Feeling

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Ma concentration est si bouleversée que je n'arrive pas à dessiner correctement. C'est un peu dérangeant. De sur quoi, mon esprit ne cesse de me persécuter. Il n'y a que ce baiser qui puisse tourner impunément en boucle, dans ma tête. Sincèrement, c'est terrible.

- Est-ce que je ne souffrirais pas de masochisme émotionnel, moi ? Me murmurais-je distraitement, en me caressant le front.

La porte à mon dos se met à grisonner.

Je me tourne, et Jake pénètre la pièce. Puis, lorsque son regard capte le mien, il esquisse nerveusement un brin de sourire, avant de tourner les talons, et de s'en aller.

Hébétée, je reste raide en observant le couloir extérieur qui se dévoile à moi.

Est-ce qu'il vient de fuir ?

- Quoi ? Disais-je bêtement, à voix haute.

Je pouvais m'attendre à tout de lui. Mais ça c'est bien trop unique. Ignorer quelqu'un qu'on a sois même embrassé par manque de cran, n'est-elle pas une chose intéressante ?

Ne serait-ce pas moi qui devrait l'éviter et tout faire pour ne pas le croiser ? Je suis quand même celle qui a assisté à la manifestation de ce regret dans ses yeux. Je suis celle qui a reçu ce baiser vide sans même l'avoir demandé. Je suis celle dont les illusions ont été abîmé parce qu'il a réalisé surestimer l'importance que je représente pour lui. Ne sont-elles pas toutes de bonnes raisons pour que les rôles que nous adoptions en ce moment, soient raisonnablement inversés ?

Alors, finalement, Jake Burton.

Quel est ce test que tu tentes de me faire expérimenter ?

- Est-ce que tu es là ?

Pour seule réponse, une brise venant de la fenêtre que j'ai laissé ouverte pour aérer, me caresse les cheveux. Je me lève de ma chaise, et marche jusqu'à la sortie. Avant que je ne puisse la franchir, j'aperçois sur la face de droite, un corps dos au mur, assis par terre. Le garçon à la tignasse châtaigne, adopte une posture abattue, le visage baissé.

Je ne dis rien, dans ce silence qui en dit bien trop.

- Je suis là, Amanda. Je ne suis jamais parti.

- À quoi ça rime tout ça, Jake. Je n'arrive pas à comprendre, avouais-je de bute en blanc.

- Ça te remonterait le moral si je te disais que moi aussi ?

Il relève la tête, en essayant de me sourire. Mais ses lèvres retombent en monotonie, en voyant que je ne réagis pas.

Je ne peux pas plaisanter, lorsque ce que j'éprouve est aussi secoué, c'est au delà de mon possible.

En comprenant que je ne marche pas avec lui, il soupire fatalement.

- Je ne l'ai pas fait que sur le coup de l'alcool. Je le voulais en partie. En grande partie, à vrai dire. Seulement même en ayant conscience du mur immense qui nous entravait, je l'ai quand même fait. Je l'ai fait parce que je cherchais une certitude façonnée. Je cherchais à me convaincre que je ne te voyais pas de cette manière. Je cherchais à ne pas affronter la sériosité de l'affection que je te portais. C'était ça, mais les choses ont vraisemblablement dégénéré Amanda, et j'en ai pris plein le visage. Et maintenant, je me retrouve là, à ne plus savoir comment agir auprès de toi, et même envers ma propre personne.

- C'était cruel tu sais, exprimais-je en entendant le tremblement dans ma voix. C'était cruel de me donner autant d'espoir et de les détruire ensuite.

- Je sais. Et je n'ai pas d'excuses assez bonnes pour que tu puisses me pardonner.

- Est-ce que...j'étais un jouet pour toi ?

Mon cœur résonne dans mes tympans. Et il bat vite. Très vite. Comme si je tapais le sprint de ma vie. Il bat à en briser mon courage. Il bat à en réduire en miette mes rêves. Je ne tient sur mes jambes qu'à moitié. J'ai peur de pleurer. Mais qu'il me réponde ou pas, je sens que je ne sortirais pas victorieuse de cette histoire.

Jake, encore une fois, détourne les yeux en maintenant une main dans ses cheveux. Ainsi, avec une expression dépitée, il déclare faiblement :

- Non, je ne t'ai jamais regardé comme ça.

Sans pouvoir l'expliquer, mes genoux se sont affalés contre le sol. Je suis tombée. Et parce qu'il s'est subitement vidé de toutes les forces que je détenais avant, je n'ai pas été capable de savoir remettre mon corps debout. Alors, je l'ai accepté et je suis restée par terre. La pression de mes émotions est devenue bien trop forte pour que je puisse la canaliser. J'ai faibli face à moi-même, terriblement. Affronter ça, me donne la sensation de lentement sombrer.

- Amanda, continue t-il, je suis désolé de t'avoir mêler à moi. Je suis désolé de t'avoir fait t'accrocher, en sachant que c'était une pièce sans issues. Je suis désolé de t'avoir volé ce baiser, hier. Je t'ai fait espéré des choses que je savais que je ne pourrais pas te donner. La terrible vérité c'est que j'aime ta façon de me regarder. J'aime l'éclat que tu m'offres à chaque coup de regards. J'aime l'expression déstabilisée que tu adoptes lorsque je fais quelque chose. J'aime tes failles, Amanda Williams. Toutes tes failles, je veux dire. Ou du moins, celles que j'ai déjà pu desceller. Parce que tu ne t'en rends peut-être pas compte mais elles font de toi, cette fille attachante et charmante que je n'ai pas pu me résigner à ne pas embrasser. Et de mon côté j'y ai cru aussi. C'était sans alternative mais je me suis emporté, et je me suis auto-convaincu que ce ne serait pas mal de me noyer dans cette illusion le temps d'un instant. Sauf que mon esprit a été gourmand, et il a tenté de nous y retenir plus longtemps par mon pur égoïsme. Mais il est trop tard maintenant, et il ne me reste plus rien d'autre, que de te présenter mes excuses.

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