 - ☑ /T.2 - en cours)

TOME 1 - Chapitre 19

Pense-bête n°5 : La plus petite des erreurs peut être lourde de conséquences.

C'est tellement horrible ! Ça me répugne...

Immobile devant l'escalier extérieur du manoir, je fixe pensivement mes pieds. La lassitude me gagne, m'étreint de ses griffes. Je ferme les paupières, lève la tête et offre mon visage au vent d'hiver, tout en enfouissant mes poings dans les poches de mon manteau. Des bourrasques glaciales me cinglent les joues, échauffées par la colère. Ce violent contraste a le mérite d'apaiser la tornade d'émotions qui souffle en moi.

J'ouvre les yeux. Le ciel est couvert d'énormes nuages gris, au travers desquels percent de frileux rayons de soleil. La forêt, sombre et sinistre, s'étend sur plusieurs hectares autour de la propriété. L'air est vif, tranchant. Je sens peu à peu la morsure du froid à travers mes couches de vêtements, mais je ne m'en soucie pas. Je me concentre pour faire le vide dans mon esprit. J'écoute l'appel de la tempête, le chant des branches sèches se heurtant les unes aux autres, le silence respectueux et craintif de la faune.

Soudain, un tumulte de voix me sort de ma méditation, m'imposant de nouveau le fardeau étouffant des responsabilités familiales.

Ils me cherchent, moi ! Ils cherchent la matriarche !

Je grommelle un juron et me mets à courir, droit devant moi, le plus vite possible, sans me retourner. Je m'enfonce dans les bois, je me laisse guider par mon désir d'éloignement et l'obsession d'atteindre mon but. Le souffle finit par me manquer, mes jambes s'alourdissent, mon pas ralentit. Je m'arrête, les mains sur les genoux. Ma respiration est saccadée, haletante. Des volutes de fumée s'échappent de ma bouche. Mon cœur tambourine dans ma poitrine. Mon sang bat contre mes tempes et résonne à mes oreilles.

Foutu corps... Je devrais peut-être me remettre au sport...

Je me redresse un peu, quand tout à coup, j'aperçois du coin de l'œil une ombre passer furtivement à quelques mètres de moi et disparaître derrière un grand tas de bûches oubliées.

Mon imagination... ?

Dans le doute, et surtout par réflexe, je m'accroupis, puis scrute attentivement les alentours.

Un domestique m'a peut-être suivie.

La neige s'invite, à gros flocons. Je balaye les environs du regard : certains arbres sont dépouillés de leurs écorces.

À moins qu'il ne s'agisse d'un cerf affamé...

Le temps s'étire en longueur. Je suis transie de froid. Mon visage, mes mains et mes pieds sont engourdis.

Je dois rentrer chez moi, sinon je risque de geler sur place. Mon projet attendra...

Je me remets péniblement sur les jambes, grimaçant à chaque mouvement sollicitant mes muscles endoloris. La neige et le vent en profitent pour redoubler d'intensité. La visibilité est quasi nulle, pourtant je n'ai pas le choix : je ne peux pas rester ici.

Un pas après l'autre, je progresse prudemment vers l'endroit où j'ai vu l'ombre s'éclipser. Un détour certainement inutile, mais j'ai besoin d'en avoir le cœur net. Une fois devant le monticule de bois, je le contourne et pousse un soupir de soulagement en constatant que rien ni personne ne s'y cache. Je m'apprête à faire demi-tour pour repartir en direction de ma maison, quand je remarque au sol des empreintes de semelles.

Et merde !

Le choc de ma découverte me pétrifie. Mes pensées s'entremêlent, la panique menace de me submerger.