chapitre 28

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Allongée contre le tapis de cette grande pièce, je sens mes yeux s'embuer à chaque pensée qui me traverse. Je me sens...bizarre. Bien. Je me sens autant oppressée, que vide de toute volonté. C'est une forme de bien-être. N'est-ce pas ?

Le temps est comme suspendu dans le cosmos. Et je viens de perdre l'envie d'avoir sommeil. Littéralement sommeil. Il est 6 heures du matin. Un, deux, trois. Trois rayons du soleil, réfléchissent contre la vitre fermée, de la baie vitrée. Mes yeux s'éclaire comme le monde. Il est beau, le monde. Je souffle doucement, en laissant mes bras se replier derrière ma tête.

Quoi que je fasse, Jake arrive toujours à obstruer mon jugement. Je n'ai pas l'impression que ce soit une bonne chose. Son seul visage, suffit à me donner envie de pleurer. Étrangement, je sens que je suis cassée. Seulement, je ne sais juste pas pourquoi. Me souvenir de sa voix, de son rire, de son fichu carnet, et de ses yeux sincères me donnent envie de ne pas aller bien. Ça devient dur sans vraiment l'être...

- Je te hais ! M'exclamais-je soudain en donnant un grand coup de pied dans le bureau en face.

Un bibelot titube légèrement sur le meuble en bois, avant de s'échouer sur le sol dans un vacarme. Un vacarme qui me fait immédiatement redescendre sur terre. J'ai cassé quelque chose.

- Peyton ?

- Je suis occupée, me précipitais-je en vérifiant l'objet abîmé.

- Ce n'est que moi...Danielle. J'ai entendu du bruit. Ça roule là dedans ?

- Oui, je cherche juste...un truc !

C'était un peu trop enthousiaste. Même Taylor se serait alarmé. Je m'empare des quelques morceaux de verres brisés sur le tapis, pour les jeter dans un sachet. C'est une veilleuse qui s'est détruite. De tout ce qui pouvait arriver, c'est une veilleuse qui s'en sort mal. Non, Dani'. Ça ne roule pas vraiment là dedans.

- Est-ce que je te dérange ? Désolée, j'en ai l'impression...en fait les autres et moi, on va faire des courses pour la maison, et on se demandait si tu voulais nous rejoindre ?

- Ah, soufflais-je vaguement, non merci, je préfère rester ici. Je ne me sens pas de sortir, aujourd'hui.

Un silence retombe entre elle et moi, à travers la porte. D'une certaine façon, j'ai une étrange impression. Je ne sais pas ce qu'elle doit se dire de l'autre côté. Que je cherche à l'ignorer ? Que je l'évite à tout prix ? Elle et eux tous ? C'est vrai qu'on ne s'est presque pas parlé hier soir. Je ne le remarque que maintenant. « Désolée, j'en ai l'impression ». Ça sonnait d'une tristesse plaquante. Tristesse. Ça me rend mal qu'elle pense, me déranger.

Sauf que je n'en fais rien. Rien pour changer ça, ce moment. Je me rassois juste sur mon lit, la veilleuse abîmée dans ma main droite, en attendant patiemment une réponse de mon amie.

Elle a dû lire dans mes pensées.

- Oh, je comprends, soupire t-elle, Bon eh bien, je vais essayer de te ramener quelque chose. Ça ne compensera pas ton absence, mais au moins, tu n'auras pas tout manqué, comme ça.

Puis je n'entends que des pas qui s'éloignent progressivement. J'ai, d'un coup, un creux dans la cage thoracique.

Je viens de l'ignorer.

Je viens d'ignorer Dani'.

Et ce n'est que parce que je l'ai ignoré, tout le reste se dévoile comme une lourde réalité dont j'ai fait abstraction.

Son regard. Son regard, après la fin de cette journée où elle avait soudainement déserté sa classe. Son regard, en voyant Tommy éclater en petits morceaux sur la ruelle, face à son école. Son regard, lorsque quelqu'un évoque ne serait-ce que le prénom de Nick par mégarde dans une conversation, ou autre. Son regard depuis le début de ces congés, malgré tous ses sourires. Son regard. Ce regard là.

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